mercredi 28 octobre 2009

Délano, comme ça se prononce.

23/10/2009

- Après avoir quitté le village de la dernière fois, nous entrons au Dwanhölf. Pour l'anecdote, par ici, il n'est pas rare de croiser des cadavres à peine comestibles finissant de dégoutter dans les bas-fossés, la milice protège celui qui paye le mieux et le tourisme sexuel bat son plein.
- Au cours de la dizaine de jours qui nous séparent de la ville où Zacharias doit nous faire rencontrer son employeur, Nalya fabrique grosso modo 120 kg de diamants que nous pourrons revendre ensuite. Sur demandes respectives (ce mot est important) de Paola et Kurt, elle façonne également dans cette matière une sphère régulière de 5cm de diamètre et un... gode ressemblant à la fusée Ariane au moment du décollage. (l'énigme, c'est ce qu'il compte faire avec ça ôO.)
- Juste après avoir reçu son petit cadeau, Kurt s'effondre en hurlant, terrassé par une nouvelle crise. Il a extrêmement mal aux abdominaux et aux poumons. Il se roule par terre, secoué de quintes de toux particulièrement longues et douloureuses, expectorant du sang par la bouche et les narines. Un beau caillot forme une plaque rouge sous la peau de son ventre, tandis que ses organes internes suintent de l'hémoglobine.
- Sa toux finit par se calmer un peu, il a la main bien rouge. Nalya l'épaule un peu, l'allonge dans la roulotte et regarde rapidement ce que ça donne avec ses maigres connaissances en médecine.
- Elle génère un petit scalpel d'énergie psychique et incise prudemment la cloque sanglante que Kurt a sur le bide. Cela se vide lentement. Pas moyen de savoir si c'est bon pour lui ou plutôt mauvais. Il y a intérêt à ce qu'on trouve assez rapidement un bon médecin pour lui.
- On repart.
- Nous finissons par arriver à une ville moyenne, qui se trouve être celle où Zacharias a rendez-vous.
- Zacharias mène Nalya, Kurt, Virgil et Pernilla chez le médecin qui doit lui filer du boulot. C'est une grande maison du côté du centre-ville. Il y a marqué "Docteur Délano" sur la porte.
- Myllenia et Néro sont restés près de notre nouvelle roulotte, pour faire fuir les éventuels challengers.
- Pernilla a l'apparence de Mr. Clampin-Lambda, Jan de son prénom, image d'Épinal vivante du Dwanhölf.
- Une servante nous ouvre et nous demande ce qu'on veut en Tarraszv (langue locale tarabiscotée). Kurt, seul à parler cette langue, sert d'interprète et se lance dans des explications confuses.
- Zacharias montre la convocation qu'il a reçue, et elle nous prie d'entrer en bon latin.
- Elle nous largue dans une salle d'attente.
- Bientôt, un homme au corps jeune mais aux cernes profondes et au poil poivre et sel vient nous chercher, et nous accompagne dans un salon. Nous sommes priés de nous asseoir, ce que nous faisons.
- 'voulez du thé ? Oué, pourquoi pas. Il y a du sucre ? Merci. Du lait, peut-être. Nan. Les habitants du Dwanhölf, curieusement, ne boivent que rarement du thé au lait.
- Hello, il est médecin, il a besoin de mercenaires qui l'accompagneraient en Albéria, pour y faire quelque chose qui ne regarde pas les larbins que nous serons. Ah bon.
- Pendant la discussion, Nalya décèle les traces d'une matrice psychique sur notre individu, et Pernilla remarque qu'il possède le don mystique, avec apparemment la voie de la terre.
- Il finit par nous dire qu'il est atteint d'une pathologie contre laquelle la médecine ne peut rien. Il est progressivement devenu amnésique. Il nous paiera plutôt bien si nous l'accompagnons dans son pèlerinage. (60 pièces d'argent, soit environ 3 mois de salaire du soldat de base (je prends 5pa/semaine), sauf que nous, c'est par jour et par personne.)
- Pour bien montrer qu'il n'est pas vieux comme son visage pourrait le laisser croire, il essaie de faire deviner son âge à ses interlocuteurs, montre son torse, etc. puis annonce qu'il a 30 ans, par là. (je ne me souviens plus exactement.)
- Kurt pose une bourse de 10 pièces d'or sur la table, pour montrer qu'il se fout de ce salaire pour doberman parkinsonien, et évoque sa propre maladie, ce pourquoi il est venu.
- Il lui pose quelques questions sur les symptômes, auxquelles Kurt répond volontiers.
- C'est une maladie causant la dégénérescence des tissus abdominaux et la fusion de la mousse des poumons (en gros). Il reste assurément à Kurt moins d'un an à vivre. Il n'y a pas de remède, au revoir.
- Bon, en fait, il y a quelque chose. Il existe... Un remède universel (ben tiens). Délano n'en possède plus qu'un (ben tiens²), ayant utilisé sans succès les trois autres sur lui-même.
- Bien sûr, il peut nous le donner, sinon il n'en aurait pas parlé. Cependant, ça nous coûtera un service gratuit d'accompagnement/protection/servitude en Albéria. (je suis peut-être parano, mais c'est vraiment pas cher pour ce que c'est... pas assez cher pour inspirer confiance, ou alors le prix est plus élevé qu'on ne le pense.) D'ailleurs, osef de l'argent, non ?
- Il sort d'une armoire une petite fiole d'un liquide transparent, qu'il fait boire à Kurt. Cela ressemble à de l'eau, ça a le goût de l'eau, ça a la couleur de l'eau, mais c'est pas de l'eau.
- À la moitié de la fiole, il lui dit stop et lui demande de sniffer la fin. Cela ressemble à de l'air, ça a l'odeur de l'air, ça a la consistance de l'air, mais c'est pas de l'air. Kurt conserve une petite goutte au fond de la fiole, dans l'hypothèse où Nalya pourrait en fabriquer des quantités industrielles ensuite.
- Ensuite, il demande les noms de ses nouveaux larbins, et s'il y a des réclamations particulières.
- Il y en a une : c'est purement formel, mais Pernilla souhaiterait ne pas être traitée comme une sous-fifre.
- Tournée des noms : Nalya Gallen, Virgil Anderson, Zacharias est déjà connu, Kurt fournit dix noms différents des quatres coins du monde et Penilla, oubliant son masque illusoire d'homme du Dwanhölf, annonce "Paola" sans complexes.
- Se rendant compte de sa boulette, elle récupère progressivement son apparence normale.
- Il fait tourner un joint pour faire passer la nouvelle, suivi d'un contrat que nous devons signer. Peut-être, demande-t-il, que certains d'entre nous qui sont doués de magie auront remarqué qu'il s'agit de parchemin magique ? Il y a des clauses pour le non-respect du contrat, plus ou moins graves selon la faute.
- Il propose, à un moment ou à un autre (c'était fouillis, cette discussion !) aux mages de récupérer des livres/objets magiques en nous filant l'adresse de quelques revendeurs de ce genre de denrées.
- Il demande s'il y aura d'autres personnes. Peut-être, ça dépend d'eux, répondons-nous en pensant à Myllenia et Néro.
- Il nous informe de notre premier boulot : propager la nouvelle de son départ, d'ici à demain. Il travaillait pour la pègre locale, et il est inutile de préciser que celle-ci prendra mal cette histoire, d'où... prudence.
- À peine sortis, nous échangeons les infos : mage + mentaliste + médecin = balaize, donc prudence encore. De plus, quelques unes de ses remarques au cours de la discussion nous ont permis de comprendre qu'il a déjà grillé tous les membres du groupe qui flirtent avec le surnaturel.
- On retourne voir Néro et Myllenia, qui ont pas mal d'humeur d'attendre. On leur explique le topo.
- Un groupe (il y a Myllenia avec, histoire de faire peur) s'en va vendre le scoop aux commerçants, qui par ici arrondissent tous leurs fins de mois avec des informations.
- Un autre s'occupe de choses et d'autres... (je sais plus trop ce qu'on a fait.)
- Ensuite, pendant que Néro et Zacharias, installés en face de chez Délano, papotent en surveillant, deux mendiants s'installent dans la rue pour la surveiller. Deux personnes ; deux styles.
- Kurt : *Appose la pointe de son couteau au creux de l'aine d'un passant* "Bonjour, je voudrais de l'argent, j'en ai vraiment besoin, hein."
- Pernilla : *Assise par terre dans des guenilles, jouant de la guitare à une corde avec un chapeau en face* "À vot' bon coeur, m'sieurs dames... J'ai rien mangé depuis deux semaines et cinq enfants à nourrir, tous très petits et très mignons." (C'est con, hein ? Ils parlent pas latin.)

Suite la semaine qui sera en cours dans 96 heures.

lundi 26 octobre 2009

Opération nocturne discrète.

10/10/2009

La pièce était un vrai champ de bataille. Tous les murs étaient striés de crevasses et d'entailles, empreintes des ondes de choc que produisaient les coups de hache du mastodonte. Celui-ci gisait encore à terre dans une mare de sang sombre, et pas seulement le sien. Les vitres avaient toutes volé en éclats. Non, elle a rien, fit la voix de Skyla, elle dort, c'est tout. Comment dormir dans une situation pareille ? Avec son habituel esprit de contradiction, Yuriko se redressa et, non sans s'être préalablement étirée, entreprit de ramasser les cartes qui gisaient au sol. Mannrig était affairé à retirer au cadavre sa carapace d'acier, et elle se prit à penser qu'ainsi dénudé, il avait l'air presque petit. (pas Mannrig, hein, mais le cadavre)
Certaines cartes, entre autres le valet de trèfle et le sept de carreau, étaient coupées net, comme avec un rasoir. Foutu, le jeu. Bah, c'était pas bien grave, puisqu'elle souhaitait en changer, mais quand même... On s'y attachait, à ces petites bêtes. Même le joker rouge dévisagé avait sa personnalité, son histoire, (aussi courte soit-elle) et se trouvait chargé du souvenir des dizaines de parties qu'ils avaient jouées avec. Le plancher jonché de cartes et de morceaux de verre fumait et se craquelait doucement aux endroits où avait été reversé du Surprenez-moi. En cherchant des yeux, elle finit par apercevoir ce fameux bouffon, qui s'imbibait d'alcool à la surface de la flaque. Laissant tomber les cartes qu'elle avait ramassées, elle saisit le joker détrempé entre le pouce et l'index et se releva sans le quitter des yeux.
Bon, les enfants, dit le sauvage avec une sagesse confondante, on allait pas trop traîner, d'accord ? Parce que là, ça sentait un peu le gaz, il flairait l'embrouille, les merdes, ça volait en escadrille et les ennuis n'arrivaient jamais seuls. Autant de bonnes raisons de pas s'éterniser. Qu'ils en crussent son expérience, en général, les types comme celui-là, fit-il en montrant du menton le mort, hé bin ils ont de la famille. Et puis, si ça se trouvait, on était en pleine période de reproduction, alors ils avaient intérêt à être vigilants. Rapidement, Yuriko se saisit d'un bout de papier et "emprunta" une plume à Léander pour rédiger à la hâte un petit message à peine sarcastique à l'attention des collègues du macchabée. Où déposer ça pour être sûrs qu'ils ne le ratent pas ? Il n'y avait qu'à l'agrafer sur le front ! Comme ça, ils ne pourraient pas passer à côté, au moins. Tiens, à propos de morts... Leur était-il venu à l'esprit que s'ils venaient bien de dessouder le "Camarade Piotr", comme disait ce cher Alessandro, eh bien ils avaient de bonnes raisons de s'inquiéter ? Qu'ils jettent simplement un petit coup d'œil aux notes d'Ernst. La petite annotation qui accompagnait le nom de Piotr était "sale gueule", tandis que certains autres noms portaient la mention "Dangereux", dans un cas même agrémenté d'un "très" souligné trois fois, afin de bien insister, sans doute, sur la dangerosité potentielle du tueur à gages concerné. Le côté alarmant de la chose, c'est que Piotr n'avait visiblement pas été jugé suffisamment dangereux pour mériter cet épithète. Quoi ? Non, rien, il avait juste failli estropier Mannrig et éviscérer Léander, comme ça, en passant. Eh oui, acquiesça le sauvage d'un air entendu, quand ils étaient en rut et ne trouvaient pas de femelle, les Machines à tuer, scientifiquement appelés Paranthropus Hachus Hypertrophis, pouvaient devenir d'une violence extrême, qu'un homme intelligent comme Bardley pouvait à sa guise canaliser, et ainsi en faire des hommes de main efficaces, quoique peu polyvalents. Il ne fallait pas en vouloir à cette pauvre bête, car elle était manipulée. Ce Vince, dit-il en montrant du doigt le nom dans la liste de Ernst qui se voyait qualifié de "dangereux", était sans doute le mâle dominant, tout simplement. La meilleure chose à faire, c'était d'attendre que passe la saison des amours. En tout cas, avec les lapins, ça marchait très bien.

La bouteille s'écrasa sur les pavés, au milieu de l'impasse. Bientôt les flammes commencèrent à courir sur le liquide qui s'épandait lentement, et une lumière jaune envahit la rue, en face de la maison. ça, c'était la diversion. Yuriko retourna dans la cuisine et fit descendre leur sainte par la fenêtre de derrière, qui se trouvait à quatre ou cinq mètres de hauteur. Alors qu'elle déposait son chargement en bas, Léander atterrit juste à côté d'eux dans un mouvement félin et gracieux. Plus qu'un. Elle remonta et appela Mannrig qui avait tenu à laisser un petit message dans l'entrée, pour inciter le propriétaire à prendre la nouvelle de la dégradation de ses biens immobiliers avec philosophie. Le sauvage accourut, un petit sourire aux lèvres, et se jeta dans les bras de l'ascenseur improvisé.
Une fois tous en bas, dans la rue, ils se concertèrent rapidement pour savoir où aller. Et si on squattait chez quelqu'un, comme ça, au hasard, en entrant par effraction. Non ? Pas même chez une connaissance ? Oh, ben, elle savait pas... Ils auraient pu aller chez Mr. Surprenez-moi, ou chez Caïus, à la limite. Il serait content de les voir, assurément. Mais si, comme ça, c'était plus prudent. Ils n'avaient qu'à acheter le silence de leur hôte, et c'était tout bon. En changeant de maison chaque nuit, on minimiserait les risques. À l'église ? Et pourquoi là-bas plutôt qu'ailleurs ? Nan, mais on s'en foutait du droit d'asile, hein. Le point important, c'était que comme ils y étaient déjà allés, ils y avaient potentiellement déjà été repérés, même ceux qui n'avaient pas un signalement remarquable. Alors non ? Sûr ? Bon, pas de problème, alors, mais faudrait pas se plaindre après.

