samedi 27 février 2010

Au fil des heures - Conclusion

Un vent fort charriait les premières gouttes de pluie, fouettant l'herbe et la cime des rares arbres visibles dans les plaines environnantes. La nuit était tombée depuis une demi-heure, pas beaucoup plus, et la route commençait déjà à disparaître dans la pénombre. Bientôt, le sol devint boueux et humide, alors qu'une pluie battante brouillait toute visibilité au-delà d'une dizaine de mètres.
À contre-coeur, Yuriko s'arrêta de courir et se mit à marcher. Ses vêtements étaient maculés d'éclats d'une boue liquide. Devait-elle continuer par la voie des airs ? Courir sans voir où elle allait n'était pas prudent, mais au moins, cela réchauffait. L'eau glaciale et abondante, couplée à ce début de tempête qui formait des vagues d'eau dans l'air au gré de ses bourrasques, lui gelait déjà les extrémités. Qu'en serait-il en altitude ? Frigorifiée, elle résolut de ne pas mourir de froid cette nuit-là, et reprit sa course en ralentissant le rythme pour se donner le temps de réagir en cas d'obstacle. Chacun de ses pas était ponctué d'un bruit aqueux et d'une gerbe d'eau assez conséquente pour lui rentrer dans les bottines et lui geler les orteils. Courage. Americh ne devait plus être si loin que ça.
Une bonne heure plus tard, même si Yuriko en aurait compté trois, la pluie s'était légèrement calmée et les premières lumières de la ville apparurent dans son champ de vision. Elle était gelée de la tête aux pieds. La seule partie à peu près sèche de sa personne était un sac en bandouillère qu'elle avait récupéré à Brudge, et qu'elle avait eu la présence d'esprit de mettre à l'abri sous son manteau, car il contenait quelques petites choses périssables qui gagnaient à rester au sec - entre autres des cigarillos, trois ou quatre chouquettes survivantes et un livret bancaire qui lui permettrait sans doute de ne pas trop galérer financièrement dans les mois à venir. Pressant le pas, elle pénétra dans la ville et se rendit directement chez elle. Du moins l'aurait-elle fait si elle n'avait pas été aussi fatiguée et étourdie. Ce fut donc seulement après une demi-heure à chercher dans les rues noires, dont le sol trempé réverbérait heureusement l'éclat de la lune, qu'elle retrouva son huis.
Au moment d'ouvrir la porte, elle remarqua avec agacement qu'on avait forcé la serrure et cassé le loquet qui permettait de verrouiller. Il suffisait de s'absenter cinq jours pour qu'on vous cambriole ? Ouais. Elle entra en remettant au lendemain le changement de serrure, et posa son sac sur le canapé. Evidemment, le voleur avait dû être déçu : il n'y avait pas le moindre objet de valeur dans cet appartement. Pour l'instant, en fait, c'était plutôt vide. Le seul signe de passage était le désordre que le cambrioleur avait mis, jetant les coussins partout dans la pièce et posant le matelas contre le mur. Elle soupira en jetant un coup d'oeil autour d'elle, le remerciant mentalement de ne pas avoir découpé le tissu du fauteuil. Un frisson la prit. Elle allait attraper la mort si elle restait comme ça.
Dix minutes plus tard, elle grattait une allumette pour mettre le feu à la partie tressée d'une chaise qui traînait dans la cuisine, qu'elle avait démolie pour en faire du bois de chauffage. L'âtre s'illumina un instant, et la combustion s'arrêta alors que seul un misérable brin d'osier avait pris feu. Elle se fit intérieurement la remarque qu'il lui faudrait récupérer du bois de chauffe, réarrangea la position des débris de chaise, et utilisa une seconde alumette avec plus de succès. Bientôt, des flammes dansèrent dans la cheminée, commençant à faire quelques braises. La chaise représentant une maigre quantité de combustible, la table bancale restée dans la cuisine ne tarda pas à la rejoindre. Yuriko rapprocha le fauteuil du foyer, alla chercher une couverture dans la pièce d'à côté, suspendit ses vêtements trempés aux bords de la cheminée et, complètement nue, s'emmitoufla dans ce fauteuil tout mou en sentant avec délice le sang affluer de nouveau dans ses doigts bleuis.
Ces deux dernières semaines avaient été tout particulièrement éprouvantes pour ses nerfs. Un véritable mal-être la saisissait lorsqu'elle y repensait. Pour tout dire, elle se sentait sale. Qu'est-ce qui était le pire ? Avoir tué une quinzaine de personne en autant de jours ? Avoir livré un individu à la torture et collaboré avec les pires fanatiques qui soient ? Elle aurait voulu ne plus y penser, mais une odeur de cadavre lui collait à la peau. Et tout ça pour quoi ? Des bateaux n'avaient pas été détruits. Une guerre n'avait pas été déclenchée. Mais était-ce bien sûr ? Ceux qui l'avaient prévenue de cette menace étaient les mêmes que ceux qui avaient récupéré le stock d'explosifs. Elle eut une légère grimace. Ils avaient assuré que ce stock ne servirait pas une cause guerrière, mais à quoi d'autre ce genre de choses pouvait-il bien servir ? À les voir, on n'aurait pas cru qu'ils étaient du bâtiment... Oui, il y avait de fortes chances pour qu'"on" se soit servi d'elle et des autres pour mettre la main sur le précieux chargement, et qu'"on" ait craché tout cet or uniquement pour acheter son silence. Elle avait marché dans la combine, c'était regrettable, dans un sens, mais comment aurait-elle pu agir autrement ? Si cette guerre avait bien eu lieu, de combien de morts supplémentaires aurait-elle dû porter le poids sur ses épaules ?
Elle ramena la couverture par dessus son visage. De toutes façons, il n'y avait pas de bon choix à faire. Elle s'était contentée d'appliquer la logique du moindre mal, et n'avait donc pas de raison de s'en vouloir outre-mesure. D'ailleurs, en toute honnêteté, elle ne se condamnait pas vraiment pour ses actes, simplement, un profond dégoût s'agrippait à elle comme une sangsue impossible à arracher. Etait-ce bien sûr, qu'elle avait appliqué sans erreurs cette "logique du moindre mal" ? Martius... Elle n'avait pas eu la force de le tuer avant d'avoir à le livrer à l'inquisition. Il subissait peut-être encore d'abominables tortures à cette heure. Même si son corps se réchauffait lentement, Yuriko restait glacée par l'effroi. Les tribunaux de l'inquisition étaient inconnus du grand public, et seules quelques rumeurs laissant présager du pire parvenaient à filtrer. Mais le pire dans tout ça ; la raison pour laquelle elle aurait choisi toute autre solution que celle de l'éliminer s'il en avait été une, c'est que Martius était innocent. C'était un individu dangereux, certes, ayant causé la mort de nombreuses personnes, vrai aussi, projetant de tuer aveuglément des dizaines d'enfants pour accomplir ses noirs desseins, tout à fait, mais fondamentalement innocent. Il était fou ; complètement étranger à toute morale. D'ailleurs, elle n'aurait même pas osé lui en parler, de peur d'être ridicule. Etant donné qu'il était totalement incompréhensif des droits humains ou des lois, il n'était logiquement pas condamnable par ces dernières. En fait, elle avait agi comme aurait agi Skyla ou n'importe lequel des aliénés de l'inquisition : elle était tombée assez bas pour tuer (indirectement) quelqu'un au nom d'une conviction personnelle. Peu importait de savoir quelle était ce principe : ce qu'elle avait fait n'était pas plus honorable qu'un meurtre commis par fanatisme religieux ou nationaliste.
Elle repensait à Crescentia, le succube. Tant de choses incompréhensibles s'étaient passées sous ses yeux qu'elle n'était plus sûre de rien. Cette créature était un démon, et pourtant, elle n'avait pas manifesté d'intentions hostiles à l'égard de qui que ce soit. Yuriko se souvint de la rancoeur du succube à la nouvelle de l'enfermement de Martius à l'intérieur du bâtiment inquisitorial. Beaucoup d'êtres humains auraient été submergés par la colère, mais Crescentia n'avait fait preuve d'aucune violence. Pourtant, Skyla n'aurait pas hésité une seconde à la tuer si elle en avait eu la possibilité. Pourquoi cela ? Etait-on condamnable, n'étant pas un être humain, de n'avoir aucune morale humaine ? Crescentia n'avait pas non plus de tabous sexuels, mais ce ne pouvait pas être la seule raison. Si l'Eglise condamne ceux qu'elle appelle "dépravés", elle ne les exécute pas pour autant... Au final, le fait que la sainte haït le succube si ardemment n'avait fait que donner envie à Yuriko d'en savoir plus dessus. Etait-il vrai que, si elle avait accepté ses avances, elle y aurait laissé son âme ? Après tout, elle venait d'apprendre l'existence de l'enfer, alors pourquoi pas celle de l'âme...
C'est seulement plusieurs heures plus tard, alors que l'aube pointait, que Yuriko finit par s'endormir. Elle fit quelques étranges rêves dont elle ne conserva aucun souvenir, mais eut dans l'ensemble un sommeil plutôt calme. Du moins, autant que cela est possible dans un fauteuil.
Ce furent des cris d'enfants étrangement proches qui la tirèrent de sa torpeur. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi leurs pépiements étaient aussi aigus et forts. Une voix de petit garçon particulièrement haute résonnait tout près. Ce serait un château, il y aurait un dragon là-bas, et le canapé serait un... Le môme s'interrompit brusquement. Il venait d'apercevoir la tête de la princesse, qui venait d'émerger d'un tas de couvertures sur un fauteuil. Yuriko et lui se regardèrent dans les yeux pendant quelques secondes, et il finit par tourner les talons pour rejoindre en courant ses camarades, qui ne l'avaient pas attendu pour déguerpir. La princesse se frotta les paupières des poings, bâilla, s'étira avec délice et se leva dans le but à peine dissimulé d'aller s'habiller. Elle avait une montagne de choses à faire, à commencer par un changement de serrure.
Le matin recouvrait la pièce de sa lumière froide et calme. Americh n'attendait plus qu'elle...

