vendredi 19 juin 2009

La bave était violette.

13/06/2009

La rue était étrangement déserte, pas moyen d'alerter qui que ce soit. Ils allaient devoir se débrouiller seuls, malgré le fait que les hommes en noir commençaient sérieusement à déborder Mannrig et Léander. Ce dernier venait d'ailleurs de prendre un mauvais coup, qui l'avait fait lâcher son arme. Il allait falloir réagir vite, sans quoi cela risquait de mal finir. Yuriko plongea en direction des combattants, les attrapa chacun par un bras et, au prix d'un gros effort, les souleva tous les deux pour aller les déposer avec une délicatesse toute relative sur un toit voisin. Skyla, maintenant. Elle était en train de s'enfuir. Bonne initiative. Yuriko fonça dans sa direction, coiffant sur le poteau le tueur qui la poursuivait, et la hissa à son tour sur le toit. Ça, c'était fait. Ouuuh ! Tout à coup, des étincelles fuyardes apparurent dans son champ de vision, en même temps qu'une sorte de tournis s'emparait d'elle. C'était le bout du rouleau, là, son corps cédait à l'épuisement. Et les assassins n'abandonnaient pas la partie, au contraire, l'un d'entre eux était déjà sur le toit. Yuriko s'envola à nouveau, commençant à puiser dans son énergie interne pour combattre sa faiblesse physique. Il fallait absolument les empêcher de grimper, sans quoi ils se retrouveraient dans la même situation qu'avant, c'est-à-dire dans une merde noire. Mannrig était blessé en plusieurs endroits, Léander, pas mieux, et elle-même, bien qu'indemne, (tiens, d'ailleurs, elle n'avait plus de coupure au bras) était dans un tel état d'épuisement qu'elle ne pourrait supporter beaucoup plus longtemps un tel rythme.
Profitant de ce qu'ils étaient en train d'escalader, Yuriko frappa un des tueurs par derrière, en le contournant d'un vol rapide. Sous le choc, et comme surpris par la douleur, il perdit l'équilibre et se vautra trois mètres plus bas dans un bruit sourd. Puis elle se dirigea vers le suivant, qui ne vit pas venir le coup et, dans un craquement funeste, fut littéralement écrasé contre le mur par un coup de pied trop bien placé. La platitude de son attitude ne laissait guère de doutes : il était mort sur le coup. En haut, quelqu'un cria, et Yuriko releva la tête juste à temps pour voir tomber dans une gerbe de sang un autre cadavre habillé de noir. Il restait un assassin sur le toit, qu'elle ne pouvait pas voir, un éclopé en bas, et un dernier grimpeur. Malgré leurs pertes, ils ne semblaient pas vouloir se calmer, ou vouloir aborder la phase diplomatique, comme des gens normaux. Elle tenta de faire tomber le grimpeur en le frappant une fois, deux fois avant qu'il ne lâche prise. Par contre, au lieu de s'écraser en bas comme le bon enfoiré qu'il était, il se réceptionna et commença à fouiller dans sa veste sans détacher de Yuriko son regard plein de colère. Non mais ho, il voulait pas se calmer, des fois ? Pas de réponse. Parce que, mon vieux, quand on est dans une situation pareille, on s'enfuit, on se rend ou on cherche à discuter, mais on ne continue pas, à moins de... Elle se tut pour éviter le couteau qu'il venait de lancer, avant de se ruer sur lui et de lui bloquer les bras. Il gigotait, mais elle avait une bonne prise, et put glisser sa jambe autour de son cou pour commencer à l'étouffer. C'était pas le moment d'avoir une crampe.
En général, dans ce genre de situations, ils s'évanouissaient en moins d'une minute, surtout quand ils ne savaient pas garder leur calme. Et justement, l'allumé strangulé fulminait, hurlait silencieusement, bavait... d'ailleurs, à bien y regarder, sa bave avait quelque chose d'étrange. Elle était abondante, savonneuse, et surtout, violette. "Heuu... ça va ? demanda Yuriko avec un certain scepticisme, en relâchant légèrement son étreinte.
- Tout ce que tu me dois que tu ne peux pas goûter !" lui cria Mannrig du haut du toit, qui n'était pas si haut que ça. Comment ça, elle pouvait pas goûter ? "Je prends" répondit-elle d'une voix cassée par la fatigue, avant de mettre le bout du doigt dedans, et de porter la substance à ses lèvres. Beuh ! C'était âcre. "Ça a quel goût ? demanda maître corbeau du haut de son perchoir.
- C'est dégueulasse, répondit le renard fort peu alléché, on dirait..." Un détail attira son attention : elle ne sentait plus son pouls. "Il est clamsé." constata-t-elle tout haut, en le lâchant. Le corps tomba comme un pantin sans fils. Bizarre.
Sa tête bourdonnait. Apparemment, les autres étaient morts aussi. À bout de force, elle alla chercher Skyla qui lui demandait de l'aide pour descendre, et manqua de la laisser tomber tant ses gestes étaient mal assurés. La doc diagnostiqua avec perspicacité environ cinq décès, dont deux par empoisonnement. Ah, c'était donc ça, le truc violet ! Mannrig, toujours curieux, extirpa de la bouche de l'une des victimes une dent de verre creuse, contenant ce fameux liquide sombre avec lequel les survivants s'étaient empoisonnés. Il fallait être sacrément taré pour se suicider de la sorte, et/ou avoir une très puissante motivation. Qu'est-ce qui pouvait bien leur faire plus peur que la mort ? C'était incompréhensible. En tous cas, deux choses étaient claires : la première, c'est que c'était pas le barbu qui commanditait ceux-là. On ne dépêche pas cinq professionnels pour quatre blaireaux qui viennent d'arriver en ville, et surtout pas le genre de professionnel qui se suicide plutôt que d'être capturé. La deuxième chose sûre, c'est que si ils avaient dérangé quelqu'un, secte ou organisation criminelle, capable de leur envoyer des fanatiques pareils, ils n'allaient pas moisir ici, en espérant que Sainte Jattirelapoisse avait compris que, cette fois, c'était pas de la blague. C'était pas seulement sa propre peau qu'elle risquait avec ses conneries, mais aussi celle des autres !

Suite (fuite ?) dans deux semaines.

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