Quelles étaient les chances pour qu'une telle obstinée se sorte elle-même de la mélasse noire dans laquelle elle s'était immergée ? Ainsi s'interrogeait Yuriko, suspendue la tête en bas à quelques mètres au-dessus du sol, en tournant très lentement sur elle-même. Elle leva les yeux et observa attentivement les formes qui se dessinaient au-dessus d'elle. On devinait, collées au plafond, les silhouettes de trois dormeurs qui se fondaient dans la pénombre de la pièce. La lueur d'une bougie tremblotait encore, nageant dans l'ultime petite flaque de cire restante, et un mince filet de fumée noire s'effondrait du bas de la pointe de la flamme pour aller s'écraser avec lenteur aux pieds de Yuriko. Elle détacha son regard de cette bougie mourante et reporta son attention sur le sommeil des dormeurs. Alors, se demanda-t-elle en regardant vers la couchette qui se trouvait en haut à gauche, combien de chances ? Sa propre question lui sembla soudain purement oratoire, tant la réponse était évidente.
Il y avait une petite porte de bois sombre, de l'autre côté, qui permettait d'accéder à l'arrière-salle où ils avaient trouvé refuge. Qu'est-ce qui l'aurait empêchée de fuir dès maintenant, et de ne plus jamais revoir les trois futurs macchabées qui sommeillaient là-haut ? Certainement pas trente-cinq pièces d'or, ni les prédications apocalyptiques de son employeuse, en tout cas. Se serait-elle sentie coupable de l'abandonner ainsi à une mort (presque) certaine ? Ouais... Possible.
Cependant, même à quatre, la question se posait : quelles étaient leurs chances de survie dans les prochains jours ? Non pas que Yuriko se fisse du souci pour elle-même ; en réfléchissant et en courant suffisamment vite, elle pensait pouvoir sauver sa vie dans pratiquement toutes les situations. De ce côté-ci, ça irait. En ce qui concernait les autres, par contre... Léander, quoiqu'il en dise, était passé par deux fois près de mourir dans la même journée, et le sauvage avait été assez gravement blessé par Piotr. Dans ce sens, c'était pas plus mal qu'ils aient un médecin avec eux, mais même avec tout son talent, Skyla ne ressusciterait pas les morts.
La lumière faiblit brusquement puis s'éteignit finalement. Elle rougeoya encore pendant quelques secondes avant que ne tombe le noir le plus complet. Sans stopper ses rotations, Yuriko entreprit de basculer lentement en avant dans un mouvement régulier et doublement circulaire. Bientôt, elle ne sut plus distinguer le bas du haut. Quelle idée de dormir dans une église ! se dit-elle en frissonnant légèrement. Il y faisait si froid... Les larges pierres conservaient une fraîcheur parfois très agréable, mais pour l'instant engourdissante. Son manteau était resté au sol, et le sol devait se trouver quelque part autour d'elle.
Dans cinq jours, à en croire l'homme qu'ils avaient interrogé au bordel, Sandberg, un des plus gros poissons de la ville, retrouverait leur cher Bardley pour l'échange d'un chargement dont la valeur, la matière et l'utilité n'avaient pas été précisées. Ils savaient tout de même où se trouvait l'entrepôt choisi pour la transaction. Ce pouvait être une piste.
Demain. Ils verraient ça demain.

Un fin petit froid sec qui s'en irait bientôt gerçait encore les lèvres des habitants d'Americh, au mépris de l'ascension du soleil et du chant des gouttières. Tout en marchant sur les toits des maisons, Yuriko promenait son regard aux alentours pour surveiller les arrières de Léander, dont le pas régulier résonnait sur les pavés de la rue voisine, dans la torpeur du matin.
Bientôt, ils parvinrent aux entrepôts. À perte de vue s'étendaient des bâtiments tous identiques, énormes et intimidants. De gros blocs hauts d'une dizaine de mètres chacun, volumineux comme des cathédrales et séparés par de larges allées rectilignes et régulières, s'étalaient sur plusieurs kilomètres. Un silence pesant régnait dans les grandes artères, à l'exception de celles dans lesquelles pulsait avec fracas son propre sang. Yuriko sauta du bord de l'entrepôt sur lequel elle était, et atterrit sans aucun bruit sur la tôle ondulée du suivant. Elle n'entendait plus Léander. À peine l'entr'aperçevait-elle par intermittences.
D'autres bruits de pas s'approchèrent. En se penchant un peu, elle remarqua deux gardes qui patrouillaient. D'accord. C'était prévisible, mais les lieux étaient surveillés. Une fois qu'ils furent passés, elle prit son élan et, dans une course silencieuse, bondit de toit en toit jusqu'au carré d'entrepôts dont Sandberg était le propriétaire. Un nouveau problème se posait : lequel de ces bâtiments était le bon ? Elle sauta sur le plus proche et regarda en bas. À droite, deux autres gardes passaient sans se presser, poursuivant leur ronde. De l'autre côté, Léander arrivait. Il lui fit signe et montra la bonne direction.

À vrai dire, une fois dessus, cela avait quelque chose de décevant. L'entrepôt où se déroulerait la transaction ne présentait aucune particularité ; il n'était pas plus grand que les autres, ni mieux gardé. En fait, il n'y avait rien sinon son emplacement qui permît de l'identifier parmi ses congénères. Deux grandes tôles ondulées légèrement inclinées composaient le toit. Au milieu, une chape de plomb solidarisait les deux éléments pour plus de sécurité. "Hé ! cria quelqu'un en contrebas, qu'est-ce que vous foutez là ?" Yuriko avait sursauté. Descendez immédiatement, ajouta le garde en colère. Que faire ? Elle s'approcha du bord d'un pas quelque peu hésitant et, après réflexion, se jeta dans le vide.
Une dizaine de mètres plus bas, elle s'écrasa sur les graviers avec un hoquet douloureux et ne bougea plus. Deux gardes s'approchèrent au pas de course, elle leur tournait le dos mais pouvait les entendre. L'un d'entre eux devait avoir un sifflet pour prévenir ses congénères, car un bruit strident caractéristique se faisait entendre. Lorsqu'elle estima qu'ils étaient assez près, elle prit appui sur ses bras et balaya les deux ingénus d'un large mouvement de jambes, avant de se relever pour partir en courant, à une vitesse humainement acceptable, quoique assez tonique. (~championnat du monde du 100m)
À l'orée des entrepôts, elle retrouva Léander qui avait lui aussi un peu couru lorsqu'elle s'était faite repérer. Bien joué, dit-il, un poil ironique, en la voyant arriver. Lui au moins ne s'était pas fait voir. Elle ôta sa capuche, et il ajouta que peut-être, il serait bien de changer de vêtements rapidement. D'accord. Acheter quoi ? Ah, il voulait y retourner en soirée ? Oui, ça se tenait. Dans ce cas, pas de soucis.

Mannrig entra dans l'église sans refermer la porte derrière lui, et se dirigea vers les bancs du fond, où l'attendaient les autres. Yuriko écoutait d'une oreille Léander rapporter de manière détaillée (ce type était pire qu'un gps) tout ce qu'ils avaient vu du côté des entrepôts, et regardait d'un œil attristé des cierges se consumer douloureusement et répandre leur sang jaunâtre sur l'autel. L'entrée du sauvage lui fit l'effet d'un grand bol de Surprenez-moi. Alors, il avait trouvé une planque ? Oui, un grenier délabré à une heure de marche du centre-ville. On y accédait par un escalier situé à l'extérieur ou par une trappe à l'intérieur, les quelques fenêtres ne pouvant pas s'ouvrir. Fabuleux, fabuleux ! Avec ça, ils bénéficieraient d'une sécurité relative pendant... Deux jours, peut-être. Oui, mais attention : il avait piégé l'escalier. Si deux personne y passaient, ça craquerait. Si un obèse y passait, ça craquerait. Si quelqu'un sautait dessus, ça craquerait. Il savait pas comment il avait fait, mais tout cela tenait sur la tranche de l'as de pique, alors pas de blagues, surtout. Ah, et en ce qui concernait la trappe, on pouvait la fermer avec un cadenas, un loquet ou quelque chose comme ça. Aucun problème de ce côté-là. Sinon, du neuf du côté des entrepôts ? Ils ne l'avaient pas attendu trop longtemps ? Non, non, vingt minutes à peine. Et pour les entrepôts, ils n'avaient pas pu pousser très loin leurs recherches, dans la mesure où c'était gardé comme le Kremlin quand Khrouchtchev part en vacances sur les bords de la mer noire, c'est-à-dire pas infailliblement, mais assez efficacement tout de même.
Bon, on était partis ? demanda Skyla. C'était pas tout, ça, mais ces recherches leur avaient bouffé leur matinée, et si on voulait être à cette planque avant le crépuscule, autant y aller tout de suite.

Les faibles lumières jaunes aspergeaient d'éclats diffus toutes les surfaces lisses, tachetant de reflets brillants la couleur de la nuit. Les torches, les yeux, le fer des entrepôts et l'acier de leurs armes plongeaient les soldats dans un océan d'étoiles scintillantes. Entre les sombres parois des maisons solennelles, la seule chose que Yuriko entendait pour l'instant, c'était le bruit de sa course effrénée. Les entrepôts l'attendaient gravement, embrasés de lumières, quelques centaines de mètres plus loin. Il y avait trop de soldats. Personne n'aurait pu entrer dans cette forteresse humaine, à moins d'avoir une armée à sa suite. Un attroupement se forma lorsque les premiers d'entre eux la virent arriver, et quelques épées furent dégainées dans d'hasardeux bruits métalliques. Ils avaient grandement renforcé leurs effectifs. Était-ce à cause de la réputation de l'obscurité, tentatrice de toutes les opérations insidieuses, qu'ils étaient aussi nombreux de nuit, ou bien était-ce parce qu'elle s'était faite repérer dans la matinée ? Son imprudence avait-elle exacerbé la méfiance et confirmé les craintes de Sandberg ? Une fois à moins de dix mètres du groupe en armes, ayant pris son élan, elle envoya une impulsion au sol et, s'aidant de sa puissance intérieure, effectua un rapide vol plané au-dessus des lames brandies. Un capuchon dissimulait la majeure partie de son visage, et ses vêtements étaient uniformément sombres, pour éviter qu'on pût faire d'elle une description trop précise. La brièveté de l'aperçu qu'ils auraient de l'intruse ferait le reste. Sans ralentir, Yuriko, ayant distancé de quelques allées les premiers soldats, attrapa dans sa besace une bouteille d'un alcool fort de laquelle dépassait un bout de tissu imbibé, et se saisit de l'autre main de l'acquisition du jour : un briquet à gaz. (Zippo get tha power !) L'après-midi avait été partagé entre des achats utiles, dont un nouveau jeu de cartes, et d'heureuses parties de poker avec Mannrig, au cours desquelles elle l'avait correctement plumé. C'était son jour de chance, se dit-elle en jetant la bouteille enflammée en direction de la porte d'un entrepôt non gardé, dans une course ininterrompue. Peut-être que c'était légèrement exagéré. Après tout, Léander lui avait simplement demandé de faire diversion pour que lui, la sainte et le sauvage puissent entrer dans le "carré Sandberg" sans être importunés outre mesure par les gardes. Dans tout plan, il y avait une part d'organisation, et une part d'improvisation. La pratique différait presque toujours de la théorie. Après son petit exercice de terrorisme incendiaire, Yuriko se saisit du sifflet que Léander lui avait donné, et souffla dedans puissamment, afin d'être entendue d'aussi loin que possible. Ce petit instrument imitait à merveille les bruits ceux des soldats, et permettrait assurément de semer un chaos indescriptible dans leur superbe et méticuleuse organisation. L'idée lui plaisait beaucoup, comme quoi foutre le bordel pouvait être un gage d'efficacité. Elle obliqua à droite, sans cesser de courir ni d'émettre des stridulations aiguës. Un autre peloton de gardes arrivait par là. Il fallait donner du temps aux autres, pour qu'ils puissent atteindre l'entrepôt de la transaction et y pénétrer. Après s'être exercé tout l'après-midi sur diverses formes de cadenas, Léander était prêt et équipé pour en forcer l'entrée, mais il lui faudrait de la tranquillité et sans doute quelques longues minutes. Elle courut jusqu'aux gardes armés, et les esquiva de la même manière que les premiers, sans leur laisser le temps de comprendre. D'autres arrivaient de tous les côtés, par les allées qui séparaient les entrepôts. Ils ne venaient pas tous, bien sûr : certains devaient avoir gardé le poste, mais une proportion non négligeable d'entre eux affluait par là. La diversion faisait son petit effet. Dans un jaillissement de lumière flamboyante et de tessons luisants, Yuriko fracassa une seconde bombe incendiaire à ses pieds dans le but à peine dissimulé de gêner ses poursuivants, et prit la fuite en empruntant une allée à gauche, sans cesser de siffler à intervalles réguliers pour les désorienter.
Cependant, il y avait un autre obstacle à la progression des trois autres, que Léander avait fait remarquer dès le début et qu'il faudrait écarter : sur le toit où les gardes l'avaient surprise à l'aube, l'un d'entre eux se tenait debout et brandissait une torche, prêt à donner l'alerte. Cela aussi, il lui faudrait s'en occuper. C'est pourquoi, une fois qu'elle eût passé cinq bonnes minutes à faire courir les gardes dans la partie septentrionale du carré Sandberg, elle se dirigea en réduisant la fréquence de ses sifflements vers l'entrepôt de la négociation. Les gardes la rechercheraient-ils au nord pendant assez longtemps pour permettre à Léander, Mannrig et Skyla de pénétrer à l'intérieur ? Elle cracha son sifflet, accéléra légèrement, donna un coup de pied au sol et décolla. La sentinelle ne vit rien venir. Une fraction de seconde plus tard, Yuriko descendait du toit de l'entrepôt et reprenait sa course avec un homme dans les bras qui essayait de se libérer en se tortillant dans tous les sens. Le grenier qu'avait trouvé Mannrig était parfait ou presque : éloigné du centre-ville, spacieux, d'apparence désaffectée et difficile d'accès. Tout en continuant à courir, Yuriko assura ses prises sur le vigile enlevé pour l'empêcher de se débattre ou de crier, et prit le chemin de la planque. L'opération était un succès.
Au bout de cinq minutes, elle atteignit le grenier, et grimpa le long du mur avec son paquet sous le bras, sans emprunter l'escalier piégé. Que faire, à présent ? Tant qu'à récupérer autant d'informations que possible, ils pourraient interroger cette sentinelle plus tard, ce serait toujours ça de plus. Positionnant la tête de sa proie de manière appropriée, elle prit sa respiration et lui donna un coup de boule à défoncer le pariétal d'un taureau, même particulièrement coriace. Contre toute attente, sa victime se contenta de pousser un cri de douleur et se débattit soudain convulsivement, faisant lâcher prise à Yuriko. Il se releva rapidement et fit mine de vouloir dégainer son arme. Vite. Elle se jeta sur lui et commença à lui bloquer les bras. Paniqué, son énergie était décuplée, et il était difficile de l'empêcher de bouger. Après quelques secondes de lutte muette, elle le maîtrisa de nouveau et prépara son coup. Cette fois, il ne fallait pas le rater. Elle frappa avec force au niveau du front, le faisant reculer sous l'impact. Il vacilla, tomba lourdement sur le dos et ne bougea plus. Quelque peu excédée par sa propre négligence (elle n'avait même pas pensé à le désarmer), elle entreprit de lui attacher malhabilement les mains avec une chemise à elle, puis ressortit en le laissant là. Les autres auraient peut-être besoin d'assistance, qui sait ? En tout cas, elle n'avait rien à perdre à y retourner.
Cette fois, elle courut sur les toits, pour plus de discrétion, et mit dix bonnes minutes pour gagner les entrepôts.
Là-bas, c'était comme si on avait donné un coup de pied dans une fourmilière géante. (si vous me passez la convenance) Les gardes se réorganisaient rapidement, propageaient les informations les plus fraîches d'un bout à l'autre de leur périmètre avec précipitation, et recherchaient activement les intrus, éclairant de leurs torches les moindres coins et recoins des entrepôts obscurs, sans entrer à l'intérieur. Où étaient les trois autres ? Il semblait très improbable qu'ils se fussent réfugiés dans le secteur. Les fourmis s'étaient répandues un peu partout, mais ne trouvaient visiblement pas ce qu'elles cherchaient. "Deux morts" cria quelqu'un, un peu plus loin. Tiens tiens... Avec circonspection, Yuriko s'approcha de l'endroit d'où on avait crié. Dans la nuit, sur les toits sombres, il y avait très peu de chances pour qu'on la remarque, d'autant plus que les gardes étaient accaparés par leurs recherches au sol.
Au pied de l'un des entrepôts, près de la porte, deux cadavres criblés de flèches se vidaient lentement. L'équipe de choc était passée par là, sans aucun doute, mais avait apparemment déserté l'endroit. Elle fronça imperceptiblement les sourcils en fixant le soldat de droite d'un regard attentif. Son sang sombre avait éclaboussé la façade, derrière lui. Mannrig n'y était pas allé de main morte. Ces flèches, c'était signé. Elle contempla un instant encore la flaque luisante qui s'épandait lentement, et fit demi-tour, avant de disparaître dans la nuit.