mardi 23 février 2010

L'Étoile du Désespoir (conclusion) - Léander

Dans un couloir faiblement éclairé par quelques bougies placées à intervalles réguliers, de légers bruits de pas résonnaient. Le corridor s'allongeait considérablement vers une porte à double battants au poignées cuivrées. Quelqu'un marchait lentement, calmement, faisant le moins de bruit possible sur le parquet sombre. L'individu s'avançait tranquillement en direction de la porte. Ses bottes de ville étaient d'excellente qualité et ses vêtements avaient été conçus sur mesure, démontrant ainsi une certaine richesse et un statut social élevé. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas porté ce genre d'habits. Depuis plusieurs semaines, il avait choisi de vivre en tant que voyageur riche et cultivé. Dans l'intérêt de ses voyages et de ses missions. Son nom n'était un secret pour personne et il n'était pas non-plus une personne particulièrement célèbre, du moins certainement pas en dehors son entourage et de ses confrères. Néanmoins, quand il voyageait, quelle qu'en soit la raison, il n'était simplement pas nécessaire que les gens sachent qui il était réellement et quel était son statut exact. Bourgeois cultivé, aux origines ilmoriennes, suffisait largement dans la majorité des cas.

Une fois arrivé en face de la porte, l'homme se passa la main gantée de soie sur le visage en inspirant pronfondément. Ses cheveux mi-long étaient ramenés en arrière de manière assez savante, tandis que sur son nez reposait une paire de lunettes parfaitement neuve, l'ancienne ayant été détériorée au gré de ses dernières aventures. Il s'était écoulé bien des jours depuis qu'il avait quitté Brudges et ses compagnons de route. Si ces derniers pouvaient le voir en ce moment-même, sans doute seraient-ils surpris par le changement d'apparence plutôt radical de leur ami. Le voyageur assoiffé de connaissances qu'ils connaissaient avait cédé la place à son identité première : un grand érudit ilmorien, appartenant au échelons élevés de la société. Léander était sans aucun doute différent. Son apparence, sa démarche, ses habits, etc. Tout indiquait clairement un port altier, une dignité sans pareille et une hauteur d'esprit qui ne trouvait que peu de semblables. Sa nouvelle tenue vestimentaire suscitait un charisme impressionnant et une maîtrise de soi à toute épreuve.
Léander chercha un moment à l'intérieur d'une des poche de son manteau avant d'en ressortir un anneau argenté monté d'un symbole sophistiqué évoquant un livre ouvert. Il glissa la bague le long de son annulaire recouvert de soie. Il vérifia que le bijou, preuve de son appartenance à l'organisation, tenait bien au doigt sans le gêner puis il toqua à la porte. Au bout de quelques secondes, un homme d'âge avancé lui ouvrit la porte. Le regard de celui-ci s'illumina quand il reconnut le visiteur.
"Ah, Cornélius ! Soyez le bienvenu ! Entrez donc, je vous prie. Vous arrivez juste à temps pour assister au séminaire.
– Je suis content de vous revoir également, mon cher Timothéus. Nos discussions m'ont manqués ces derniers temps.
– Vous êtes revenu bien plus tôt que ce que vous nous aviez annoncé. Y a-t-il une raison pour que votre voyage ait été écourté ?
– Certes oui, mais je ne souhaite pas en parler maintenant. Ce n'est ni le bon endroit ni le bon moment. Je préfèrerais de loin vous raconter tout ceci quand nous serons installé dans votre salon, ou bien dans ma demeure. J'ai bien des choses à converser avec vous, mais pour le moment je désire juste prendre des nouvelles de la confrérie.
– Oui, bien sûr. Venez donc avec moi, nous allons justement aller écouter notre consoeur Lydia qui est revenu de Varja il y a deux semaines. Il semblerait qu'elle y ait découvert des choses particulièrement préoccupantes.
– Agnès est donc revenue avant moi ? Je suis agréablement surpris. Qu'en est-il de nos amis Dorian, Alexander et Démétrius ? Et aussi Sirius Téophilus et Sophia Ilmora ?
– Tout doux ! Pour l'heure, seuls Dorian et Démétrius sont au pays, mais ils devraient bientôt repartir. Allons, suivez-moi et je vous parlerai d'eux après. Nous avons beaucoup de choses à discuter et vous avez raison sur un point : nous ferions mieux d'en parler à l'aise chez vous ou bien chez moi, auprès du thé."

Le vieil homme dénommé Timothéus referma la porte derrière Léander puis l'amena dans une vaste pièce similaire à un amphithéatre. La salle était éclairée par des globes de lampyridae et approximativement le tiers des places disponibles était occupé par des personnes qui écoutaient avec intérêt les paroles de l'oratrice. Tous les convives portaient des vêtements d'aristocrates savants, d'érudits et de professeurs d'université. La femme qui était au centre de l'attention tenait un long discours concernant son dernier voyage en Varja. Son oratoire prêtait l'oreille de très près pour deux raisons essentielles : premièrement, leur consoeur leur ramenait de nouvelles connaissances qui allaient très bientôt compléter le thésaurus de Bellasarius, et deuxièmement, elle établissait un rapport précis et relativement préoccupant concernant les derniers évènements notables qui s'étaient déroulés au pays de l'Empereur Éternel ; certains auditeurs tressaillirent quand elle en vint à fournir quelques données occultes concernant les étranges magamatas et la séparation de la Veille et du monde réel en Varja. Certaines personnes qui l'écoutaient pourraient également lister une troisième raison : Agnès Lydia était une femme que l'on aurait pu qualifier de belle et agréable à regarder.

Les yeux de l'oratrice s'illuminèrent quand elle reconnut les deux derniers convives qui entraient dans la salle alors qu'elle avait déjà commencé à faire le rapport de son voyage. Néanmoins ni ses gestes, ni son élocution ne trahirent sa joie intérieure. Quand il s'agissait de faire un discours en face d'un public, elle gardait toujours une maîtrise absolue de soi.
Léander et son ami, Timotheus, prirent place et écoutèrent Agnès en silence jusqu'à la fin du discours. Le cerveau de Léander s'attelait à plusieurs tâches simultanément : il assimilait les informations et les nouvelles qu'il entendait, il songeait à ses projets d'avenir et il réfléchissait également à la façon dont il allait faire son rapport. Les trois à la fois.

Au terme d'une heure et demie, la séance était terminée et la plupart des personnes commençaient à ramasser leurs feuilles de notes. Agnès conversait avec quelques érudits qui commentaient son intervention, la félicitaient ou bien lui transmettaient simplement leurs salutations. L'amphithéatre se vidait lentement tandis que Léander et Timothéus restaient assis. Ils se connaissaient assez bien et chacun avait eu le temps de deviner quelles étaient les préoccupations de l'autre, de deviner ses pensées
"Je pense que vous souhaiterez discuter avec notre chère Agnès. Cela fait longtemps que vous ne vous êtes pas rencontrés.
– C'est exact.
– Je vais aller la saluer rapidement et je rentrerais chez moi. Prenez donc votre temps. En contrepartie, que diriez-vous d'une discussion entre nous chez moi ? Disons à vingt et une heure. Nous aurons alors le temps de parler et d'échanger nos dernières nouvelles.
– Merci beaucoup Timothéus. Vous êtes un ami cher sur lequel je peux compter. Je vous retrouverais ce soir donc. Inutile de me faire préparer le diner, je mangerais sans doute en ville.
– Très bien, à ce soir donc.
– À ce soir."

Le vieil homme se leva de son siège et se dirigea vers le petit attroupement afin d'échanger quelques mots avec ses confrères et consoeurs, puis finit par s'éloigner et quitter la salle. Léander restait assis, attendant patiemment que l'amphithéatre soit déserté. Il ôta sa bague du doigt pour la ranger soigneusement dans sa poche. Ce symbole n'était utile que pour se faire reconnaître par ses confrères.
Finalement, après plusieurs longues minutes, les deux dernières personnes qui palabraient inlassablement avec leur collègue finirent par prendre congé. Agnès poussa un léger soupir, comme si sa patience avait été récompensé, puis elle se tourna vers Léander qui se leva à son tour.

"Et bien, messire Léander ? Vous débarquez à l'improviste à mes conférences sans prendre la peine de me prévenir de votre arrivée ?"
L'érudit s'avança vers elle et lui saisit délicatement la main afin d'y poser ses lèvres.
"Vos yeux me manquaient... Et je suis justement arrivé aujourd'hui pour vous annoncer mon retour. Je n'avais pas la patience de vous faire porter une lettre.
– Quelle galanterie ! Je suppose que vous comportez ainsi avec toutes les femmes que vous croisez ?
– Je ne suis pas un rustre envers la gent féminine, mais je ne dévoile cet aspect de ma personnalité qu'à vous seule.
– Je suis bien tentée de vous croire... Mais comment être sûre lorsque l'on parle des hommes ?
– Je ne répondrais qu'une seule chose : ayez foi.
– Hum... Uniquement parce qu'il s'agit de vous..."