Vers une heure du matin, enfin, des bruits de pas accompagnés de chuchotements firent craqueler l'escalier. La première, Skyla entra, chercha des yeux une chaise et, n'en trouvant pas, s'avança en traînant des pieds pour mieux se laisser tomber sur le tas de couvertures qui lui servirait de lit. "J'ai failli m'inquiéter" signala Yuriko, assise sur un genre de secrétaire à la vitre brisée, tandis qu'entraient Léander puis le sauvage. Personne ne prit la peine de répondre. L'érudit, un peu courbé, se tenait les côtes d'une main rouge de sang. Il s'approcha de Skyla d'un pas douloureux pendant que Mannrig, en sueur, se dirigeait vers sa couche pour s'y asseoir à son tour.
Que lui était-il arrivé ? interrogea-t-elle en descendant de son perchoir. Des cailloux, répondit Léander. On lui avait lancé du gravier. Non !? Qu'il fasse voir, un peu ? "Ah, touchez pas ! Ça-fait-mal-euh !" Mais, voulait-il dire, du vrai gravier ? Skyla, ajouta-t-elle en s'adressant à la sainte, quand elle aurait retiré ces corps étrangers, pour ne pas dire clandestins, des muscles intercostaux de leur éclopé de service, pourrait-elle lui les garder, pour voir ? Non, coupa Léander, il avait déjà retiré lui-même ces saletés pendant leur fuite. Ah. Bon. Mais il avait tout enlevé ? C'était sûr qu'il n'en restait pas ? Sûr. Maintenant, si elle voulait bien l'excuser... "Eh ! les interrompit Mannrig, c'est qui, lui ?
- C'est... Je sais pas son nom, mais c'est le soldat qui était sur le toit, et que Léander m'avait demandé de neutraliser.
- Et qu'est-ce qu'il fait là ? demanda le sus-nommé.
- J'ai pensé qu'on pourrait lui poser quelques questions, ça sera toujours ça de plus, quoi."

Suite avant ma mort, de préference.

Un diable au paradis.

16/10/2009

(Pardon monsieur Miller.)

- Nous quittons le nœud d'obscurité et la forêt de Géhenna, en direction du Dwanhölf. (plein est) Cela nous prend approximativement une semaine pour sortir des bois, où Dietrich nous quitte, et une autre pour atteindre une plaine fertile de l'est du Moth où, semble-t-il, les habitants sont légèrement moins cadavériques et un peu mieux nourris. Par contre, ils sont toujours aussi bigots. On ne peut pas tout avoir. En chemin, nous passons par plusieurs villages pour nous approvisionner, donc pas trop de problèmes de bouffe.
- Pernilla : la régénération du zéon (i.e. la mana) commence à revenir au bout d'une semaine, et est complète au bout de la seconde.
- Cette "plaine fertile" est plate, fraîche et pleine de moulins, mais elle n'est pas entourée par une digue ni sur le point d'être submergée à cause du réchauffement climatique.
- Nous faisons une petite pause à un village plein de hollandais tout à fait incapables de voler. Le moulin, au centre, est visible de loin. On va à l'auberge avec dans l'idée, pour la plupart d'entre nous, d'ôter la croûte de boue qui fait fuir les myopes sur notre passage. Virgil et Kurt payent très cher pour être servis vite, bien et, dans le cas de l'assassin, pour pouvoir insulter impunément le personnel. Nalya, Pernilla vont se laver dans une arrière-salle où des bassines ont été disposées à leur attention.
- Virgil et Kurt sortent, et remarquent un attroupement autour du moulin, sur la place du village. (en terre battue, pour info) Il semblerait qu'un forcené que les habitants qualifient de diabolique ("C'est le Diaâââaableuuh...") se soit enfermé là-dedans avec un jeune garçon, fils de l'artisan local. Dans la mesure où une vie est en jeu, les habitants refusent de laisser passer Kurt, même s'il leur balance plusieurs pièces d'or.
- Kurt hurle en direction du moulin, vers la fenêtre (trop haute pour être atteinte).
- Nalya et Pernilla, du fond de leurs bassines, l'entendent vaguement et reconnaissent sa voix, sans trop piger ce qu'il dit. Elles s'interrogent quelque peu sur le drame qui est en train de se dérouler là-bas. Avec ce dingue en liberté, on n'est jamais serein. Nalya se cale les coudes dans le fond de la bassine, recommande à sa voisine de jeter un coup d'oeil de temps en temps pour vérifier qu'elle n'est pas en train de se noyer, et va voir à l'aide de sa forme astrale.
- Virgil s'enquiert de ce qui s'est passé auprès des habitants. Il interroge le kidnapper à haute voix. Quelles sont ses conditions ? Que veut-il ? Une voix lui répond qu'il n'a qu'à demander au père du gosse. Il finit par trouver l'artisan, catastrophé, et essaie de le rasséréner. Apparemment, le "diable" lui a pris son fils car il réclame une commande qu'il a passé quelques jours plus tôt. L'artisan a reçu une lettre avec de l'argent. Il devait fabriquer quelque chose de précis, et l'a fait, mais quand le diable en personne s'est présenté à lui pour réclamer son dû, il n'a pas voulu lui donner et l'a envoyé chier. Résultat des courses : son gamin est là-haut, il sait même pas dans quel état.
- Kurt essaie infructueusement d'ouvrir la porte en la crochetant.
- Nalya entre à l'intérieur du moulin en traversant les murs. Le gosse a les mains liées, a peur, mais de semble pas mutilé/battu/mourant, ce qui est déjà pas mal. Elle regarde un peu autour, trouve l'agresseur et le reconnaît.
- L'artisan tourne les talons et se dirige vers chez lui, suivi par Virgil. Une fois là-bas, il récupère dans une commode, ou quelque chose comme ça, un objet enveloppé dans un chiffon, demande à Virgil de ne pas ébruiter ceci, et dévoile un objet métallique et luisant : un heaume. Puis il remballe et sort de chez lui avec son ouvrage sous le bras. Virgil ferme la porte à sa suite.
- L'artisan arrive en bas du moulin, crie que c'est bon, il aura sa commande, et demande à voir son fils.
- Nalya peut voir l'individu dire au gosse de se poster près de la fenêtre, de manière à être bien visible, et crier ensuite que okay, qu'ils accrochent l'objet au crochet derrière le moulin pour qu'il puisse le hisser. L'artisan fait ceci et la poulie s'actionne. L'enfant se voit autorisé à sortir.
- Le gamin (~12 ans je crois) ne se fait pas prier, descend l'escalier en écartant à la force de ses petits bras les différents objets qui l'obstruent, vire les quelques meubles qui bloquent la porte et la déverrouille à l'aide de la clé.
- Virgil ouvre la porte sur laquelle s'échinait Kurt depuis un moment déjà, histoire de se foutre de sa gueule. Il laisse passer le gamin, puis entre, la main sur le manche. (du katana) Il se hisse en haut de l'escalier. Là-haut, il fait noir. Dans un coin, un rayon de soleil fait briller l'extrémité d'une faux. Il dégaine et se tient prêt, puis reconnaît enfin Zacharias.
- Le faucheur, qui a enfilé le heaume/masque, explique que sa petite mise en scène est due au fait qu'il a été reçu à coups de fourches, alors qu'il avait passé commande, payé d'avance et que les discriminations à l'encontre des bad guys qui se baladent en nippes noires avec une faux sur l'épaule, non, c'est vraiment pas cool. Au fait, il est content de nous voir.
- Par ailleurs, lui aussi se dirige vers le Dwanhölf, pour le boulot. Son employeur recherche un régiment, quelque chose comme ça, et comme il n'est pas un régiment à lui tout seul... Hébin il y a de la place, si ça nous dit. Kurt est arrivé depuis quelques minutes. Nalya signale sa présence en faisant apparaître dans les airs une main, pouce levé, ce qui fout un léger blanc dans la discussion, sans plus.
- Zacharias explique par ailleurs que son employeur est un médecin réputé, qui pourrait peut-être s'occuper de Kurt et de sa maladie.
- Ils ressortent après avoir convenu d'un endroit où se retrouver, pas loin. Zacharias va se planquer dans un bosquet en courant à une vitesse encore plus ahurissante que par le passé. (sur le papier, c'est 180 km/h)
- À part ça, on passe une bonne après-midi. Virgil informe ceux qui n'étaient pas prévenus des évènements, et Pernilla va visiter le bosquet où Zacharias nous attend. L'infime pourcentage de chance que le masque illusoire qu'elle propose de lui apposer soit percé à jour lui fait refuser l'offre. Sinon, il séquestre souvent des gamins quand il essuie un "non" ? Et eux, il y a toujours des cadavres mutilés qui parsèment leur chemin ? Oui mais non, celui-là est un cas à part. Elle s'en va, après avoir un peu discuté.
- Au soir, après avoir acheté des chevaux, une nouvelle roulotte, etc. On est prêts à repartir, direction le Dwanhölf, contrée de truands sans foi ni loi où tout est possible à condition d'avoir les moyens physiques et financiers de ses ambitions.
- Nous arrivons à une petite ville. Toutes les villes ont des noms à consonance vaguement germanique et impossibles à retenir, alors désolé.

Suite la semaine prochaine.

mardi 13 octobre 2009

À la hache.

03/10/2009

"Vous désirez autre chose ? demanda l'importateur.
- Oui, attendez... C'est quoi, ce mot-là ? dit Yuriko en se tournant vers Mannrig.
- Du vitriol, lut-il, seul à pouvoir déchiffrer sa propre écriture.
- C'est ça. Du vitriol. (i.e. de l'acide sulfurique)
- Vous rigolez ? Je ne tiens pas une pharmacie !" Intéressant, ça... Dis, demanda-t-elle au sauvage en sortant, il savait ce que c'était, lui, du vitriol ? Non, mais d'après le serveur, c'était ça qui donnait son goût, son nom et son côté surprenant à la boisson. Il en fallait donc absolument, sinon, ça le ferait pas. Bon, eh bien, maintenant qu'on avait tous les autres ingrédients, il n'y avait plus qu'à aller à la pharmacie, comme le vendeur le leur avait gentiment suggéré. Plusieurs magnums de boissons frelatées tintaient dans le sac en toile qu'elle tenait à la main.
Elle ouvrit la porte de ce qui ressemblait à un magasin susceptible de vendre le produit chimique souhaité, et ils entrèrent. Après cinq minutes d'attente, une grosse femme d'aspect latin avec un morveux logé entre le biceps et l'avant-bras (sinon ça fait pas latin) apparut derrière un bar plein de fioles tordues, et demanda qu'est-ce que ces messieurs dames voulaient. Ah bon, du vitriol ? Une ratonnade en perspective ? plaisanta-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds pour atteindre un petit placard derrière elle. Voi... là. Après avoir attrapé un assez gros flacon en verre fumé à l'intérieur duquel un liquide transparent clapotait mélodieusement, elle se saisit d'une fiole et demanda quelle quantité qu'ils voulaient. Tout le flacon ? D'accord, pas de problème, dans ce cas... Mais ils étaient au courant qu'une seule fiole dans une baignoire d'eau chaude était amplement suffisante pour faire disparaître un corps, n'est-ce pas ? Oui, oui... Bon, le flacon entier ? Après tout, hein, il fallait bien nettoyer les cimetières de temps en temps...
"Au fait, dit-elle à Mannrig en refermant la porte derrière elle, tout à l'heure, j'ai pensé à un truc...
- Épate-moi...
- Si on fixait en haut de la porte d'un magasin une petite tige métallique, de manière à ce que son extrémité vienne taper contre une clochette quand on ouvre, ça permettrait d'avertir le vendeur quand le client rentre, non ? Et comme ça, ben il peut faire autre chose que de tout le temps poireauter, sans faire attendre le client parce qu'il s'est pas rendu compte qu'il est entré !
- C'est pas con, il ne nous reste plus qu'à trouver un magasin pour essayer, acquiesça le sauvage. Sinon, moi aussi je me disais quelque chose...
- Quoi donc ?
- Hébin, je me demandais, à tout hasard, si c'était pas à cause du vitriol, justement, qu'on sent plus sa langue après avoir bu un Surprenez-moi.
- Mais non, t'as bien entendu ce qu'elle a dit : ça ne dissout que les morts", le rassura-t-elle. Un petit sourire se dessina sur son visage alors qu'elle repensait au pari de Skyla. Celle-ci s'était avancée en non-connaissance de cause. Cinq verres d'une boisson pareille, et rester non seulement vivant, mais sobre ? Impossible. Elle ne tiendrait pas.

Sympathique refuge que celui-là. Le fait de lui avoir déniché cette maison était bien plus précieux que tout l'argent que Skyla voudrait bien lui donner. Il n'y avait que quatre pièces, mais nullement besoin de plus. La porte d'entrée donnait directement sur la plus grande d'entre elles, qui servait également de chambre. Une cloison séparait cette pièce d'une salle à manger, par laquelle on accédait à la cuisine et à la salle de bains. Au moment où elle versait un volume de téquila approximativement égal aux autres dans le quatrième verre, un bruit lui indiqua que la sainte était de retour, accompagnée de Léander, qu'elle était partie chercher après avoir proféré l'apocalyptique menace d'un chômage précoce à l'encontre de Yuriko. La semaine serait longue... Surtout que quoi ! Ils étaient allés chez Bardley vers midi, et s'étaient trouvés démunis face au tas de ruines fumantes qui subsistait après l'explosion. À la suite de quoi ils avaient démocratiquement décidé -à deux voix contre une abstention- d'aller chercher la recette du Surprenez-moi à l'auberge d'où ils avaient fui. Et comme les effectifs avaient été renouvelés d'ici-là, ils avaient été directement chercher leur serveur favori chez lui, peu soucieux d'interrompre ses ébats amoureux.
C'est là que Skyla avait un peu pété les plombs. Non tant à cause du fait qu'il était inhumain de déranger les honnêtes gens dans l'exercice de leur vie sexuelle que parce que tout ceci n'avait rien à voir avec l'enquête, elle s'était énervée, disant que n'importe quoi, que c'était pas possible, qu'elle ne paierait pas si ça continuait, qu'ils lui les brisaient menues, qu'elle allait chercher Léander et que qu'est-ce que tu dis, pouffiasse, ta boisson, j'en bois cinq verres quand je veux ! Pari tenu !
Bonjour, dit l'érudit avec une originalité proprement sidérante en entrant dans le petit salon où Mannrig et Yuriko préparaient leurs cocktails. Il était assez pâle, comme c'est souvent le cas chez les miraculés, et ses vêtements étaient noircis de taches de sang séché, comme cela se voit parfois sur les blessés graves. Il s'assit en face, et la sainte se posa pas très loin de lui. Ugh, fit Yuriko, essayant d'équilibrer les constituants de la boisson en hissant le verre à hauteur de ses yeux. Lui allait mieux ? Très bien, dans ce cas, elle avait quelques questions à lui poser. Pour commencer, avait-il vu son agresseur ? Non, seulement ds poignards qu'on lui lançait de loin. De très loin. Et fort habilement, de surcroît. Sinon, avait-il appris quelque chose d'important, qui justifiât qu'on cherche à l'éliminer de la sorte ? Nan. Rien d'intéressant, la plupart des gens ne savaient pas, et ceux qui savaient avaient peur. Aucun de ceux qu'il avait interrogé ne l'avait plus marqué que ça ? Ben non. Bon, eh bien dans ce cas, on était pas plus avancés, soupira-t-elle en reposant le cinquième verre avant de se saisir à nouveau du premier, et du flacon de vitriol. À l'extrême rigueur, on pourrait essayer de réitérer la même opération, mais cette fois avec les autres près à intervenir derrière, en cas d'agression. Et pourquoi ne ferait-elle pas elle-même l'appât, puisqu'elle avait eu l'idée la première ? demanda Skyla avec son amabilité habituelle. Parce que, se vit-elle répondre, "si moi je suis blessée, y'a plus personne pour les rapatriements d'urgence.
- Oui, mais vous avez un signalement plus... reconnaissable...", ajouta l'importune d'une voix mielleuse. Non mais qu'elle se calme, hein, sinon, elle aussi allait se retrouver avec un signalement reconnaissable ! Le genre qui fait fuir les enfants dans la rue, y'avait qu'à demander.
Disant cela, elle avait ajouté au cinquième verre l'ultime portion d'acide, avant de reboucher le flacon qui commençait à devenir chaud à force d'être agité. Alignés devant la sainte, les boissons colorées semblaient la défier d'aller plus loin. Courageusement, avec le regard dur et stoïque de Rambo se recousant tout seul dans la jungle, elle descendit le premier Surprenez-moi d'un trait, avant d'entamer le second en ralentissant quelque peu, mais sans laisser faiblir sa détermination.
Au bout de cinq bonnes minutes, elle avait fini. Apparemment, la difficulté n'avait pas été la boisson pure et simple, mais le volume à ingérer que cela représentait. "Comment vous faites ça ? demanda Yuriko, sincèrement étonnée, tout en se préparant un verre pour elle-même.
- Qu'importe comment j'ai fait, maintenant, vous me devez une semaine de service en plus !
- Je sais bien, oui..." grommela-t-elle. Même pas payée. Comment aurait-elle pu deviner que les saintes ne ressentaient pas l'effet de la boisson ? D'un autre côté, cela expliquait son habituelle austérité à table. Pourquoi boire quand on a pas l'ivresse qui va avec ? "En tout cas, ajouta-t-elle après s'être étirée, maintenant que sa curiosité a failli tuer le chat, le chat va-t-il enfin écouter ce que je lui répète depuis plusieurs jours déjà ?" Un verre dans une main et la bouteille de vitriol dans l'autre, elle baissa la tête juste à temps pour éviter le pied de la chaise que brandissait un Léander légèrement excédé. Le flacon qu'elle avait reposé précipitamment oscilla dangereusement sur la table jusqu'à ce que Mannrig, avec des réflexes salutaires, ne le stabilise. Le liquide du verre qu'elle tenait encore à la main n'avait pas débordé, mais peu s'en était fallu. ça n'allait pas, ho ? Hé ! cria-t-elle alors que, persévérant, il venait de lui faire renverser son Surprenez-moi avec cette arme barbare. En colère, elle laissa tomber son verre et le restant d'alcool trouble qu'il contenait. C'est alors que, comme s'il avait senti que les risques pour son arête nasale de se fracturer brutalement à la suite d'un malheureux concours de circonstances se trouveraient soudain décuplés s'il récidivait, il avait reposé sa chaise, puis s'était rassi pour écouter passivement, mais avec un regard un peu mauvais quand même, un flot d'injures passionnées dans une langue à laquelle il ne comprenait rien.
Finalement, il se leva et sortit prendre l'air. Bonne idée, tiens, il en avait besoin ! lança-t-elle en prenant leur sainte à témoin du bellicisme injustifié de Léander. On avait le droit d'être à bout de nerfs, en état de choc, éprouvé, fatigué, irascible ou irritable, mais pas d'essayer de fracasser le crâne de son interlocutrice avec une chaise à la première pointe d'ironie ! "Hé, vous l'avez cherché, contredit Skyla, c'est surtout de votre faute, là.
- Quoi ? Attendez, c'est bien lui qui en est venu aux gestes, non ? répondit-elle, assez surprise que quelqu'un trouve le moyen d'essayer de le justifier.
- Ce n'est pas forcément très malin de balancer à quelqu'un qu'il a failli mourir de cette manière. Cela peut vexer, je veux dire.
- C'est un fait.
- Même."

Alors qu'elle essayait de se remplir un verre pour la énième fois, un bruit sec l'interrompit. Cela venait de... Elle se leva de sa chaise et sortit du salon pour aller jeter un coup d'oeil. Une lame dépassait du bois de la porte d'entrée. À peine avait-elle vu la petite pointe de métal que celle-ci disparut. On l'avait retirée de l'extérieur. Un peu agacée par cette manie qu'avait les gens par ici de dire bonjour avec des poignards, d'ajouter comment ça va avec des poignards, de manger avec des poignards, de s'embrasser avec des poignards puis de forniquer avec des poignards, elle empoigna le bouton de la porte et ouvrit brusquement celle-ci. "On vous a jamais appris à frapper ?" demanda-t-elle à un Léander qui tenait bien haut l'objet qui se trouvait encore planté dans la porte quelques secondes auparavant, et un papier dans l'autre main. Et elle, on lui avait jamais appris à être aimable ? Il lui donna ce qui s'avéra être une lettre signée Alessandro, et elle lui claqua la porte au nez parce qu'il ne s'était visiblement pas encore assez calmé.
Rien de nouveau sous le soleil, se dit-elle en lisant la missive. La maison d'un de ses amis, disait Alessandro, avait malencontreusement été détruite suite à leur petite infraction du matin. Ils devraient fournir des infos sur Ernst au plus tôt, faute de quoi le camarade Piotr s'occuperait de leur cas. Ah bon. Elle tendit le papier à la sainte tandis que Léander rentrait. Qu'allaient-ils faire, à présent ? Heu, ben, y'avait qu' attendre ici. Ils enverraient certainement quelqu'un pour les obtenir, ces infos, hein. Personne ne demande de renseignements sans laisser à un moment ou à un autre à celui qui est censé répondre l'opportunité de le faire. Quand ils enverraient cet émissaire, ils n'auraient qu'à le capturer et à l'interroger pour en apprendre un max sur Bardley et ses collègues. Simple et efficace.
Peut-être que cela semblait un peu trop simple, un peu trop évident, un peu trop facile pour être vrai. Toujours est-il qu'ils attendirent tout l'après-midi que quelqu'un vienne. Pour ne pas laisser d'ambiguïté, Mannrig avait renvoyé le poignard volant quelque part sur les toits, en face, avec leur réponse attachée dessus, et elle-même avait crié dans la rue, pour le cas où ils seraient surveillés, que pas de problème ils acceptaient de parlementer.
Autour de dix-neuf heures, alors qu'ils venaient de finir une cinquième partie de poker à laquelle Léander s'était joint pour plumer jusqu'aux os les deux autre joueurs, un bruit métallique se fit entendre à l'extérieur, immédiatement suivi des sanglots de l'escalier que le nouveau venu était apparemment en train de broyer sur son passage. Quatre paires d'yeux ronds émigrèrent de la salle à manger à l'entrée de la pièce principale pour regarder vers d'où venaient les bruits avec une appréhension perceptible. Il y eut un instant de silence, comme le calme avant la tempête, et la porte éclata, arrachée en même temps que le chambranle par un coup qui avait fait trembler les murs. Un homme grand et massif, engoncé dans une lourde armure, entra. L'absence de heaume laissait voir de petits yeux noirs profondément enfoncés dans d'énormes orbites aux arcades sourcilières proéminentes, ainsi qu'un crâne chauve et à première vue atrophié dans lequel une centaine de mots de vocabulaire essayaient sans doute de se faire de la place.
L'individu sembla hésiter, puis leva sa hache à double tranchant et l'abattit sur le meuble le plus proche. L'armoire de chêne concernée sembla exploser sous le choc. En fait, Yuriko se rendit compte, quand les derniers lambeaux de bois furent retombés, qu'une bonne moitié avait survécu. Le pithécanthrope colérique démolissait toujours le mobilier sans s'attaquer à eux en particulier. De l'intimidation, peut-être ? Mannrig s'approcha, un verre de Surprenez-moi à la main, et déclara en somme, histoire d' amadouer la bête, que du calme, pas de raison de s'énerver, qu'il prenne un verre. On allait s'asseoir pour discuter intelligemment, comme des gens civilisés, n'est-ce pas ? Ben non. La hache faucha circulairement le sauvage qui tomba en arrière. L'individu s'apprêtait à porter un second coup, mais Léander et Yuriko étaient déjà sur lui. Cette armure était un obstacle infranchissable. Les coups pleuvaient sans jamais blesser le colosse. En revanche, celui-ci parvint à riposter et à blesser Léander assez gravement, détruisant du même coup le lit qui se trouvait juste derrière dans une onde de choc destructrice. Cela se passait très mal. En volant juste derrière lui, Yuriko frappait à répétition le monstre, mais ne parvenait qu'à laisser quelques traces de poings à la surface métallique de l'armure. Elle était en nage, et dans cette situation désespérée, c'était pas bon signe. Le sauvage et Léander avaient dégusté, mais se battaient toujours. Combien de temps tiendraient-ils ?
Soudain, et contre toute attente, l'épée de Mannrig trouva une faille dans la carapace d'acier et s'y enfonça profondément. L'homme sembla presque surpris, mais leva à nouveau sa hache. Le sauvage ne survivrait pas à un coup pareil, il fallait faire quelque chose. Avec toute la force qui lui restait, Yuriko arrosa l'armure frappes successives des genoux et des coudes, sentant plusieurs côtes céder en-dessous. Rageant, leur adversaire se désintéressa de Mannrig et rehaussa son arme en tournant la tête dans la direction opposée. Et merde. À présent, c'était elle qu'il allait viser.
Mais l'individu se figea soudain, puis laissa tomber sa hache. Léander, dans un geste puissant et harmonieux à la fois, venait de glisser sa rapière entre deux plaques d'armures, et de l'enfoncer jusqu'à la garde à l'intérieur de la poitrine de leur homme. (de l'aisselle droite à l'épaule gauche.) Dans un bruit infernal, le monstre s'effondra au milieu de la pièce, agité encore par quelques sursauts nerveux. À peine capable de penser, Yuriko lévita jusqu'au-dessus du seul lit miraculeusement épargné par la fureur du combat et s'y laissa tomber, sachant tout danger provisoirement écarté. Le tout s'était passé très vite, mais elle était à bout de forces et de nerfs. Elle eut à peine le temps de remarquer Skyla qui s'occupait de la jambe du sauvage, et sombra dans un demi-sommeil réparateur.