Agnès prit à son tour la main gantée de Léander afin de la poser contre sa joue.
"Néanmoins, vous êtes revenu bien plus tôt que prévu ? Qu'est-ce qui nous vaut cette agréable surprise ?
– Mon voyage a été écourté pour plusieurs raisons. Mais il s'agit de toute une histoire qui prendrait du temps à raconter.
– Quand repartez-vous ?
– Je n'ai pas prévu de repartir tout de suite. Je resterais à Hausser pour un long moment je pense.
– Je vois. Disposez-vous de temps libre ce soir ?
– Pas tout à fait. Je dois rendre visite à Timothéus, mais j'allais tout de même vous demander si vous vouliez diner avec moi."
La demoiselle approcha son visage de celui de Léander et lui caressa la joue du bout des doigts.
"Ce serait avec plaisir..."


Quelques heures plus tard, Léander se trouvait dans un salon chez son ami Timothéus. Les bougies étaient éteintes et seule la cheminée donnait un minimum de lumière. L'érudit aux cheveux grisonnants, assis dans un fauteuil, une tasse à la main, écoutait avidement les paroles de son ami. Cela faisait déjà deux heures qu'ils parlaient et Léander avait fini de raconter son périple qui l'avait fait voyager de Brudges à Américh tout en frôlant la mort plusieurs fois. Le vieil homme, pensif, buvait son thé en réfléchissant à ce que venait de lui apprendre son ami.

"Mais vous n'avez pas découvert l'identité de ces gens, ou plutôt la nature de l'organisation qui s'est chargé de subtiliser les tonneaux de poudre, n'est-ce pas ?
– Non. Mais je crois que vous et moi avons les mêmes soupçons...
– Oui, qui cela pourrait-il être d'autre ?"

Léander hocha la tête pensivement, puis annonça :
"Leur employé, Tomaj, a dit que les tonneaux de poudre ne serviraient pas d'explosifs. Qu'ils ne seraient pas utilisés de manière belliqueuse ou offensive. Et je ne pense pas qu'ils aient l'intention de les revendre. Ils les ont fait disparaitre de manière trop efficace.
– Cela nous conforte donc dans nos soupçons. Il n'y a pas assez de groupe organisé qui soit capable de déployer ses agents aussi vite et de récupérer cette marchandise sans laisser de trace. Il ne s'agissait pas d'agents impériaux ni des hommes d'Azur. Providence et Soleil Noir possèdent sans doute des stocks entiers de cette marchandise. Les papiers que vous avez récupérés chez ce Sandberg prouvent même que les barils provenaient en majorité de ces deux corporations. Ils n'ont pas de raison de voler ce qu'ils ont vendu à prix d'or.
– Ceux de Yehudah en sont capables. Et qui sait quelle raison ils auraient pu trouver.
– L'Ordre de Yehudah n'est pas très actif dans ce secteur. Sans doute à cause de l'influence du dernier des Giovanni. Le prince Lucanor sait tenir ces gens-là à distance. Oubliez ces sorciers. Ils n'emploieraient pas d'humains normaux pour leurs plans.
– Vous avez raison...
– Vous n'avez pas pu trouver de preuves. Mais mon intuition me dit qu'il s'agit de cette organisation étrange : Wissenschaft. Nous n'avons jamais pu trouver quels étaient leurs buts... Que manigancent-ils maintenant ?
– Peu importe... À présent, ces barils sont hors de notre portée. Il nous sera impossible mettre la main dessus ou deviner leur localisation."

Timothéus fixa un moment les flammes dans l'âtre.
"Votre voyage n'aura pas été vain, loin de là. Nous savons également maintenant que les prophéties de l'Église se précisent. Les autorités ecclésiastiques savaient que cela se produirait à Brudges."

Léander ne répondit pas tout de suite.
"Je crois que j'aimerais oublier un moment toute cette histoire... et me détendre.
– Je comprend. Vous avez été gravement blessé et vos cicatrices parlent d'elles-mêmes. Cela doit faire un choc de savoir que l'on a failli mourir assassiné.
– Ce n'est pas ça. Les blessures physiques sont importantes, mais elles ne seront jamais rien en comparaison du choc que j'ai eu quand nous avons déniché... Bardley, ou plutôt Martius comme il voulait s'appeller.
– Martius ? Je ne comprend pas. Ce garçon vous a tant impressionné ?
– Je n'ai rien dit aux autres à ce moment-là, mais au fond de moi, j'étais écrasé face à sa présence.
– Il est mort maintenant. Oubliez-le, il était dérangé.
– Il était dérangé, oui... mais je ne suis pas sûr de ce que j'aurais fait s'il m'avait demandé de sacrifier ma vie... On avait l'impression de ne pas pouvoir lui désobéir."

Un long silence suivit cette dernière déclaration. Seul le crépitement des flammes était audible. Finalement, le vieil érudit parla :
"Reposez-vous Léander. Profitez des prochains jours pour vous détendre. Je vais vous raccompagner à la sortie. Nous avons veillé assez tard et nous en reparlerons une autre fois.
– Très bien, le temps passe et quelqu'un m'attend encore.
– Agnès ?
– Exactement."

Timothéus eut un petit sourire pétillant de complicité.
"Il y aura un orchestre très attendu au Palais de la Musique cette semaine. Vous devriez l'inviter et je saurais vous trouver des places. Cela lui ferait plaisir. Profitez-en tant que vous êtes jeune.
– Merci Timothéus. Je vais suivre votre conseil. Et sachez que vous n'êtes pas si vieux que vous le dites."
Léander eut un sourire avec cette dernière phrase : il venait de penser à Yuriko qui, pour une raison inconnue, était terrorisée par les personnes affublées de rides au visage.

Il était rentré au pays, chez lui. Il était simplement temps que la vie continue.

L'Étoile du Désespoir - Bardley

La nuit était tombée sur Américh, la cité du libre-échange. La lune commençait sa lente course dans le ciel tandis que des réverbères de lampyridae étaient allumés ça et là. Loin des quartiers habités par la plèbe, dans les Hauts-Lieux réservés à l'élite bourgeoise et criminelle, une personne patientait calmement dans un bureau. Assis dans un fauteuil de cuir, il contemplait la flamme de la bougie posée sur la table basse devant lui, unique source de lumière dans la pièce. Il était peu probable qu'il existait quelqu'un qui puisse deviner les pensées qui s'agitaient dans l'esprit de cet individu. Reagardait-il la flamme pour tromper son ennui ? ou bien son esprit était-il tourné vers des pensées supérieures ? Concevait-il des projets grandioses ou rêvait-il simplement ?
Son regard restait figé en direction de la flamme quand ses lèvres prononcèrent un nom.
"Ivy."

La flamme de la bougie s'agita brusquement sous l'effet d'un courant d'air. Quelqu'un venait d'entrer dans la pièce en passant par la fenêtre. Derrière le fauteuil, une silhouette féminine se fondait dans les ombres.

"Que font tes collègues, Ivy ? Ils sont en retard... Tu sais comme j'apprécie la ponctualité. Je souffre de leur absence.
– Je suis désolée monsieur. Je surveillais les entrepôts. J'ignore ce que font les autres Doigts. Voulez-vous que j'aille les trouver et leur faire part de votre mécontentement ?"

L'homme assis dans le fauteuil leva un sourcil amusé. Il savait que rien n'aurait davantage plu à Ivy que de réprimander les autres agents sous n'importe quel prétexte. Du moment qu'il lui donnait cet ordre, pas même Vince n'oserait la frapper ou la mépriser. Au fond, Ivy n'était rien de plus qu'une jeune fille capricieuse qui évinçait ses rivaux dans le but de s'attirer l'attention paternelle. Elle se fichait des autres membres de la Main tant qu'elle pourrait rester sous ses ordres à lui.

"C'est inutile Ivy. Je suis sûr qu'ils font de leur mieux pour effectuer la tâche que je leur ai confié. Ils viendront bientôt pour m'expliquer eux-même les raisons de ce retard. Après tout, Piotr et Vince sont régulièrement en retard sans que cela ne me dérange particulièrement...
– Très bien, monsieur.
– Au passage, j'imagine que tu as déjà réglé ce problème puisque tu es si douée, mais est-ce que le vieillard se doute de quelque chose ?
– Absolument pas ! Ce n'est qu'un vieux lubrique et incontinent ! Il serait incapable de me reconnaître si je m'aplatissais la poitrine. Je ne suis pas sûre qu'il puisse différencier un stylet d'un plumeau même si je le lui plantais dans le ventre.
– Allons allons, je comprend que tu n'apprécie pas ce travail mais c'est tellement important pour moi, Ivy. Rassure-toi, toute cette mascarade sera bientôt terminée. Mais ne commet pas l'erreur de sous-estimer le vieillard Sandberg. Après tout, il a réussi à bâtir sa fortune personnelle sans aucune aide. C'est un vieux renard matois, mais pas aussi rusé que nous. Nous avons besoin de lui mais plus pour longtemps. Et lorsque le moment sera venu, je te laisserais régler tes comptes avec lui.
–Je vous remercie... monsieur.
– Ce n'est rien, après tout les offenses faites à la gent féminine ne doivent pas rester impunies..."