La suite cette semaine, j'essaie.

Noir délire.

09/10/2009

- Nous avons cinq rounds pour nous préparer. Passé ce délai, toutes les armes sont enchantées afin de toucher l'immatériel, Néro et myllenia sont invisibles. L'ombre aux yeux rouges a grossi jusqu'à dépasser la cime des arbres. Elle est maintenant ce qu'on peut appeler massive et intimidante. Au début du combat, la moitié des personnages souffrent des malus de peur.
- L'ombre attaque Dietrich mais fait une maladresse. (Dietrich a, dans le doute, été entouré d'un bouclier magique) Il contre-attaque méchamment. Néro la finit à grands coups de velocitas ventus, sa technique la plus bourrine. Elle éclate en une confiture noire qui tache les vêtements.
- Puis elle reconstitue au bout de quelques rounds, au milieu du groupe. Elle attaque et touche Virgil, qui rate son test de Rmys (résistance mystique) et se mange des malus aux actions. Nalya tente de l'électrocuter mais n'a pas réussi à lancer son pouvoir avec suffisamment de puissance pour qu'il affecte l'immatériel. (fallait faire 40, il a fait 38) Puis elle meurt sous les coups des autres, (l'ombre, pas Nalya) et se fait magnifiquement finir par la paladine.
- Quelques rounds à nouveau, et réapparition. Cette fois, Pernilla n'a pas cessé d'accumuler du zéon, et pose des boucliers magiques sur tout le monde sauf les invisibles. L'ombre fait une attaque de zone sur Myllenia+Virgil+Dietrich, et rate son coup. Elle meurt à la suite des contre-attaques. Encore une fois, c'est Myllenia qui a le dernier mot.
-Elle réapparaît devant nous. Kurt prend la moitié des joueurs par surprise, charge et lui défonce sa race, puis c'est au tour des autres. Elle touche Néro, mais celui-ci réussit sa Rmys. Un impact télékinétique fait tomber quelques arbres. Elle remeurt. (finie par Myllenia, pour changer) On suggère à Dietrich d'essayer de la révoquer. Il pose son sac et commence à se préparer.
- Réapparition au bout de 8-10 rounds. Dietrich échoue. Pernilla tente des projectiles magiques en série, mais pas moyen de faire mieux que des éraflures. Un autre impact, plus efficace, propage une onde de choc qui déracine un certain nombre de vieux chênes tortueux. Elle remeurt sous les coups répétés, non sans avoir frappé de nouveau Virgil qui manque son test de Rmys. Comme d'hab', c'est la paladine qui l'achève.
- Rebelote. Tout le monde est protégé par les boucliers, à présent, mais l'ombre arrive à toucher Virgil encore une fois, et il rate sa Rmys. Tout le monde se jette sur elle, et elle saute à nouveau. Pernilla réussit enfin à résister à la peur.
- L'ombre réapparaît, se mange un impact télékinétique suffisamment puissant, cette fois, pour la faire voler à une quarantaine de mètres. Ensuite, les autres arrivent et c'est la curée. L'ombre éclate une fois de plus. Pernilla, cherchant une solution, va au cœur du problème et se téléporte inconsidérément au centre du nœud d'obscurité. Elle est plaquée à la surface extérieure de la sphère, hurle de douleur pendant une seconde et demie et perd conscience, puis retombe avec un paquet d'hémorragies et des coupures partout. Ses fringues sont ruinées et tous les sorts maintenus sautent. Le nœud d'obscurité produit des éclairs sombres.
- L'ombre ne réapparaît plus. Précision descriptive : à chaque fois qu'elle est sur le point de mourir, sa "chair" d'obscurité se détachait, révélant une ossature décharnée et immense, puis elle éclatait en cette substance noire proche de la confiture, avant de se recomposer en rassemblant ses morceaux.

- Virgil remarque quelque chose de bizarre, comme une intuition, et se demande si la chose est tout à fait partie. Il lance une boule de feu à une cinquantaine de mètres au-dessus de nous, les flammes semblent noires au bout. Il génère une flammèche dans sa paume, et confirmation. Nalya regarde. Enlève ta chemise. Il a des dessins/formes géométriques noires sur la poitrine. Chelou. Apparemment, il reste un petit morceau de la malédiction. Pas plus nocif que ça, mais voilà.
- Néro soigne un peu Pernilla. Nalya essaie aussi, mais plante ses jets. Le patient se meurt. Merdouille. Grâce à la proximité du nœud d'obscurité, Virgil parvient à soigner les hémorragies restantes, mais c'est coma pour plusieurs heures, apparemment.

Noires errances.

02/10/2009

- Nalya tente de détruire son arbre, rate, rate et rate.
- Néro finit de déterrer ce qui s'avère être un cadavre, Nalya utilise la télékinésie organique pour le faire voleter. C'est bien celui qui était cloué au chêne. Elle réussit son test d'impassibilité avec brio, puis se rend compte que c'est un peu dégueulasse quand même et ils le ré-enterrent un peu plus loin, dans l'espoir absurde qu'il s'en trouvera libéré.
- La mentaliste s'acharne à défoncer l'arbre à coups d'impacts, et finira par y arriver avec l'aide de Néro et d'une hache, mais chaud coco. En passant, elle réveille tout le monde avec des ondes de chocs.
- Comme le matin pointe et qu'on est réveillés, on repart pour la rando.
- Au bout de deux-trois jours, c'est la dèche, y'a plus rien à manger. (sauf pour certains capitalistes qui se sont gardés une réserve personnelle) On arrive à un village.
- Dans le but honorable de ne pas faire passer le groupe pour une bande de truands, Pernilla commence par prévenir avec une apparence illusoire d'autochtone aigri qu'ils n'ont pas la moindre intention de tuer ou violenter qui que ce soit, simplement besoin de bouffe. C'est assez mal reçu. Les gens sortent des maisons. (sans doute à cause de la voix grave, mais je voulais vraiment pas faire "menaçant", sisi.) Ah mais on peut payer, ah mais c'est qu'ils s'en foutent, de l'or. Qu'est-ce qui a de la valeur pour eux, alors ? Hé bien on n'a qu'à réparer la barrière. Cool.
- Comme certains villageois tiquent un peu en voyant le crucifix inversé sur la poitrine de Kurt, celui ci commence à revendiquer son statut. ("Oui, je suis sataniste, et alors ?") Alors que la moitié du groupe imagine toutes sortes de moyens de le faire taire, Nalya réagit promptement et l'aveugle de flashes blancs avec des illusions psychiques, avant de lui balancer des sirènes dans les oreilles. Il se débraguette et commence à uriner en cercle tout autour de lui en criant je sais plus trop quoi, mais sans doute que c'est ça qui faisait rire tous les gamins du village.
- On répare la barrière, la plupart d'entre nous, pendant que Virgil nous regarde faire et que Kurt va méditer à l'église locale. Le faire passer pour fou n'a rien arrangé, dans la mesure où c'est un signe de plus qu'il est possédé (hé oui) par le malin. Nous sommes occupés tout l'après-midi par ce labeur ennuyeux, et il a le temps de faire la connaissance d'un autre dément du coin, un petit vieux tout maigre qui parle à la tombe de ses parents. Malheureusement, ce dernier refuse de venir lui tenir compagnie pour ses derniers jours.
- On s'en va avec cinq jours de nourriture.
- Au bout de cinq jours, Nalya met de côté ses scrupules pour faire de la place à son estomac, et transforme un arbre pas trop gros en viande séchée, ce qui nous fait 100kg de bouffe de réserve. On se jette dessus pour débiter tout ça à la machette, puis on repart.
- Une nuit, Virgil est emmené dans une dimension parallèle par un géant musculeux en armure rouillée qui lui ruine sa tente avec un poignard d'os qu'il a sorti de son poignet pour le motiver à venir. Néro s'aperçoit de ce que la tente est déchirée, et voit disparaître son pote. De plus, l'amulette brille à travers les vêtements de Pernilla. Courageusement, il décide de ne réveiller personne et de recoudre la tente déchirée.
- Virgil est amené (notant au passage qu'un paquet de saloperies vivent dans le coin, y compris des aberrations, même si elles semblent moins agressives qu'à l'extérieur) par le géant en face de celle qui se présente comme étant Celine Luna. (La pouffe qui nous a sauvé la vie dans le premier scénar, parce qu'on l'avait sortie du pétrin) En bref, Celine (pronocer "séliné") est une sorte de déesse dans la veille, d'un pouvoir qu'on peut sans ciller qualifier d'incommensurable, et qui nous a tiré de la merde à chaque fois qu'on faisait des rêves bizarres dans la veille. (= la dimension parallèle dont je parlais) Pour ce faire, elle a coutume d'envoyer ses émissaires, qui sont le gros type en armure et un autre homme avec un masque, le chasseur obscur. (Virgil a foiré ses tests de mémorisation mais c'était Jäger, recruté y'a pas bien long par Celine. Pas la peine de dire merci.) Il explique qu'ils vont en pèlerinage dans les terres désolées du Moth pour le débarrasser d'une malédiction, et il la montre à son interlocutrice. Dans la veille, ça ressemble à une grosse tumeur noire exfoliée, pleine d'yeux luisants. Charmant. Elle lui donne un petit manuel écrit par ses soins : "Se débarrasser d'une terrible malédiction pour les nuls", où tout sur la façon de s'y prendre est expliqué clairement. Puis elle explique qu'elle doit partir pour Graven, la capitale, pour des affaires de politique des dieux de la veille absolument inaccessibles aux misérables mortels comme toi, couillon.
- Virgil ressort de la veille en chaussettes, dans la boue, à 50 m de sa tente, et retourne se coucher.
- On repart.
- Les sorciers et Néro qui voit le surnaturel, s'aperçoivent que dans les jours qui suivent, la lumière décline lentement, jusqu'à ce que le jour même n'apporte plus vraiement de clarté. Un jour, on aperçoit au loin un dôme obscur qui dépasse de la cime des arbres : c'est le noeud d'obscurité.
- On y arrive quelques jours plus tard, et progressons à l'intérieur d'un univers de plus en plus ténébreux, jusqu'à ce qu'on arrive au nœud à proprement parler. Côté effets spéciaux, c'est légèrement décevant : on a une sphère noire et lisse entourée de brumes obscures qui flotte à 4-5 mètres au-dessus du sol. Le nœud se comporte comme un réservoir à zéon infini dans lequel les sorciers peuvent puiser à volonté.
- Le rituel se fait, malgré quelques erreurs, et au bout de deux bonnes heures de boulot à triturer l'âme de Virgil, Pernilla fait sortir l'ombre.
- La malédiction s'échappe comme le gaz d'une bouteille de coca, sous la forme d'une créature vaguement humanoïde, bientôt rejointe par les deux autres que Virgil avait vomi il y a un moment, quelque part à Torda.
- Cela gonfle. Deux yeux rouges apparaissent dans le noir.

'ttention ça va chier, avis aux amateurs !

Les champignons atomiques.

18/09/2009

La plupart des fuyards s'assirent immédiatement après que Dietrich eut déclaré une halte. Ils couraient depuis un peu plus d'une demi-heure à un rythme soutenu, avec les ailes que donne la peur. Certains étaient couverts de boue des pieds à la tête, d'autres avaient la peau lacérée par les ronces, et tous tentaient de récupérer leur souffle comme ils pouvaient, sauf peut-être Néro, aussi increvable que d'habitude.
Ils ne pourraient pas continuer comme cela indéfiniment. Les créatures étaient peut-être déjà à leurs trousses. Nalya, lévitant par la force de son esprit à environ un mètre au-dessus du sol, cherchait nerveusement une solution. Pour la discrétion, c'était pas tout à fait ça, mais on avait d'autres soucis plus immédiats. Elle se concentra un petit moment, puis dissocia son esprit de son corps. "Qu'est-ce que tu fais ?" demanda une voix dans sa tête. C'était Néro. Il ne regardait pas le tas de matière organique inerte et endormi qui flottait dans les airs, mais bien l'ectoplasme éveillé qui se trouvait maintenant juste à côté. "Je vais retourner du côté des roulottes, histoire de situer un peu les bestioles, répondit-elle, et de savoir si le danger est proche. Tu préviens les autres, si quelqu'un essaie de me parler, d'accord ?
- Ok, je fais ça."
Les arbres , les feuilles et la boue se mélangèrent alors que l'avatar spirituel de Nalya fusait à travers la forêt, méprisant les obstacles matériels. Après cinq minutes à voler silencieusement en direction de l'endroit où ils avaient laissé leurs véhicules, elle reconnut la côte que la plupart de ses compagnons avaient descendu en se vautrant dans la boue lors de la débandade initiale. Il y avait encore l'empreinte imprimée dans la terre meuble du visage de Néro et le sang de Virgil sur les cailloux, en bas. (ça s'appelle une maladresse au jet d'athlétisme) Heureusement que Dietrich et Myllenia étaient passés derrière pour le récupérer. Avec prudence, la projection spirituelle prit son envol et s'éleva jusqu'à dépasser de quelques centimètres la cime des arbres. Puis elle s'approcha de ce petit sentier à flanc de colline où elle avait été contrainte, une demi-heure avant, d'abandonner sa précieuse et confortable roulotte.
Sans surprise, il n'en restait pratiquement rien. Enfin, dans un sens, c'était surprenant, parce qu'il aurait dû en rester quand même quelques gros morceaux épars, ainsi que des objets en métal pas trop endommagés. Tandis que là... Il n'y avait que des débris de bois au sol, ici un bout de roue, et ailleurs un livre déchiré ou des lambeaux de tissu. Trois des créatures étaient présentes, et semblaient occupées entre elles, leur gueule dégoulinant de sang et de pattes de chevaux. Nalya put les observer un peu plus attentivement : c'étaient des quadrupèdes de la hauteur d'un être humain adulte, longs, larges et massifs. Elle hésitait même à les qualifier de quadrupèdes, tant leur anatomie semblait défier les lois physiques. Leur thorax s'ouvrait en son centre pour former une gueule béante, dont les crocs longs n'étaient rien moins que des côtes, et leurs muscles apparents, non recouverts de peau, étaient parsemés de trous illogiques. Jamais notre monde n'aurait pu engendrer de pareilles chimères, se surprit-elle à penser en considérant ces fascinants êtres vivants. Au fait, où étaient les deux autres ? Il y en avait bien cinq, pourtant... Elle s'éleva quelque peu dans les airs, et s'approcha d'un bosquet un peu bruyant. Les deux autres monstres étaient là. Le premier d'entre eux poussait des cris en se hissant sur ses pattes arrières, un peu comme l'aurait fait un ours, sauf qu'un ours ne braille pas par la poitrine. Le second, lui, aurait plutôt évoqué un chien. Il cherchait des pistes, à l'endroit précis où ils avaient fui. Soudain, il sembla avoir trouvé, et s'engouffra dans les fourrés, à la recherche de ses proies. Charmantes bestioles...

On aurait dit qu'elle dormait. D'ailleurs, c'était peut-être le cas, quoique seules quelques dizaines de minutes se fussent écoulées. Alors que Virgil contemplait depuis plusieurs minutes, fasciné, le corps lévitant de Nalya (d'ailleurs, c'était sûr, elle dérivait lentement vers la gauche.), celle-ci ouvrit brusquement les yeux, avant de les fermer, de les frotter puis de les rouvrir, comme pour faire la netteté. Les monstres -Des aberrations, précisa Dietrich- venaient de quitter le chemin pour s'engager sur les traces de leurs proies. Il allait pas falloir traîner, sans quoi ils connaîtraient vraisemblablement le même traitement que les chevaux. Virgil eut un léger frisson en se rappelant les hennissements de douleur qu'ils avaient entendu pendant leur fuite. Des hennissements particulièrement longs et évocateurs. À en croire l'expérience -et c'est pas un petit joueur- de leur guide touristique, même à sept, ils auraient peiné à en abattre un seul. Alors, cinq...
Soudain, le pyromancien eut une idée, et sourit pour lui-même, pendant qu'autour de lui ses amis s'affairaient. Que tout le monde écoute, fit une voix. Il releva la tête : c'était Paola.

Je m'occupe bientôt de résumer la fin en style "notes"

lundi 5 octobre 2009

Un chaton mort sur les pavés.

26/09/2009

"Je double." annonça-t-elle, brisant le silence de la nuit. Mannrig, tout sourire (money = sourire), réunit les cartes en un tas qu'il mélangea habilement, avant de distribuer les mains à toute vitesse. Yuriko examina son jeu en fronçant les sourcils, puis jeta son seul carreau presque sans hésiter. Non seulement elle avait déjà un dix et un valet de pique, mais les carreaux ne lui portaient pas souvent chance. D'une main leste, elle se saisit de la plus haute carte de la pioche, et demanda au sauvage s'il savait où était passé Léander. Non, il savait pas. Il était parti une ou deux heures auparavant pour faire quelque chose, sans préciser quoi ni où. Allez, si la prochaine était une carte noire, il ne prendrait pas trop de risque et reviendrait en un seul morceau. Retenant sa respiration, Yuriko attrapa d'un geste vif ce qui se révéla être un carreau, qui plus est consécutif au premier qu'elle avait jeté. Bon, au moins, ça prouvait qu'elle avait tort d'avoir des préjugés contre les carreaux, et que toutes ces superstitions n'avaient sans doute pas beaucoup de sens. Fallait pas s'inquiéter, quoi. Ou peut-être que si, vu que de toutes façons c'était à cause des carreaux qu'elle avait jeté le premier. En fait, ils ne lui portaient chance que quand elle ne comptait pas dessus, un peu comme par bravade. Saloperie, pensa-t-elle en se délestant de la carte fraîchement piochée.
Tout près, leur sainte et leur convalescent dormaient profondément. Et cette histoire d'épervier, qu'est-ce que c'était ? Les vêtements de Kristeva, la princesse des voleuses, traînaient sur le sol, près du simulacre de lit que Skyla s'était fait avec quelques coussins et tentures. Au bout de vingt minutes, ils délibérèrent, puis abattirent leurs jeux. Elle avait une assez belle suite avec les piques, ce qui lui permit de l'emporter. Une autre ? Ouais. À moi de mélanger. Ouais, aussi. Combien, cette fois ? Ch'sais pas, on verra.
Ils continuèrent avec acharnement au moins jusqu'à trois heures du matin, si ce n'était plus, et se couchèrent dans la foulée. Mannrig se recroquevilla dans un coin de la pièce, alors que Yuriko se faisait une place sur le lit, à côté de Roger, dormant dans les nouvelles fringues qu'elle lui avait achetées. Au bout d'une heure, elle s'éveilla puis grilla une cigarette. L'effet de l'inquétude. Et peut-être aussi un peu d'énervement, se dit-elle en écrasant le mégot sur le visage du joker (le rouge), qui traînait parmi les cartes éparpillées sur la table. Un petit bruit se fit entendre, et la sainte émergea de son sommeil. Skyla ? Oui ? À vrai dire, elle se demandait... Pourquoi la drogue qui était censée rendre leur homme doux comme un agneau n'avait-elle pas agi ? "Comment voulez-vous que je le sache ?" Eh bien, c'était elle qui se l'était procurée, non ? Non. La sainte désigna du menton le coin de la pièce d'où émanaient les effluves de Mannrig, et précisa que c'était lui, et lui seul, qui avait acheté ce machin. Elle renifla d'un air hautain et ajouta que si ç'avait été elle, elle aurait au moins pensé à demander quelques précisions sur les effets, juste comme ça, au cas où...
Yuriko se leva du lit sur lequel elle était assise pour aller donner un coup de tatane dans les côtes du sauvage endormi, qui sursauta et ouvrit des yeux vitreux. Salut, bien dormi ? demanda-t-elle avec un sourire qui se voulait amène. Pouvait-elle voir le médoc qu'il avait acheté ? Peut-être. C'était pour quoi faire ? Pour qu'elle, là, elle regarde un peu, répondit-elle en montrant Skyla du pouce, et les renseigne éventuellement sur ce qui n'avait pas marché lors de l'utilisation. Okay, dit Mannrig en tendant la fiole à la sainte qui s'en saisit et regarda longuement la mixture avant de lâcher, avec un sourire : "De l'aquatofana... C'est puissant, ça affaiblit l'organisme, de mémoire, ça coûte super cher et ça met plusieurs jours à agir. Si j'avais su plus tôt, on aurait sans doute légèrement modifié le plan." Yuriko rigolait, et Mannrig était furax. Quoi ? Il allait retrouver ce traître d'apothicaire qui diluait ses potions exprès pour en retarder l'effet, et il demanderait à se faire rembourser, parce que merde, hein, fallait pas déconner. Le sourire amusé de Skyla sembla légèrement se craqueler lorsque le sauvage fixa son arc dans son dos, se fissurer quand, dans un sifflement de métal, il glissa son épée dans son fourreau, et s'effondra littéralement quand elle vit luire à la flamme des chandelles la douzaine de poignards et de lames de toutes sortes que Mannrig cachait sous ses multiples laines et fourrures. C'est bon, j'ai compris, dit Yuriko, je vais l'accompagner. La sainte se tourna vers elle avec une telle détresse dans le regard qu'elle se sentit obligée d'ajouter, en souriant de toutes ses dents "ben, pour l'aider à se faire rembourser, quoi..."
Et on était partis. En tout cas, je te parie ce que tu veux qu'il sera vénère de se faire réveiller à cinq heures du matin par deux emmerdeurs ayant une réclamation. (vous avez compris : on a inventé les témoins de Jéovah.)

La porte s'entrouvrit. De là où elle était, Yuriko ne pouvait pas voir l'occupant, mais elle comprit aux paroles de Mannrig qu'il s'agissait de l'apothicaire lui-même. Il lui avait vendu de la merde ! Qu'il rembourse immédiatement s'il voulait pas d'une fin tragique ! Oui mais non. De toutes façons, pas à une heure pareille. Allez, quoi ! Il était prêt à se faire rembourser à moitié prix. Désolé, mais l'argent ne l'intéressait pas. "Si l'argent ne vous intéresse pas, alors remboursez-moi !" Ciao. Mais Mannrig avait bloqué la porte avec son pied. "Dernier avertissement, dit l'antiquaire. Si vous vous obstinez, vous allez y laisser quelque chose de précieux, et moi, j'aurai perdu un client et un carreau d'arbalète." À quelle heure ouvrait-il ? Vers dix heures, pas plus tôt. Très bien, il y serait, répondit le sauvage en retirant son pied, visiblement frustré par ce contretemps. La porte claqua. D'un saut léger, Yuriko descendit du rebord de fenêtre où elle était juchée, et demanda à Mannrig de se planquer deux secondes. Toc, toc, toc. Il fallait profiter de ce que l'apothicaire était effrayé/fragilisé par son précédent visiteur pour lui proposer un service de protection rapprochée. De la psy-cho-lo-gie. Toujours. Le bouton de porte tourna sur lui-même, et l'huis s'entrouvrit brutalement. "Quoi ?" demanda l'antiquaire d'une voix excédée. L'importune (mais opportuniste) asiatique sursauta devant cette vision d'horreur : de la bile en ébullition jaillissait des nasaux fumants du commerçant furibard, et deux pupilles démoniaques brillaient d'une lueur malsaine au fond de ses deux cavités orbitales noircies de cernes. Une des rides du vieillard s'étira jusqu'à se déchirer, puis s'ouvrit pour former ce qui s'avéra être sa bouche. Il articula dans un éclat de glaire moisi un "qu'est-ce que vous voulez ?" rocailleux et lent, comme s'il sortait d'un long sommeil. Ils avaient réveillé un monstre ; un terrible fléau pour l'humanité. Face à cette chose, une dérisoire chaînette de sécurité empêchait la porte de s'ouvrir totalement. Assurément, elle avait été placée là pour que l'apothicaire ne puisse sortir de sa cage. Il la braquait avec une arbalète. Pour tenter de l'apprivoiser, et surtout pour éviter qu'il ne devienne violent, elle bredouilla quelques justifications vaseuses (petit, petit, petit...) et la porte se referma sèchement.
Mannrig sortit de sa cachette en rigolant et demanda très spirituellement si elle avait fait une jaunisse. Putain, mais pourquoi ne l'avait-il pas prévenue ? Prévenue de quoi ? Il y avait un vieillard en liberté à l'intérieur ! En effet, c'est celui-là même qui lui avait vendu l'aquatofana. Quoi ? Il traitait maintenant avec ce genre d'individus ? "Mais enfin, tu vas y laisser ton âme ! Tu as toujours une âme, quand même !
- Attends voir, répondit Mannrig en fouillant dans sa besace, oui, il m'en reste un peu." Il valait sans doute mieux ne pas savoir ce qu'il avait compris. "Amène-toi, on retourne au lupanar..."