La femme dissimulée dans les ombres retint un sursaut de surprise. Savait-il ? Elle espérait bien que non. Sinon, elle se couvrirait de honte. Heureusement, des bruits de pas dans le couloir indiquaient que des personnes approchaient, lui permettant de se concentrer sur l'instant présent.

La porte s'ouvrit en grand et laissa passer quatre personnes de tailles et de constitutions différentes. L'un était un véritable géant, deux autres était plutôt athlétiques et le dernier semblait plus fragile. Mais juger ces nouveaux-venus à leur apparence revenait à commettre l'erreur de sa vie.

"Vous êtes en retard messieurs. Vous avez une nouvelle excuse à me présenter ?"

L'un des hommes, un ryan portant un kimono traditionnel du Shivat, s'inclina devant le fauteuil en guise d'humilité et d'excuse. Le colosse ne semblait pas avoir entendu ou compris mais en vérité, il laissait ses compagnons parler à sa place. Le troisième larron esquissa un sourire dément avant de prendre la parole.

"Toutes mes excuses seraient inutiles, beau seigneur, car il y a en vérité une raison à notre retard !"

Son interlocuteur, assis dans le fauteuil, passa une main distraite sur son menton, amusé par l'audace de son subalterne. Peu nombreux étaient ceux qui se permettaient de lui parler ainsi. Mais, Vince était à sa manière quelqu'un de très spécial.

"Vraiment ? Voilà qui m'intéresse. Ce n'est donc pas Piotr qui s'est perdu cette fois ?
– Que nenni ! Mais Piotr est bien impliqué dans notre retard à tous ! Cette fois-ci il a entendu des choses ! Des choses, oui, très intéressantes ! Mais notre grand ami ne s'explique pas clairement et il nous a fallu du temps pour comprendre son latin très éraillé..."
Vince se tourna vers le juggernaut, comme pour appuyer ses propos.
"D'après lui, continua Vince, il y aurait un petit curieux en ville. Un petit fouineur qui met son nez un peu partout, là où il ne faut pas ! Enfin bref, un espion qui désire savoir qui vous êtes et ce que vous plannifiez ici, à Américh."

Un court silence accueillit cette déclaration. Finalement, Ivy fut la première à réagir.
"Un espion ? Comment saurait-il quelque chose sur... ? Nous nous sommes suffisament occupé des informateurs d'Américh pour qu'ils gardent le silence jusqu'à la fin de leurs vies.
– Manifestement, il y a tout de même quelqu'un d'assez téméraire pour enquêter... répondit Vince.
– Serait-il possible que l'Inquisition se doute de quelque chose ?
– Nous ne savons pas. Mais nous connaissons son nom : Ernst. Et il fait plutôt couleur locale, je dirais. Ça ne m'étonnerait pas qu'il travaille pour quelqu'un d'autre."

L'homme dans le fauteuil restait silencieux, plongé dans ses méditations secrètes. L'Inquisition ? Ou bien, autre chose ? Les services secrets de l'Empire auraient dû rester dans l'ignorance normalement. Il était hautement improbable que l'Alliance Azur fasse quoi que ce soit pour contrer ses plans, et il en allait de même pour les templiers de Tol Rauko. Qui donc ? Le Consortium ?
Finalement, il sortit de sa réflexion et jeta un regard à ses hommes de main.

"Piotr."
Le colosse remua presque imperceptiblement.
"Retourne à ta tâche comme d'habitude. Ne change rien à ce que je t'ai déjà dit. S'il y a du changement, je te ferais parvenir de nouvelles instructions."
Le dénommé Piotr se tourna sur lui-même, remuant ainsi une grande brassée d'air qui manqua d'éteindre la bougie, et sortit de la pièce sans piper mot.

"Alessandro."
L'homme doté de l'apparence moins impressionnante que celles de ses camarades réagit à l'évocation de son nom. Il était de loin le plus habile de tous. Si on lui en donnait l'ordre, il aurait pu raser une ville entière. Il était également une pièce maitresse dans l'échiquier.
"Occupe-toi du curieux et découvre d'où il vient et quelles sont ses raisons d'enquêter sur moi. S'il ne se montre pas coopératif, ne perd pas ton temps."

Vince, surpris, décroisa aussitôt les bras.
"Quoi ? C'est Alessandro qui s'en charge ? Je peux tout aussi bien le faire ! Je m'étais réservé ce plaisir !
– Non, Vince... J'ai besoin de toi ailleurs. Tu ne danseras pas avec cet homme, mais je saurais te trouver quelqu'un à ta hauteur. En attendant, j'ai besoin de toi... en tant que Louis."
L'homme de main parut incroyablement dépité, comme un chat à qui on aurait retiré une souris qu'il venait de capturer.

"Wei-Hong."
Le shivatien se redressa immédiatement.
"Je voudrais que tu surveille les mouvements des vieillards du syndicat. Je ne voudrais pas que notre cher Adamsky nous fasse défaut. Assure-toi qu'ils ne se doutent de rien et emmène avec toi Vince-Louis. Vous savez quoi faire si jamais les trois ne se conforment pas à nos attentes.
– Tout à fait monsieur, répondit le ryuan.
– Alors vous pouvez disposer."

Alessandro, Wei-Hong et Vince quittèrent la pièce pour exécuter les missions qui leur avait été attribuées.
Il ne restait plus qu'Ivy, dissimulée dans l'ombre.

"Ivy.
– Oui ?
– Je sais bien que tu viens d'être relevée mais cet homme qui fouille dans nos affaire me dérange. Je n'ai pas confiance en ceux qui t'ont remplacé dans ton travail. Tu es la meilleure pour tout ce qui concerne les missions de surveillance et tu saurais défendre les entrepôts convenablement.
– J'ai compris. Je part immédiatement. Si ce fameux Ernst se montre aux entrepôts, il n'aura pas le temps de mettre un pied devant l'autre qu'il sera déjà mort.
– Merci Ivy. Je savais que je pouvais compter sur toi."

La femme se faufila par la fenêtre par laquelle elle était entrée. En moins d'une seconde, elle avait disparu et la fenêtre était comme fermée de l'intérieur. Elle réajusta sa combinaison noire et se projeta sur le toit du bâtiment. Depuis son poste, elle scruta rapidement les rues guettant le moment idéal pour se déplacer sans être remarquer. Dès que son instinct lui signalait une absence de danger, elle sauta rapidement sur un toit voisin et atterrit sans faire le moindre bruit. Puis elle continua son trajet en utilisant les murs, les gouttières, les parapets et balcons sans jamais poser le pied au sol.

Même si c'était pénible pour elle de l'admettre, elle devait bien reconnaitre qu'elle éprouvait des sentiments pour son employeur. Qui aurait pu le lui reprocher après avoir vu celui-ci et discuté avec lui ? Était-elle amoureuse ? Comment en être sûre ? Si c'était le cas, lui rendrait-il ses sentiments ? Éprouvait-il la même chose qu'elle ?
Ivy chassa ces pensées de son esprit. Elle ne pouvait pas se permettre de penser ainsi. Quels que soient les sentiments qu'elle lui portait, elle devait tout garder pour elle. Bardley était quelqu'un de... pur. Parfait. Tandis que elle n'était qu'une souillure et une médiocrité humaine sans importance. Les origines de l'existence de Bardley devait se trouver dans un décret divin tandis qu'elle ne devait sa naissance qu'au hasard seul. L'aimer ouvertement ne reviendrait qu'à le souiller et lui trancher les ailes. Elle ne pouvait pas se le permettre. Sa vie n'était rien et son existence une simple erreur. Le seul moyen pour elle d'acheter un peu de valeur était de servir Bardey et donner sa vie pour lui. Car, en vérité, il était probable qu'il ne ressente rien pour elle.
Et lorsqu'elle mourrait à son service, elle trouverait sans doute la satisfaction qu'elle désirait tant...

vendredi 5 février 2010

Rush tha boat !