Americh ne dormait jamais. Les passants passaient et repassaient sur les pavés pas secs. Il avait sans doute un peu plu au cours de la nuit. Très concentrée, Yuriko tentait depuis plusieurs minutes d'accorder ses bruits de pas avec ceux de Mannrig pour faire un petit rythme en deux double-croches, mais n'avait toujours pas réussi à répéter le motif sonore huit fois, condition habituelle pour pouvoir faire des breaks. Soudain, alors qu'elle pensait tenir le bon bout, d'autres pas sonores s'approchèrent rapidement, gagnant en intensité à mesure qu'ils avançaient vers elle. L'enchantement fut irrémédiablement brisé, et le rythme compètement perdu. Elle jeta un regard noir par-dessus son épaule, et reconnut un Léander essouflé qui courait dans leur direction. Il était donc encore vivant, youpi, c'est la fête au village ! Oubliant ses essais en percussions expérimentales, Yuriko s'arrêta et, quand il fut à leur hauteur, lui mit la main sur l'épaule pour lui demander si, lui qui était cultivé, il connaissait le proverbe "La curiosité tua le chat.".
Haletant, il se redressa, sembla sur le point de dire quelque chose et, soudain, s'arrêta net. Dans un petit éclat d'acier, un objet volant non identifié venait de lui pénétrer la poitrine par-derrière et, pour être précis, de ressortir partiellement du côté du torse. Le souffle coupé, il s'écroula à moitié sur son interlocutrice avec un regard qui voulait dire que pas de blagues, le coin était malsain, fallait pas rester ici. "ça vient des toits, cria Mannrig. On y va !
-Ferme-la et cours ! On s'arrache." Sans attendre la réponse, Yuriko épaula Léander, prit son envol et fusa au ras du sol en direction de leur QG. Ne pas traîner. Il pouvait claquer à tout moment. Jetant un coup d'œil derrière, elle s'aperçut que Mannrig ne la suivait pas. "Vous vous sentez de faire tout seul les trois pâtés de maisons qui nous séparent du bordel ?
-Cela fait... moins mal que ça en a l'air" répondit le blessé en hachant ses mots, les larmes aux yeux et du sang affleurant aux lèvres. Il était très pâle et respirait laborieusement. Ouais. Menteur. "Attendez, je vais vous retirer ce couteau et...
- Non ! coupa-t-il, saisi d'une peur légitime. Je préférerais la doc'." Joli témoignage de confiance ! Elle accéléra et passa un virage en courant sur les façades des maisons pour prendre appui, sans faire attention aux noctambules incrédules qui se retournaient sur son chemin. En quelques paires de secondes, elle avait atteint leur gîte. La porte s'ouvrit à la volée et elle traversa le hall en un éclair sans faire tomber une goutte de sang sur le lino blanc, prenant à peine le temps de lancer un "tu n'as rien vu !" affirmatif à la fille qui s'occupait de l'accueil. Après son passage, une pièce d'or finit d'accomplir sa parabole dans les airs et tinta plusieurs fois sur le sol dans le silence global de la maison close.
Lestement, Yuriko ouvrit la porte de leur chambre, entra et se figea. Pendant quelques secondes, elle fut incapable de parler, et la seule chose qui finit par sortir fut un bredouillement inintelligible du genre mais quoi mais non mais ho qu'est-ce que vous foutez là dans cette chambre ? L'homme à qui elle tentait de s'adresser était de dos, debout face au lit de Roger. Il portait une longue tunique noire et rouge du plus pur style shivatien (i.e. : chinois) avec un Kanji entre les omoplates. Un petit courant d'air s'engouffra dans la pièce à cause de la fenêtre ouverte, et fit voleter quelques bouts de papier ainsi que les longs cheveux de l'intrus. Ses amples manches se gonflèrent paresseusement. Il se retourna sans se presser, avec un grand sourire. (forcé ?) Comme on pouvait s'y attendre, il était bridé comme y'a pas, et jaune comme le vert de photoshop. Ses yeux formaient deux fentes fines comme des lames de rasoir (cette expression m'a marqué...) dont les paupières ne laissaient pas visibles les prunelles. "Je cherche Ernst, dit-il sans se départir de son sourire d'hypocrite. Où est-il ?
- Ernst ? Connais pas d'Ernst, moi...
- Ne vous moquez pas de moi. Nous avons besoin de lui parler.
- Ha bon ? Désolée, vraiment, j'aimerais pouvoir vous aider, mais là, je vois pas.
- Vous l'avez hébergé ici parce qu'il était blessé. Alessandro l'a raté, alors pour la dernière fois, où est-il ?" Trop loin, la fenêtre. Léander était dans les vapes ; il fallait trouver une solution, et vite. "Moi aussi, j'ai une question : la jeune femme qui se trouvait dans cette chambre avec lui, où est-elle ?
- Pas la moindre idée." Au moins, Skyla était vivante, s'il ne l'avait pas trouvée ici. "Bon, eh bien, je ne peux pas vous renseigner, vous ne pouvez pas me renseigner : on est quittes ?" Pour toute réponse, l'homme fouilla dans ses manches et, d'un geste vif, lança plusieurs objets métalliques en direction de son interlocutrice, qui parvint à résister à l'envie de se servir de Léander comme d'un bouclier humain, et se contorsionna brusquement pour les éviter. Elle avait toujours le blessé accroché à l'épaule, et n'était assurément pas passée loin de se retrouver dans le même état que lui, ou pire. Une fraction de seconde plus tard, ils se retrouvèrent dans le couloir, plaqués contre le mur adjacent à la porte, cinquante centimètres au-dessus du sol. Que faire ? La vision de trois tiges métalliques profondément enfoncées dans la rambarde du premier étage, juste en face de la porte ouverte, se pyrograva instantanément dans sa rétine. Pas rester ici. Avertissement, pour ceux qui n'auraient pas compris : je perfore tout type d'organe à n'importe quelle heure, sept jours sur sept. Réductions pour les grosses commandes et tarif groupé à partir de cinq personnes. Enfants admis et majoration légère sur les séances de torture. Apparemment, quelqu'un avait décidé de faire taire les curieux et les emmerdeurs, parmi lesquels Ernst, Léander, Skyla bientôt et Mannrig possiblement. Quant à elle, y'avait pas de raison : c'était juste pour profiter du prix de groupe. Dans un vol subliminal, elle passa par-dessus la rambarde et descendit au rez-de-chaussée. "Mais qu'est-ce que vous faites ?" demanda la fille de l'accueil en s'étonnant pour la seconde fois de ce passage en coup de vent. De quoi tu te mêles, toi ? "Faites comme moi !" conseilla Yuriko avec un bon sens qu'on ne saurait nier, avant de disparaître par l'entrebâillement de la porte, qui n'avait même pas fini de se refermer depuis son dernier passage. La rue, enfin ! Jetant des coups d'œil autour d'elle, elle aperçut Mannrig à une cinquantaine de mètres, qui arrivait d'un pas rapide. Elle se précipita vers lui, lestée de Léander qui avait tourné de l'œil. "J'ai pas retrouvé le lanceur de couteaux, y'avait trop de monde dans la rue, expliqua-t-il, Pourquoi tu fais cette tête ?" Parce que, répondit-elle, il y avait un putain de tueur dans la chambre, et les deux autres locataires avaient disparu ! Mannrig regarda en direction de la porte du bordel et demanda qu'est-ce qu'il attendait pour sortir, alors. C'était vrai, ça. Qu'est-ce qu'il attendait ? Et eux, qu'est-ce qu'ils attendaient pour décamper ? Qu'il sorte ? Mannrig fit remarquer que Léander n'avait pas une tête à être encore en vie, et quand elle se rendit compte qu'il était complètement avachi, une salive mêlée de sang aux lèvres, elle faillit le croire. Cependant, une respiration pénible témoignait du fait qu'il était vivant. Pour combien de temps, en revanche... Pas moyen de la savoir précisément, d'autant plus qu'on n'avait pas de médecin sous la main. La seule chose dont elle ne doutait pas, c'est qu'il allait crever si on ne faisait rien. "Vas-y, retire la lame." Mannrig extirpa habilement le poignard de la cage thoracique du blessé, avant que Yuriko lui transmette son énergie corporelle. Un des effets collatéraux de ce surplus était que le corps reconstituait ses tissus à toute vitesse pour évacuer. Bon, c'était pas parfait, mais au moins, l'entaille ne saignait plus.
Où allait-on l'amener, maintenant ? Il était absolument exclu qu'ils demeurassent debout au milieu de la rue avec un presque mort sur les bras, exposés à tous les poignards volants. Si on voulait retrouver la sainte, dit Mannrig doctement, il n'y avait qu'à aller à l'église, elle ne pouvait être que là-bas. Mais oui mais c'est bien sûr ! Comment n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Malgré tout subsistait un problème : que faire avec tous ces vieillards qui rôdaient à l'intérieur ? "Heu... développa le sauvage.
- Tu vas tous les faire sortir toi-même ?
- Oui, par exemple. Je peux." Yuriko soupira. C'était extrêmement risqué, mais au point où on en était, c'était la seule chose à faire. Et puis, Mannrig en avait déjà vaincu un par le passé, il pouvait donc y parvenir une seconde fois. S'il délogeait les vieux lui-même, alors d'accord, concéda Yuriko en rehaussant Léander sur son épaule. Il n'y avait plus qu'à trouver la bonne église.

L'église s'avéra être d'influence et de statut très limités, en tant que seul monument religieux de la ville. Tant mieux. C'était plus discret comme ça. Dans une plainte d'acier aiguë, le sauvage dégaina son épée avant d'entrer dans la maison de Dieu. Elle assit Léander par terre contre le mur et écouta à la porte en retenant son souffle. "Vous ! fit la voix de Mannrig. Vous êtes le prêtre ?
- Oui, répondit le concerné. C'est à quel sujet ?
- Tu peux rentrer, c'est bon.
- Quoi ?" demanda le prêtre. Après avoir attrapé Léander, Yuriko franchit le seuil de la porte et fit quelques pas à l'intérieur, puis s'arrêta net. Une silhouette noire et, semblait-il, courbée s'était dessinée près de la chaire. Où était Mannrig ? "Je suis là", dit-il juste derrière elle, la faisant sursauter. La silhouette noire s'approcha et passa près de cierges, révélant un jeune prêtre d'une trentaine d'années. Qui était cet homme ? demanda-t-il en parlant de Léander. L'avaient-ils tué ? Et pourquoi entraient-ils ici l'arme au poing ? Alors, patiemment, elle expliqua au monsieur qu'ils étaient un peu menacés, que l'homme que voilà avait subi une agression, qu'ils cherchaient un refuge et que n'avait-il pas vu, ces derniers temps, une superbe jeune femme venir dans son église ? Quelques jours auparavant, elle était en effet passée, mais à des heures un peu plus décentes. Posait-elle tout le temps des questions bizarres sur l'apocalypse ? Oui, ils parlaient bien de la même, pas de doute. Elle la connaissait bien, dites ! Enfin, c'était sûr qu'elle n'était pas passée au cours de la nuit ? Et elle n'avait pas donné d'infos sur un endroit où elle aurait pu aller ?
Hébin que dalle. Quinze minutes plus tard, ils étaient de nouveau tous les deux dans la rue, pas plus renseignés sur l'endroit où se trouvait Skyla que sur les danses traditionnelles guatémaltèques. Léander avait été laissé dans le lit du prêtre, qui devait s'occuper de lui pour quelques jours. On savait que le tueur n'avait trouvé ni Roger ni la sainte, et donc que ceux-ci étaient quelque part en ville, probablement en vie. Ensemble ou séparés ? Va savoir, tout était possible. En tout cas, ils essaieraient sans doute de retrouver bibi et son copain Mowgli, se dit Yuriko en coulant un regard songeur vers Mannrig. "Dis... commença-t-elle petitement.
- Quoi ? demanda le sauvage.
- Où irais-tu si tu me cherchais ?
- Dans un casino" répondit-il sans l'ombre d'une hésitation. Merci, vraiment... Le pire, c'est qu'il n'avait pas tort. Skyla raisonnerait-elle de la même façon, et chercherait-elle dans cette direction, malgré sa franche répugnance à l'égard des jeux d'argent ? Ils bifurquèrent en direction du tripot où ils avaient claqué leur flouze quelques jours auparavant. Il se trouvait juste en face de l'auberge qu'ils avaient laissée dans un état lamentable avant de s'enfuir avec une civière et son occupant. Yuriko sourit en y repensant. Le sauvage devait toujours avoir le registre dans son sac.
À défaut d'une sainte, tout ce qu'ils trouvèrent au tripot fut une porte fermée et un vigile ensommeillé qui leur assura que non, il n'avait pas vu de belle jeune femme plus marquante que d'habitude ce soir-là. Non, pas même en compagnie d'un type séduisant, brun, et dont la description suivait. Ernst ? Ah, Ernst. Eh bien, c'était un informateur notoire dont le talent n'avait d'égale que sa témérité. La nouvelle de sa mort circulait depuis quelques jours. Le videur/vigile était sincère. Apparemment, ceux qui avaient cherché à faire taire l'indic avaient soit cru de prime abord qu'il avait succombé à ses blessures, soit sciemment propagé la nouvelle de son décès pour l'empêcher de se montrer ou, au moins, ne pas perdre la face. Dans tous les cas, si on retrouvait le petit Roger où qu'il soit, il y avait de bonnes chances pour que Skyla soit dans les parages. Écoutez, dit-elle subséquemment au garde, connaissait-il, à tout hasard, quelques lieux et établissements que Ernst fréquentât habituellement ? Oui, il pouvait les renseigner... Bars, auberges, bordels... en tout, il énuméra plus d'une dizaine d'établissement différents où le défunt avait ses habitudes, parmi lesquels étaient l'auberge d'en face et la maison close où ils s'étaient installés. Il était environ six heures à Americh. Le jour pointait son museau timide, les assassins rentraient dormir et les tripots fermaient.
"On laisse tomber ? demanda Yuriko. De toutes façons, on ne peut trop rien pour elle, hein... C'est déjà un assez bon résultat de savoir Léander vivant et provisoirement à l'abri. On a fait ce qu'on a pu, tu ne penses pas ?
- Comme tu veux, moi je m'en fous, répondit en substance le sauvage, mais si elle nous cherche, elle pourrait aussi bien être au bordel, non ?" Moui. Ou alors les filles pourraient savoir quelques trucs. Après tout, elle n'avait pas trop pris le temps de poser des questions là-bas, pressée qu'elle était par des soucis d'une tout autre nature.