29/01/2010

Alors que Paola est occupée à convaincre les derniers sceptiques qui refusent de voir des marins à pull rayé appeler au secours sur le lointain bateau que nous avons aperçu (et que Kurt, par pur anticonformisme, tente de les persuader du contraire avec un succès mitigé), Nalya ne perd ni son temps, ni le nord, et passe en forme astrale pour aller voir qu'est-ce qui s'passe là-bas. Elle a l'élégance et la bonté de garder la communication mentale active avec Paola, histoire de pouvoir donner des nouvelles du front en temps réel. (Je capte ! Je capte plus ! Et là, ça capte ?) Son corps inerte reste dans sa cabine pendant qu'elle file à toute vitesse, invisible et silencieuse, au-dessus des flots. Le bateau échoué est à 300 mètres du nôtre ; c'est l'affaire de quelques secondes.
Exploration : Nalya va découvrir un bateau tout ce qu'il y a de plus normal à première vue, désert, qui n'a apparemment pas été quitté dans la panique la plus totale. Quelques chaloupes manquent. Il n'y a pas de cadavres par terre, ni rien de trop glauque. En descendant dans les cabines, elle trouve des couches défaites mais rien de spécial, du moins au premier niveau. Le niveau au-dessous comprend d'autres cabines, mais différentes (plus confortables, mieux garnies) ainsi que des salles de classe et des laboratoires. Apparemment, il y avait des scientifiques à bord. Les tableaux des salles de classe sont recouverts d'un charabia mathématique incompréhensible. Paola demande par la pensée des précisions sur les labos (Maths ? Physique ? ... biologie ?...), soudain prise d'une pensée assez désagréable, mais n'obtient rien qui lui permette de confirmer ou d'infirmer ses doutes. Au niveau encore au-dessous, Nalya découvre d'autres laboratoires pleins d'outils étranges, ainsi qu'une pièce où se trouvent des casiers avec des noms dessus, et par laquelle on accède à une salle "spéciale". Paola, qui est retournée dans sa cabine, note les noms sur un quelconque bout de carnet, et attend la suite en se rongeant les ongles. Sur la porte qui mène à la salle "spéciale", un tableau est cloué, avec des instructions :
1) Ne jamais laisser la porte ouverte plus de trente secondes.
2) Suivre les règles de sécurité qui vous ont été transmises.
3) Ne jamais entrer seul dans la pièce.
Nalya traverse la porte, et peut voir un autre labo, mais équipé différemment, avec une autre porte au fond, sauf que celle-ci est en métal, noire, et ferme comme celle d'un coffre-fort. (Avec une sorte de grosse manivelle) Elle va voir cette porte et, surprise, ne parvient pas à la traverser, malgré son état ectoplasmique (à Nalya, pas à la porte). Continuant d'explorer, elle repère dans un coin une pierre noire, taillée dans une matière similaire à la porte. Elle la soulève par télékinésie, et parvient à identifier une vertèbre, mais en métal, noire, et pas humaine. Animale.
Par la suite, elle va regarder à l'intérieur des casiers. Dedans se trouvent des combinaisons, des masques respiratoires, des gants et d'autres accessoires du même tonneau. Paola, de plus en plus stressée, sort de sa cabine, rejoint Virgil sur le pont et lui demande si, lui, il perçoit une activité magique là-bas. Apparemment, c'est trop loin. Elle demande donc à Nalya si elle peut ramener la vertèbre pour jeter un oeil. Celle-ci fait sortir l'objet du bateau échoué aussi discrètement que possible, et la ramène en passant par sous l'eau. Profitant de ce que tout le public s'est amassé sur le bord droit, Paola va s'appuyer au bastingage gauche, et bientôt sort de l'eau une grosse vertèbre noire et humide qui va toute seule se loger au fond de son sac. (merci la télékinésie) Ceci fait, elle se dirige avec Virgil vers sa cabine, notant au passage que la chose pèse son poids.
Et pis là, on tente infructueusement d'identifier le bidule. Tout d'abord, Paola, tenant dans ses mains la vertèbre, se dit que non, il n'y a aucune magie là-dedans, puis Virgil, tout panique, lui annonce que c'est un métal qui absorbe la magie, et qu'elle va se vider si elle reste en contact. Petite frayeur. Paola lâche la vertèbre, la récupère dans le sac et la pose sur son lit. Puis elle se remet à l'observer attentivement, et elle comme Virgil finissent par se rendre compte qu'il a dit une connerie, et que ce machin est décidément aussi magique que Zacharias est chaleureux. Cependant, une chose reste étrange : même incorporelle comme une pensée abstraite, Nalya ne peut pas traverser cette matière. Expérience, donc : Paola transforme sa chair en pure énergie magique et, ainsi intangible, tente d'attraper la vertèbre. Et là, surprise de nouveau (mais moins que la première fois, faut pas déconner) : elle peut la soulever dans cet état.
Nalya, retournée au bateau échoué, explore la cabine du capitaine, et finit par trouver le journal de bord. La dernière page déplore le mauvais temps, fait état du fait que le bateau est échoué, et il est dit que celui-ci est abandonné temporairement. Quelques pages auparavant, entre deux considérations météorologiques, le capitaine relate l'embarquement. Il y a bien une équipe de scientifiques, qui sont tolérés sur ce navire car ils payent leur voyage assez cher. Cependant, une chose reste agaçante : ni les marins ni le capitaine ne sont autorisés à pénétrer dans les cales. (là où se trouve la porte blindée, donc.)
Virgil et Paola, surtout cette dernière qui trouve ça vraiment pas net et se pose un certain nombre de questions sur cette matière et sur l'identité des "scientifiques" qui faisaient là leurs étranges expériences secrètes, (Nan mais je sais mais faut la comprendre, quoi, la dernière fois qu'elle a vu un labo clandestin, elle a trouvé dedans une bande de nécros décharnés occupés à faire le mal comme il se doit, et qui depuis lui collent au fesses comme un essaim d'abeilles tueuses sur un coquelicot paranoïaque !) prennent la décision de franchir les trois cent mètres de mer qui les séparent de l'épave pour aller voir ça, parce que nom de Dieu, décidément, c'est carrément trop chelou. Paola les téléporte donc directement derrière le bastingage du bateau échoué, et ils rampent en direction des cabines. Des acclamations provenant de l'autre bateau et des barques mises à la mer parviennent à leurs oreilles : Virgil s'est fait voir. L'hôtesse fantomatique Nalya les guide jusqu'aux labos.
Mais au fait, où est Kurt ?
Eh bien, après que Paola l'a quitté pour aller se morfondre dans sa cabine en écoutant les nouvelles catastrophiques annoncées sur Radio-mentaliste, Kurt a repéré dans la foule un personnage soucieux, qui se trouvait être notre cher singe glabre larvaire aux cheveux bouclés. Celui qui nous observait bouffer. Il l'a abordé avec sympathie, mais celui-ci l'a envoyé chier. (De toutes façons, un sourire de Kurt signifie soit qu'il projette de vous égorger et qu'il s'en réjouit d'avance, soit que, lubrique, il espère pouvoir tirer de vous mieux que de l'or et des entrailles) Vexé, mais pas découragé par cette attitude atrabilaire, il l'a suivi discrètement (autant dire qu'il faisait autant de bruit qu'un grillon mort dans un caisson insonorisé) jusqu'à la cabine du capitaine. Là, écoutant à la porte, il arrive à suivre la conversation. Le mec aux cheveux bouclés se présente, annonce qu'il bosse pour une compagnie commerciale connue, que le bateau échoué leur appartient probablement et qu'il transportait un chargement précieux. En clair, si toi collaborer, alors sousous dans la popoche. Sousous dans la popoche ? demande le capitaine, soudain vivement intéressé. Toutafay, répond l'autre. Beaucoup sousous dans la popoche ? Beaucoup sousous avoir la compagnie ? Ah ben oui, compagnie s'appeler Providence ! Hooouuu làlà ! Providence, la multinationale ? Oué. Alors tu vois, moi pas rigoler, toi y'en a gagner much much sousous dans la popoche si toi y'en a pas faire de blagues.
Le capitaine réfléchit en se caressant la barbe (et Kurt l'entend !) puis demande à l'autre s'il désirerait accompagner l'équipe de secours sur le bateau échoué, dans l'hypothèse où il en enverrait une. Naturellement, oui... À ce moment, le capitaine demande au type bouclé de sortir pendant qu'il prend sa décision, et Kurt s'écarte vivement de la porte, disparaissant rapidement de la place, aussi furtivement qu'un chat particulièrement furtif.
Par la suite, voyant que sont mises à la mer des barques destinées à aller secourir les marins échoués, Kurt se dirige vers le côté gauche du bateau et descend à l'eau avec son grappin. Il le récupère, puis se dirige en nageant vers l'autre bord. Au moment où les barques s'apprêtent à partir, il plante son grappin dans la planche d'équilibrage de l'une des embarcations, sous la ligne de flottaison, et s'y cramponne en ressortant régulièrement la tête de l'eau pour pouvoir respirer.
Les marins ne le remarquent pas (c'est pratique d'avoir un score de discrétion si haut que vos meilleurs amis vous prennent pour un motif du papier peint.) et après une dizaine de minutes à ce rythme, il parvient à son tour au bateau échoué. Les marins envoient des grappins et escaladent la coque. Kurt essaie de faire de même, mais après avoir failli s'éborgner, grimpe à la corde laissée par un des marins pour atteindre la pont.
Pendant que l'assassin fait des exercices d'apnée, Virgil et Paola ont eu le temps de descendre dans les laboratoires, de les fouiller très sommairement, puis de rejoindre la porte noire en bas. Paola demande par la pensée à l'esprit de Nalya s'il ne peut pas ouvrir la porte à distance, puis se rappelle des instructions, et elle et Virgil vont se vêtir avec les masques/combis/gants. Ensuite seulement, ils s'approchent pendant que Nalya actionne le mécanisme à l'aide de ses pouvoirs télékinétiques.
La porte est particulièrement épaisse (une bonne vingtaine de centimètres) et l'air est aspiré à l'intérieur alors qu'elle pivote lentement sur ses gonds. Dedans, il fait noir, mais Paola discerne (parce qu'elle voit dans le noir, c'te blague !) des formes humaines à l'intérieur. Une dizaine de personnes sont recroquevillées comme des singes étiques au fond du coffre. À ce moment-là, pour voir à son tour, Virgil génère une haute flamme au creux de sa main, ce qui fait réagir les prisonniers. Ils se redressent avec lenteur et approchent, révélant leur véritable apparence : là, il manque un oeil, ici, un lambeau de chair. Ces types ne sont pas tout à fait ce qu'on peut appeler vivants. De plus, une silhouette plus haute que les autres est à présent visible. Elle était cachée par les corps morts quelques secondes auparavant, mais Paola frissonne en reconnaissant la créature abominable qu'elle a malencontreusement aperçue quelques mois plus tôt dans un laboratoire clandestin. À ce moment-là, elle était désassemblée, mais on dira ce qu'on voudra : la voir en vrai, c'est autre chose.
...
Pour info : trois mètres de haut, une silhouette maigre avec des bras de gorille complètement disproportionnés, aucune peau sur les muscles et une petite tête bizarre.
Je me demande si, maintenant, on referme la porte et on disparaît, ou si on crame la gueule de ces abominations avant d'éliminer tous les témoins (Kurt se fera un plaisir de nous aider) et de rentrer en barque...

Suite la semaine jouxtant celle-ci sur le calendrier.

Sur l'eau

22/01/2010

- Au cours des quelques jours qui suivent, nous nous occupons comme nous le pouvons sur le bateau. Trois évènements viennent troubler la douce monotonie du voyage.
- Le premier : un soir, à l'heure du repas, les plus vigilants d'entre nous (Maladresse n°1) s'aperçoivent qu'un avorton tout pâle aux cheveux gras, noirs et bouclés nous observe l'air de rien. Rapidement, on se met au courant. Paola demande alors à Kurt d'aller aux toilettes le temps qu'elle utilise son image à des fins commerciales. Quelques minutes plus tard, arrive du chemin des toilettes le même Kurt, même âge, même taille, même sale trogne de paria du Dwanhölf, même fumet de meurtre accompagnant ses pas. La seule différence, c'est que celui-là n'existe pas. Ce faux Kurt vient s'asseoir à la table de ses authentiques compagnons de route et se montre aussi malpoli que le vrai l'est d'habitude. Paola demande à Nalya si elle peut lui parler, et une fois la connexion faite, lui explique que le machin blond qui se tient là, devant, est aussi réel que la douceur de Myllenia, avant de lui demander de prévenir Kurt (le vrai, celui qui est aux chiottes) pour qu'il ne bouge pas de là où il est. Elle parvient à le localiser, puis à établir la connexion avec lui pour l'avertir.
Le faux Kurt se lève au bout de quelques minutes et quitte la pièce. Cinq ou six personnes lèvent brièvement la tête, dont notre homme, qui ne lève malheureusement pas son cul pour le suivre. (Parfois, oui, parfois, j'élabore des plans qui ne servent absolument à rien.)
Le repas se finit doucement. Finalement, les gens se lèvent les uns après les autres, et le mec frisé déserte la table d'où il nous jetait des coups d'oeil. Histoire de voir, Paola le suit discrètement en se vêtant d'un masque illusoire (Maladresse n°2) et recommence après que Nalya lui ait confirmé par la pensée que non, elle n'a pas exactement la tête de Clark Gaibeule, là. L'aboutissement de cette filature imparfaite se trouve être la chambre numéro 37, dans laquelle l'inconnu disparaît sans verser une larme.
La discussion mentale se poursuit. Kurt refuse malheureusement de sortir des toilettes, parce que merde, quoi, tout ça lui a donné envie. (une manière modérément polie de dire que la seule chose qui le fait plus ch. que les femelles, ce sont les paranoïaques...) Nalya rejoint sa chambre, s'allonge et extériorise son esprit pour aller espionner le frisé. Elle ne peut résister à l'envie de faire une blague stupide à Paola pour lui faire peur, mais celle-ci reste de marbre. (Impassibilité = Successful !) Par la suite, elle viole sans la moindre gêne l'espace intime du suspect, en passant, invisible et intangible, à travers la porte de la chambre numéro 37. L'intérieur est alors méthodiquement fouillé et observé. Le bonhomme est en train de lire un livre passionnant, qui ressemble à un morceau d'encyclopédie. Il est rendu à la page qui traite de l'anatomie des chevaux. Nalya se met alors, faute d'avoir mieux à faire, à lire par-dessus son épaule après avoir jeté un oeil à la surface de son cortex et s'être assurée que non, il n'a pas développé de pouvoirs mentaux. On considère alors l'alerte passée. Paola s'autorise à respirer.
- Le second évènement : Au cours du voyage, Néro se lie (d'amitié, d'intérêt ?) avec les deux gamins asiatiques qui traînaient sur le pont et s'extasiaient devant la faux de Zacharias au moment du départ. Dans la semaine, il nous en parle un peu et nous explique que lui et les gamins s'apprennent mutuellement des trucs par rapport à ce qu'ils appellent le "ki". Un frère et une soeur, faux jumeaux, quatorze ans et tous les deux en voyage. Ils ont laissé leur maître au pays, à Varja. Notamment, le frère est capable de voir les auras des gens, et c'est d'ailleurs comme ça qu'il a repéré le groupe. (après avoir miraculeusement fait 100 aux dés pour résister aux sorts de dissimulation prévus) Selon lui, l'aura de Néro, annonce celui-ci avec orgueil, est la plus "forte" de toutes les nôtres, même si nous en avons tous une plus prononcée que la moyenne. Le môme est capable de ressentir la présence des gens à travers les murs, par exemple, et également de déterminer la couleur de l'aura. Ainsi, celle de Néro est Jaune (d'ailleurs, il accumule du ki pour le montrer), celle de Virgil, noire (avec un côté... embrasé) et celle de Kurt, violette.
Nous avons l'occasion de rencontrer les deux 'tiots, qui nous font sur le pont la démonstration (en présence d'une sorte de samurai avec Katana, Wakisashi et air pas commode affichés) de ce que ça donne lorsqu'ils extériorisent leur aura. En quelques minutes, vazi que ça pète les effets son et lumière, avec les vagues, le vent, l'aura rouge de la fille (Suzumi) et l'aura jaune du garçon. (Mokoto) Ils finissent par arrêter pour ne pas endommager le bateau. Dixit la gamine : "Quand notre maître il fait ça, ça fait des crevasses dans le sol !"
Du coup, Nalya fait léviter une dague devant leurs yeux, histoire d'impressionner ce p'tit con qui vient de lui dire qu'elle avait une aura carrément faiblarde. (bleue) On apprend, par ailleurs, que l'aura du type frisé‚ qui nous observait l'autre soir est de la même couleur que celle de Kurt (ce qui est VACHEMENT rassurant) mais plus faible. Paola, assez inquiète d'apprendre qu'on peut la pister les doigts dans le nez simplement à la couleur de son aura, demande quelques précisions à Mokoto sur le fonctionnement de cette capacité et se livre à quelques expériences (du genre accumuler du zéon) en lui demandant si ça se voit, si c'est flagrant, et si, quand je fais ça, ça se voit aussi. (Son aura à elle est rouge, au fait)
- Troisième et dernier ‚évènement : un peu plus tard, lors du voyage, il y a un mouvement de foule (de petite foule, hein) sur le bateau, alors que les gens scrutent les flots. Un bateau est échoué à quelques encablures. Nalya se dirige en vitesse vers sa cabine avec dans l'idée d'aller voir ce que ça donne en forme astrale, tandis que sur le pont, Paola cherche à apercevoir des marins ou quelqu'un de vivant sur la carcasse lointaine. (Maladresse n°3, eh oui...) Elle y parvient donc, et mieux, arrive à convaincre une partie de ceusses qui regardent avec elle que des survivants, il y a, et qu'aller les chercher, il faut.

La suite, ça vient.