La fille de l'accueil remplaçait visiblement la patronne le temps de son absence. "Vous étiez pressée, ce matin, dit-elle à Yuriko en lui tendant deux lettres. La première vous est adressée (Salut les loustics, Ernst leur souhaitait une bonne journée, il s'était servi, pécuniairement parlant, et sinon, ciao et merci pour les fringues.) et la deuxième concerne la jaune et le sauvage qui traînent ici, alors je suppose qu'il s'agit de vous, sinon je vois pas qui." Mannrig attrapa les lettres et lut la seconde en premier, par pur anticonformisme. Après cela, il regarda celle d'Ernst, en laissant l'autre à sa voisine. Ah, d'accord. C'était une carte de vœux de la part d'un certain Alessandro (vraisemblablement le même que celui qui avait "raté" l'indic.) qui leur souhaitait non pas de joyeuses fêtes mais de livrer le petit Roger au plus tôt, en échange de quoi ils auraient la vie sauve. Le marché semblait honnête, quoiqu'un poil autoritaire. Qu'ils aillent se faire foutre.
Mannrig monta à l'étage pour aller voir si on pouvait trouver quelque chose dans la chambre, et la porte d'entrée claqua sèchement alors qu'une jeune femme entrait en disant bonjour, bien dormi ? "Ah ben vous voilà, vous ! cria Yuriko dans une paire de tympans qui s'en souviendraient. On s'est inquiétés, ça va pas de disparaître comme ça ?
- Eh, oh, ça va, hein, répondit la sainte irritée, je peux encore m'absenter deux heures pour enquêter un peu sans me faire crier dessus !" Elle avait encore un peu de khôl qui n'était pas parti. Récapitulons, commença Yuriko en s'emportant presque malgré elle : une sainte disparue, Ernst disparu, Léander dans un état critique sur les bras, un tueur dans la chambre de là-haut et probablement un tarif groupé pour eux cinq. Tout ça, c'était suffisant comme motifs pour s'inquiéter ? À peu près à ce moment-là, Mannrig redescendit. Il n'avait rien trouvé d'intéressant dans la chambre. Les murs étaient toujours autant tapissés de plâtre et de peinture que le lit de foutre et de sang. Bref, rien à signaler. Qu'était-il arrivé à Léander ? demanda Skyla en promenant son regard sur la missive de Roger. "Il a reçu un coup de poignard dans le dos. Mais méchant, hein. Je veux dire : sans la garde, ça l'aurait sans doute transpercé de part en part, et même avec, c'était pas loin d'être le cas." Alarmée par ce bilan rapide (mais précis), elle demanda mais où est-ce qu'il était, et qu'avaient-ils fait en son absence ? "Bah, nous, rien, mais lui est allé fouiner un peu, puis encore un peu plus, et c'est là qu'il a dégusté... pour l'instant, on l'a planqué à l'église, avec un prêtre. Un jeune, hein, ne vous inquiétez pas. Et puis, pour sa blessure, on a fait ce qu'on a pu, quoi.
- Et alors ? Il est mort ? s'enquit Skyla en fronçant les sourcils. C'est pour ça, le prêtre ?
- Mais non ! On a juste refermé le trou qui restait après qu'on a retiré la lame, et comme il restait un peu cotonneux, pour ne pas dire hydrophile, on l'a largué dans la première et seule église en se disant que 1) il y serait en sécurité et que 2) vous y passeriez tôt ou tard. Vous m'écoutez ?" Non, elle ne l'écoutait plus. Elle posa la lettre de l'indic sur la table en concluant "je ne pensais pas qu'il récupérerait aussi vite.
- C'est ça quand on y connaît rien, persifla Yuriko, un peu vexée qu'elle se foute ouvertement de ce qu'on lui disait.
- Commencez pas, hein, c'est vous qui êtes venue pleurer pour que je fasse quelque chose pour lui.
- Je pleurais pas, c'est même pas vrai !
- Ah si, là, je confirme, coupa Mannrig, elle avait les larmes aux yeux..." Qu'est-ce qu'on lui avait demandé, à lui ? Et ta sœur, elle avait les larmes aux yeux ? "En tout cas, dit Yuriko pour changer de sujet, moi, j'ai une question à vous poser. Étant donné qu'on peut distinguer une très nette corrélation entre la manie d'enquêter sur cette affaire et la tendance plus ou moins grande à se faire larder de coups de poignards par x, avec x Alessandro, Marv, Torpedo, Karel, Benoît Poelvoorde ou n'importe quel(le) tueur/brute épaisse/psychopathe en puissance/proxénète/amant jaloux/terroriste (et tous leurs dérivés), avez-vous l'intention de poursuivre votre enquête au mépris de tout bon sens, et si oui, fait-il partie de vos projets que je passe derrière vous pour essayer tant bien que mal de récupérer vos abats dans les sacs poubelles de la mafia d'Americh ?
- Calmez-vous, répondit la sainte en profitant de ce que Yuriko reprenait son souffle, vous ne comprenez pas que ma mission va bien au-delà de toutes ces inutiles considérations de danger et de sécurité ? Oui, je vais continuer, il le faut, et vous allez m'aider.
- J'ai le droit de vous insulter ?
- Oui.
- Alors non, dans ce cas, c'est pas drôle.
- Mais quel est votre problème, à la fin ?
- Ernst adore les coups de couteau. Il les aime partout sur le corps, vigoureux et répétés. Léander, lui, les préfère volants, par-derrière, et un seul à la fois. Je ne sais pas comment vous, vous les aimez, mais le fait est que moi, j'en raffole pas. Sachez juste qu'en temps normal, je vous demanderais de me payer pour ce boulot." Après ce petit laïus, un fugace éclair d'intelligence passa sur le visage de Skyla, comme si, prenant du recul par rapport à la situation, elle s'était aperçue qu'elle était riche mais vulnérable, et s'adressait à quelqu'un de sécurisant, mais pauvre. La bobo mut une main baladeuse dans son sac en cuir de taureau bio, et en sortit bientôt une petite (mais pas trop) bourse replète. Cinquante pièces d'or, ça lui irait ? Cela dépendait de pourquoi, et pour combien de temps. Pour la conseiller, l'assister et la protéger dans l'accomplissement de sa divine mission, et ce pour, disons, une semaine. Contrat renouvelable. C'était jouable, oui, fallait voir. Bon, d'accord, va pour ça, concéda l'indigente. Après tout, elle avait besoin d'argent. Et en plus, cela clarifierait leurs rapports (à savoir cliente/salariée). Bon, dit Mannrig en contemplant une avance de quinze pièces d'or changer de mains. C'était pas tout, ça, mais si elles avaient fini de s'engueuler, on allait peut-être éviter de trop traîner ici, et trouver un coin pour manger, parce qu'il commençait à faire faim.
Une fois dans la rue, ils délibérèrent sur ce qu'il y avait de plus urgent à faire (à part bouffer) et il fut décidé qu'on allait se trouver une autre planque.

Pas mal, se dit Yuriko en jetant un coup d'œil aux autres pièces, un morceau de jambon à la main. C'était le genre d'appartement qu'on peut chercher longtemps avant de le trouver. Bon, évidemment, il était un peu délabré, et moisi dans les coins, il faudrait le repeindre, mais dans l'ensemble, c'était une affaire à saisir. Il était situé au-dessus d'un commerce insignifiant, au fond d'une impasse intimidante. On y accédait par un escalier extérieur d'une douzaine de marches. D'après Skyla, le propriétaire était quelqu'un de discret et fiable à la fois, en plus d'être moins malhonnête que la moyenne.
De la cuisine, Yuriko entendit le bruit de la porte qui s'ouvrait. Mannrig était revenu sain et sauf de chez l'apothicaire, après avoir obtenu satisfaction. La sainte émit le souhait d'aller chercher Léander, ce à quoi il fut objecté que ce dernier était visé par des tueurs, et pour l'instant en sécurité là où il était. En revanche, si eux trois commençaient à faire des allers-retours du côté de l'église, ils ne tarderaient pas à le localiser. Mieux valait y aller discrètement, à la faveur de la nuit.
Par ailleurs, le plus gros obstacle aux investigations de Skyla était, à l'en croire, la force brute. Le fait d'être seule l'astreignait à une prudence extrême, ce qui empêchait tout résultat significatif. Et puis, parfois, elle avait remarqué que des gens se fermaient dès qu'elle prononçait le nom de Bardley. Ce pouvait bien être une piste. En se montrant suffisamment insistants, on pourrait sans doute tirer quelque chose de ces personnes qui ne voulaient pas dire ce qu'elles savaient. Y avait-il quelqu'un en particulier chez qui elle aurait remarqué ce genre de comportement ?

La porte s'ouvrit brusquement, et elle entra d'un pas assuré en dessinant une arabesque dans l'atmosphère enfumée du pub avec la pointe d'un cigare éteint qu'elle venait de tirer de la poche intérieure de son manteau. La rumeur des voix indistinctes sembla faiblir imperceptiblement alors que, sans détour, elle allait se poser sur un tabouret de bar, allumer son cigare sur celui d'un client, et annoncer avec le regard de Che Guevara, tout en recrachant la fumée par les narines (très difficile en Style, quoi, merde) : "Je cherche Caïus.
- Qu'est-ce que vous lui voulez ? demanda le client flegmatique en jouant à faire de magnifiques petits dessins dans une flaque de bière renversée sur le comptoir.
- Je veux lui poser quelques questions, dit-elle en baissant la voix, obligeant l'autre à se pencher (et donc à interrompre son jeu) pour l'entendre dans ce brouhaha. C'est son boulot, non ?
- Une autre, demanda quelqu'un.
- Hé toi ! Oui, toi, fit la voix de Mannrig. Je voudrais trois surprenez-moi. Sers-les là-bas.
- Juste, dit le client en hochant la tête, c'est le type à la table du fond, où il y a cinq personnes.
- Merci du tuyau", acheva Yuriko en se levant, avant de se diriger vers la table indiquée. Caïus ? Oui ? Fallait qu'ils parlent en tête-à-tête. À propos de quoi ? À propos de son boulot, quoi d'autre... Okay, il arrivait. À tout de suite, les gars, dit-il en marchant sur les genoux de la moitié de ses amis, parce qu'il était au fond de la banquette, tout contre le mur. Où voulait-elle aller ? Là, juste là, répondit-elle en désignant la table où Mannrig s'était déjà assis, dans l'attente de sa commande. Ils s'y installèrent confortablement, et on leur servit trois chopes contenant un liquide visqueux auquel Yuriko jeta un regard soupçonneux. Hydromel : alcool fort fait à partir de miel et de cire fermentée, reconnaissable à son parfum de merde caractéristique. Elle avait assez tièdement envie de s'en souiller l'œsophage. Lorsqu'on inclinait un peu le récipient, la boisson s'équilibrait lentement en restant partiellement attachée aux parois, comme l'aurait fait du caramel chaud. "Qu'est-ce que vous voulez ? interrogea Caïus en trempant son index dans la substance gluante et opaque, avant de le sucer de manière tout à fait obscène.
- Vous savez des choses, je sais d'autres choses. Il y a des choses que je sais que vous savez...
- ...mais que nous ne savons pas, compléta Mannrig. Sachez que nous voulons savoir ce que vous savez que nous ne savons pas.
- Accouchez."
Très bien. Bardley, ça lui disait quelque chose ? Si, si, ça lui disait quelque chose. Mannrig précisa qu'il pourrait, en faisant un petit effort de mémoire, gagner quelques pièces qui pourraient même être en argent. Et bien sûr, lorsqu'il parlait d'argent, cela pouvait aussi bien signifier de l'or... "Écoutez, rien ne sert de mentir." Dieu seul savait ce qui pouvait arriver, en revanche, s'il refusait de répondre, ajouta le sauvage en redressant les pans de sa veste dans un bruit typique de lames qui s'entrechoquent. Cela pouvait rapporter gros, des infos pareilles, explicita Yuriko, mais ça pouvait aussi coûter très cher. Comme pour montrer qu'il avait les moyens de ses ambitions, Mannrig exhiba une pièce d'or en informant l'informateur de ceci que cette dernière avait une famille nombreuse. Voyant qu'il s'enfilait l'hydromel à mesure qu'il suait tout l'eau de son corps en disant que non, que Bardley était un démon, qu'il le tuerait s'il parlait, elle suggéra à haute voix (de la finesse, toujours de la finesse) que d'un autre côté, il lui serait sans doute encore plus désagréable de passer le reste de son existence à se nourrir avec une paille, même s'il aimait ce genre de boissons. Mais ils étaient dingues ? Oui, répondit Mannrig avant de répéter en haussant modérément la voix que des infos, ils voulaient, sans quoi le petit Caïus allait perdre son job et sans doute une bonne part de sa motricité. Et puis, d'ailleurs, demanda Yuriko, c'était qui, ce Caïus ? Ah oui, tiens, jamais entendu parler. Attends... C'était pas cet indic' qui connaissait plein de trucs sur un certain Bardley ? continua le sauvage en prononçant ce nom encore un peu plus fort. Ah, ouais, c'était ça. D'ailleurs, si ce Caïus se montrait plus loquace, elle ne pourrait jamais se souvenir d'un nom pareil... alors que dans le cas contraire, finit Yuriko avec un grand sourire, ils sauraient qui balancer quand ils seraient dans la merde...

"Et alors ? demanda Skyla.
- Ben, il a fini par cracher quelques petits trucs.
- Comme ?
- Je ne sais pas comment il s'y est pris, mais Bardley l'a traumatisé. En faisant un "exemple" dont il n'a pas voulu préciser la nature.
- Sympathique...
- N'est-ce pas ? Sinon, il a deux bras droits. Moi aussi, j'ai trouvé ça bizarre, au début, mais en fait, ce sont des exécuteurs/gardes du corps, pas de vrais bras.
- J'ai compris, merci.
- Le premier, c'est un asiatique habillé comme tel, avec des yeux très fins.
- Le nôtre ?
- M'est avis que oui. L'autre, c'est un type très laid. Apparemment, à côté de lui, Frankenstein (vous ne pouvez pas connaître, c'est le héros d'un conte populaire du nord du Lannet.) ressemble à Dora l'exploratrice. (le Kami de la drogue.) C'est peut-être celui-là qui se fait appeler l'épervier... Ou Alessandro, allez savoir.
- Rien d'autre ?
- Si. On s'en doutait déjà, mais Bardley n'est pas son vrai nom. Qui que ce soit, il fait la loi dans plusieurs quartiers d'Americh, et ses subalternes ont une adresse pour le contacter en cas d'urgence.
- Vous savez où c'est ?
- À votre avis ?"

Mannrig approcha sa main de la porte en dardant des coups d'œil dans toutes les directions, vers les toits et les rues adjacentes. Puis il sembla se raviser, se tourna vers Yuriko, en bas du petit escalier extérieur, et chuchota "putain, mais qu'est-ce que je dois dire s'il y a quelqu'un ? J'attaque à vue ?
- T'as qu'à dire que tu viens pour te faire engager, et si ça ne prend pas, tu fais exactement ce que tu viens de proposer." À la suite de cela, il tocqua à la porte et, n'entendant rien venir, actionna la poignée.
C'était ouvert.
Mannrig disparut à l'intérieur. Subrepticement, Yuriko gravit les escaliers à sa suite, jeta un coup d'œil au vestibule sombre qu'ils avaient devant eux, et se retourna pour faire signe à la sainte, cachée à l'autre bout de la rue. Dans la pénombre de la pièce se distinguaient un porte-manteaux, un coffre pouvant servir de banc et trois portes closes. Le sauvage, après avoir écouté précautionneusement, ouvrit la porte de gauche et en franchit le seuil. "Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?" demanda Skyla à mi-voix, d'en bas des marches. Qu'elle vienne voir elle même. Le porte-manteaux était recouvert de vêtures dans lesquelles Yuriko fouilla un peu. Les poches dégueulaient de pièces d'or. "Apparemment, dit-elle alors que Mannrig ressortait de la salle de bains pour ouvrir la porte de droite, la maison n'est pas à l'abandon, et ils ont l'intention de revenir.
- Ou alors ça veut dire qu'ils ont assez d'argent pour ne pas s'en soucier", extrapola la sainte, pendant que Yuriko ouvrait le coffre en gardant l'une des bourses à la main. Dedans, il n'y avait que des vêtements, mais l'un d'eux marqua son attention. Il était rouge et noir, et un signe qu'elle avait déjà vu était cousu dans le dos. C'étaient les fringues du tueur. Elle les roula en boule et les mit dans sa besace. Il faudrait chercher ce que signifiait cet idéogramme.
Elle se redressa et se dirigea vers la porte du milieu, que Mannrig n'avait pas encore ouverte, alors que celui-ci ressortait de la pièce de droite. Calmement, elle actionna la poignée et ouvrit lentement. Quand l'entrebâillement fut rendu à un tiers de son maximum, un petit déclic se fit entendre, et elle s'arrêta immédiatement, le cœur battant à tout rompre. Qu'est-ce que c'était que cela ? Il y avait quelqu'un derrière ? Le sauvage la bouscula, ouvrit en grand la porte, sembla hésiter et fit demi-tour, pris de panique. "Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle, inquiète.
- Cours !" Elle ne se le fit pas dire deux fois, et se précipita vers la sortie, pendant que Skyla, voyant cette débandade de l'extérieur, sautait de l'escalier. À peine furent-ils dans la rue que les charges explosives commencèrent à faire sauter les murs en commençant par la pièce du fond, jusqu'au bouquet final qui se traduisit par l'effondrement de la maison. Des morceaux de bois incandescents et des briques fumantes retombèrent sur les pavés, partout dans la rue. On aurait presque applaudi. Presque.

La suite bientôt, aimerais-je pouvoir dire, bien que ce soit peu probable.