Need for speed

19/12/2009

Un fou ! Un malade mental, c'était la seule explication. Yuriko essayait de contenir sa panique, mais ne voyait aucune issue possible. Louis... Ou Vince Louis, avait un grand sourire aux lèvres, et se moquait éperdument de ses tentatives de conciliation. "Tu ne veux pas danser ? demanda-t-il d'une voix démente, en rangeant l'une de ses armes, avant de se mettre à jongler avec l'autre.
- Rengainez ce machin, et je marche. Un tango, ça vous dit ?" Des flammes incolores léchaient toujours le métal de son épée. Yuriko ne la lâchait pas des yeux, et pourtant, elle avait le sentiment qu'elle pouvait se dérober à son regard à chaque instant. Elle tâta sa blessure du bout des doigts. Le coup avait brûlé à la fois sa chair et son aura, et ça, c'était alarmant, même si l'entaille n'était pas très profonde. C'était bien pire que si seul son corps avait souffert, en cela que c'était incompréhensible : il ne lui était tout simplement jamais arrivé de ressentir une véritable douleur d'origine non physique.
Soudain, Vince, comme s'il comprenait, cessa de jouer avec son épée et la rangea dans son fourreau. Il ne semblait nullement déçu, au contraire, on aurait dit qu'il prenait tout cela pour un jeu. À présent désarmé, il se mit à danser sur un sol imaginaire sans cesser de regarder Yuriko, qui cherchait toujours un moyen de s'enfuir sans avoir à lui tourner le dos. Timidement, elle fit mine de lui tendre la main, pour le cas où il aurait vraiment voulu danser avec elle, mais se ravisa bien vite : sa "danse" n'était en fait qu'un assortiment de postures de combat très clairement belliqueuses. Le problème, avec les fous, c'est qu'ils sont complètement imprévisibles. "Allons, viens danser !" lança-t-il avec une légère irritation dans la voix. Que faire ? Il était complètement dingue, et même s'il avait envie de jouer, il ne lui laisserait pas la vie sauve. La différence avec un individu normal, c'est qu'elle n'avait pas le recours de la négociation et, dans la mesure où le rapport de force lui était défavorable, il n'y avait pas beaucoup de chances que, seule, elle survive à cette confrontation. Pour tout dire, Yuriko se sentait vulnérable. Ce type était comme un chat ayant l'intention de s'amuser avec sa proie : quelle que soit la durée du jeu, tous deux savaient comment il finirait.
Sans plus attendre, elle fonça dans sa direction. En une fraction de seconde, elle fut sur lui et porta plusieurs coups mortels qu'il évita souplement. Au quatrième, qui aurait au moins dû lui déboîter l'épaule, il disparut subitement. Le temps sembla s'allonger un instant. Soudain, Yuriko sentit derrière elle un trouble, comme un mouvement d'air ou une onde venant perturber son aura, et fit un mouvement brusque vers le haut.
Vince lui fit un grand sourire. Ses mains étaient entourées d'un halo tremblotant de chaleur. L'image était déformée tout autour, à cause de la température. Cette fois, c'était pas passé loin. Yuriko tapota le tissu de ses vêtements pour en éteindre les scories incandescentes, tout en cherchant à comprendre comment Vince avait pu lui échapper aussi facilement. Pourtant, elle y était allée à fond ! Sans lui laisser le temps de souffler, il fit une brusque accélération. Elle eut à peine le temps de le voir qu'il avait déjà franchi la quinzaine de mètres qu'elle avait mis entre eux deux, et à nouveau disparu de son champ de vision. Sentant venir le coup, elle plongea vers la gauche, évitant ce qui n'était probablement rien de moins qu'une mort certaine. Le crépitement des flammes qui léchaient à présent les avant-bras de Vince passa tout près de son oreille. Profitant de l'occasion, Yuriko s'éloigna de lui et redescendit le plus vite possible en direction de là où elle avait laissé les autres. Du coin de l'oeil, elle remarqua que de nombreux soldats se livraient bataille les uns contre les autres dans le jardin ceinturant la propriété Adamsky. Sans s'attarder, elle pénétra dans la maison par la fenêtre béante.
La pièce qu'elle avait laissée quelques secondes plus tôt était dans un état lamentable. Cependant, elle n'eut pas vraiment le temps de s'attarder sur les cadavres qui traînaient ici et là, pas plus que sur le type au regard vide qui était assis dans le canapé : elle avait la mort aux trousses. Elle fit volte-face juste à temps pour apercevoir du coin de l'oeil Vince passer par la fenêtre à sa suite, avec moins d'une seconde de retard. Il fit un plongeon dans sa direction et, affectant de prendre appui sur le sol alors qu'ils flottaient tous les deux un mètre au-dessus, effectua un saut périlleux pour passer derrière Yuriko. Elle s'écarta brusquement, s'arrachant à l'étreinte brûlante des mains enflammées. Des traces noires zébraient à présent sa chemise orange. Si la situation s'y était prêtée, elle aurait peut-être souri en reconnaissant là un motif tigresque du plus bel effet. Au lieu de quoi elle continua d'essayer de se dérober aux coups tout en cherchant une solution. Hé, il n'y avait pas moyen d'arrêter ça ? demanda-t-elle sans grand espoir. Parce que là, c'était lourd, hein, comme petit jeu... Vince ne répondit pas. Il riait silencieusement, sans cesser d'accélérer et d'essayer d'attraper sa proie. Sur son visage se lisait l'extase la plus pure. La porte s'ouvrit soudain, et Mannrig fit son apparition. Il leva son arc, flèche encochée, mais sembla hésiter. Yuriko jeta un coup d'oeil dans sa direction. Il était peut-être sa seule chance de s'en sortir. Il fallait que... Mais où était l'autre ?
Une seconde plus tard à peine, il l'avait agrippée. Elle se tortilla violemment, dopée par la douleur, et se dégagea. Le bras de sa chemise avait presque entièrement brûlé. La trace des doigts de Vince s'était imprimée sur sa peau, comme une griffure noire. "Regarde comme elle est agile !" s'exclama-t-il avec joie en la poursuivant dans toute la pièce, essayant de l'attraper et de la frapper alternativement. À qui parlait-il, ce taré ? Ils se déplaçaient à toute vitesse entre les quatre murs, jouant au chat et à la souris sans se soucier de rien d'autre que de leur proie ou prédateur respectif. S'il avait simplement voulu la tuer, sans prendre le temps de s'amuser, il aurait déjà eu dix fois l'occasion de le faire. Elle n'osait pas regarder ailleurs. Pour le perdre de vue à nouveau ? Non merci.
Malgré le stress et l'odeur de brûlé qui lui collait aux basques, Yuriko finit par remarquer qu'un autre individu était entré dans la pièce, et comprit qu'elle ne devrait pas compter sur l'aide du sauvage dans sa situation : des dards métalliques et des flèches volaient un peu partout, alors que Mannrig et le shivatien échangeaient des dizaines de projectiles flous. Il aurait fallu qu'elle s'en sorte seule. Ce que, précisément, elle ne pouvait pas faire. Peut-être Léander pourrait-il l'aider ? Ou bien était-il déjà mort ? Après tout, si ces deux tueurs étaient là, rien ne permettait d'affirmer qu'ils étaient seuls.
Au moment où Yuriko pensait cela, Vince fit un brusque mouvement dans sa direction et, s'appuyant sur le genou de son adversaire pour faire une étrange cabriole, passa au-dessus de son épaule avant de se faufiler derrière elle. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'une odeur de barbecue se fit sentir en même temps qu'une vive douleur quelque part au milieu de son dos. Elle fit un écart en se retournant et évita les quelques coups suivants du mieux qu'elle pouvait. Rester calme. Ne pas faire d'erreurs. La perspective de mourir ici, et surtout maintenant, ne l'enchantait vraiment pas. D'un autre côté, elle ne pourrait peut-être pas l'éviter. Il lui fallait attendre le moment opportun pour s'échapper. Elle sentait que son aura blessée lui réclamait de faire cesser tout ceci immédiatement. C'était assez étrange : pour la première fois, elle semblait s'agiter d'elle-même, comme si l'impact l'avait légèrement détachée. Bien sûr, la douleur physique et celle de son aura coïncidaient, mais on aurait dit qu'elles venaient de deux endroits différents.
Curieusement, elle ne s'attarda pas à étudier ce phénomène, par ailleurs passionnant, et continua à se concentrer sur son adversaire pour éviter de laisser à celui-ci trop d'opportunités de lui faire la peau. En y réfléchissant, non, il n'y avait pas vraiment de solution. Elle n'avait donc qu'à essayer de survivre le plus longtemps possible en évitant les coups les plus violents, dans l'attente d'un miracle.
À peu de choses près, c'est exactement ce qui arriva. Alors qu'elle bougeait dans tous les sens pour éviter de se faire attraper par le dingue aux doigts ardents, un drôle de pépiement la déconcentra. Aussitôt, il fonça dans sa direction, mais elle réussit à l'éviter au dernier moment. Des dizaines d'oiseaux de toutes sortes entraient par la fenêtre en continu. La plupart d'entre eux venaient encercler Vince qui, incompréhensif, cherchait à s'en dégager. C'était le moment. Profitant de ce qu'il n'était pas libre de ses mouvements, elle fondit sur lui et le frappa à plusieurs reprises, de toutes ses forces, cherchant à l'handicaper au niveau des membres supérieurs. Avec une certaine satisfaction, elle sentit plusieurs de ses coups porter, puis le nombre de volatiles devint trop imposant, et Vince disparut sous les plumes. Il y avait à présent plus d'une centaine d'oiseaux dans la pièce, et ceux-ci faisaient un bruit infernal. C'était une vraie volière.
Au bout de quelques secondes, un corps inerte tomba de la masse des piafs et s'écrasa tristement au sol. Yuriko ne prit pas le temps d'aller voir et se dirigea vers le shivatien. Elle avait encore un peu de ressource, même blessée et épuisée comme elle l'était. De plus, à présent que Vince ne la menaçait plus directement, elle n'avait plus besoin d'y aller à l'économie.
Cependant, alors qu'elle tentait de l'attraper par la peau du cou pour lui intimer l'ordre de calmer le jeu, il se déroba et lança une autre de ses aiguilles, traçant un fin trait rouge à la surface du bras de Yuriko. Il était vif, le bonhomme, et sans aucun doute salement dangereux lui aussi. Une flèche passa entre eux deux, et se planta jusqu'à la hampe dans le plâtre du mur. En colère, elle tenta à plusieurs reprises de neutraliser le shivatien sans y parvenir. Il bougeait vite, même s'il lui semblait presque statique comparé aux acrobaties de Vince, et le contact de ses pointes de métal était horripilant. Soudain, alors que le sauvage approchait en dégainant son épée, elle se jeta sur leur adversaire dans une brusque accélération et le força à relever la tête en tirant sur les cheveux, avant d'étreindre sa nuque de l'autre bras. "Et maintenant ? demanda le shivatien, sans laisser tomber son imperturbable sourire.
- Maintenant, tu vas pas bouger... fit-elle à toute vitesse, et moi, je vais réfléchir !" Bien, alors, qué pasa hoy ? Elle remarqua que son shivatien avait changé de tenue, et qu'il était assez gravement blessé. Sur le blanc de ses vêtements, des auréoles sanglantes s'agrandissaient. Une colonne d'oiseaux se tenait au milieu de la pièce, cachant le cadavre de Vince aux regards indiscrets, Wirostek, encore vivant quelques secondes plus tôt, était à présent hérissé de flèches comme tous les autres éléments de décor, et la pièce dans sa globalité ressemblait à Constantinople après le passage des croisés. "Lâche tous les objets piquants que tu as sur toi." ordonna-t-elle à son prisonnier, qui n'en fit rien. L'arme à la main, Mannrig s'approcha du rideau d'oiseaux, qui s'ouvrit brusquement sur ce qu'on peut appeler une très mauvaise surprise. Le sauvage fit un bond en arrière pour éviter l'épée chauffée à blanc de Vince et, essayant de contenir sa panique, Yuriko gueula que non mais ho tout le monde se calme sinon le chinois, elle allait lui broyer les cervicales. Comme s'il venait de la remarquer, Vince Louis se tourna vers son collègue et, sans se démonter, annonça "Désolé Wihong, mais tu sais comment ça marche. Bardley passe en premier." avant de reporter son attention sur Mannrig. "Tu as d'excellents amis, chuchota-t-elle à l'oreille de Wihong.
- Vous allez donc devoir me tuer, dit-il, tout sourire. De toutes façons, si vous me relâchez, je me verrai contraint d'agir selon les intérêts de Bardley.
- C'est sympa de me prévenir, mais pourquoi une telle fidélité ?" Il ne répondit pas. "Tant pis pour mes études de médecine" fit-il, résolu. Ah, mais non alors. D'abord, elle n'avait pas personnellement de raison de le tuer, et ensuite, elle doutait d'en être capable, physiquement parlant. Pour ainsi dire, Yuriko était au bout du rouleau. La situation n'aurait pas pu plus mal tourner. Le fou était toujours vivant, l'otage ne lui était d'aucune utilité, et elle n'avait même plus la force d'essayer de s'enfuir.
Histoire d'enfoncer le clou, elle avait maintenant droit au coup de l'étudiant dépressif qui lui demandait l'euthanasie. Un vague sourire se dessina sur ses lèvres. Elle ne lui ferait pas ce plaisir. D'un geste efficace, elle fit pression d'une main sur l'épaule de Wihong et tira brutalement de l'autre main, dans l'espoir de lui déboîter le bras. Ceci fait, elle recula légèrement en lévitant, et il s'écroula face contre terre. Perplexe, elle fronça les sourcils : tout ça pour un bras cassé ? Il devait y avoir autre chose. Le sauvage tenait bon. Vince était toujours vivant, mais à deux, ils auraient peut-être pu le neutraliser, si elle n'avait pas été dans un tel état de faiblesse. En l'occurrence, ce n'était pas la peine d'y penser : il leur faudrait impérativement de l'aide et, si cela s'avérait inutile, trouver un moyen de s'échapper en urgence.

Suite un de ces 4.

Hôtel Goodrich.

15/01/2009

- Pendant que Virgil essaie ses gants, Nalya demande au vendeur l'adresse de l'hôtel fréquentable le plus proche et celle d'un salon de coiffure. On lui indique l'hôtel Goodrich. Ils y vont. Cet hôtel est une monstruosité de luxe et de vulgarité aristocratique à tendance nouveaurichitienne. Lorsque, dans le hall (grand, le hall), ils demandent un endroit où loger l'armée (En vrac Nalya, Virgil, Néro, Myllenia, Paola, Kurt, Zacharias, Délano et Laurens), on leur propose des suites cinq étoiles dans les étages les plus élevés. Cinq chambres et deux salles de bain par suite, avec jardin et piscine. Après avoir visité, Nalya paye (élevé, le prix) et prévient par la pensée Paola que ça y est, Hotel Goodrich, sixième étage, le dîner est servi.
- Pendant ce temps, Paola s'achète un sac à dos (parce que merde, quoi, une cantinière, c'est encombrant à la longue) et Laurens fait de même avec son propre salaire. Cependant, après transvasage express, il garde la cantinière sous le bras. Au marché/bazar, chacun fait quelques emplettes, passe-partout, armes, maquillage (Saviez-vous que "maquillage" s'écrit "makijaze" en polonais, [avec normalement un point au-dessus du z] et se prononce exactement de la même manière ? Voilà, c'était pour la minute culturelle.) et galettes-saucisses. Délano, pour sa part, traîne plutôt du côté des antiquaires et des vieilles boutiques poussiéreuses, à la recherche d'on ne sait quoi. Dans l'après-midi, Paola reçoit et transmet le message de Nalya. Elle a également l'occasion de se rendre compte qu'en ville traîne un nauséabond relent de magie mal rasée.
- Après cette séance de shopping décadent, tout le monde converge (et converge, ça fait des bébés... ) vers l'Hôtel indiqué. Une fois que Nalya a terminé de se faire tripoter le cuir chevelu par une dizaine de phalanges embagousées au salon de coiffure local (onéreux, le salon, et pas chié, le coiffeur), elle retourne également à l'hôtel. En fait, avec le décalage temporel, elle arrive à peu près en même temps que les autres. D'aucuns essaient d'avoir l'air blasé devant cette débauche de luxe incommensurable, mais n'y parviennent qu'à moitié. Pudiquement, nous nous répartissons alors dans les deux suites ("pudiquement" parce que, à l'exception de Laurens, on fait pas dans la mixité) et explorons avec avidité l'étendue de notre richesse. Dans chacune des suites, il y a cinq chambres, deux salles de bain et une salle commune (pour bouffer), dans laquelle une bouteille de vin offerte par la maison attend patiemment qu'une âme charitable veuille bien lui faire un sort. On a alors l'occasion de se rendre compte que personne n'a pensé à prévenir Néro et Myllenia. Laurens envoie un groom les prévenir avec un pragmatisme dont beaucoup feraient bien de s'inspirer. Sans plus attendre, Nalya se dépèche alors de monopoliser la première salle de bain, tandis que Paola sert le vin avec une classe casanovienne et emporte son verre et son portefaix dans la seconde salle de bain pour savourer de l'un et de l'autre l'arôme et l'habileté au déduit.
- Dans la seconde suite, ça commence déjà mal quand Kurt fait un scandale (en peignoir) en s'apercevant que l'eau (courante, oui) n'est pas tiède-froide comme le veut l'étiquette, mais bel et bien tiède-chaude. Quelques grooms exaspérés lui apportent des seaux d'eau tiède-froide, mais Virgil (très joueur, Virgil), décide de les aider et de réchauffer l'eau des seaux de quelques dizaines de degrés en montant l'escalier. Voyant arriver son eau fumante, à la limite de l'ébullition, Kurt se saisit de l'un des seaux et asperge le pyromancien hydrophobe d'un gros tas de molécules désolidarisées composées d'éléments divers, tels que l'hydrogène et l'oxygène.
Et là, quelque chose se brise à l'intérieur du cerveau de notre ami.
Virgil hurle, court dans tous les sens sous l'effet de la panique, bouscule rudement un groom, ravage la pièce commune de la première suite et va se réfugier dans un coin, muré dans un délire tri-chromosomique, non sans s'être arraché la chemise et et griffé la peau là où c'est trop humide.
- Avec un profond soupir (las, le soupir), Nalya sort de sa salle de bains en peignoir et tente une approche douce en lançant des illusions psychiques au malade, censées l'inciter au calme. En fouillant dans ses souvenirs, elle retrouve l'origine du traumatisme et se demande s'il serait sage d'appuyer sur le bouton "Delete". Dans le doute, s'abstenir. Paola, Délano, tout le monde finit par arriver, la curiosité placardée à la surface des iris.
- On paye les dégâts. (une baie vitrée, un groom blessé, le papier peint dans un état lamentable...)
- Profitant du fait que Virgil est incapable de faire quoi que ce soit, Kurt commence à fouiller dans ses affaires pour lui voler ce qu'il a de précieux. Il trouve un Katana, un peu d'or, et décide, pétri de malveillance, d'aller mettre tout ce qui ressemble à du tissu au feu. Le Katana à la main, il descend alors l'escalier et aborde un groom en lui agrippant la chemise pour lui demander s'il y a une cheminée dans le coin. Le groom s'énerve et commence assez rapidement à le soupçonner d'être un voleur en peignoir, qui vient de déposséder un client. (sa tête de truand du Dwanhölf aidant) La situation s'embrouille au point que Kurt est ramené à l'étage manu militari et qu'on demande au reste du groupe s'ils connaissent ce type. Paola assure qu'elle gardera un oeil sur lui, demande de la corde à un groom, et Kurt est relâché. Cependant, au lieu de tendre les poignets en la remerciant de sa magnanimité comme un bon chien de Dwanhölfite qu'il est, il s'enfuit et gagne la rue.
- Dans les suites, après cet incident, Virgil récupère lentement ses esprits et tout le monde finit par aller pioncer. Le pyromancien se rend tout de même compte qu'il lui manque quelques affaires et descend dans la rue à la recherche d'une armurerie. Malheureusement, il recule devant les prix surtaxés de Deimos.
- De son côté, Kurt se vêt des fringues qu'il a volé à Virgil, jette le Katana dans une bouche d'égout et va dormir dans un autre hôtel en se payant la chambre avec l'argent qu'il vient de récupérer. (le seul où on l'accepte)
- Le lendemain matin, vers six heures, Néro réveille le groupe parce que "Myllenia est pressée !" et nous annonce que le bateau part très bientôt. Maussades, nous prenons un rapide petit déjeuner et quittons l'hôtel. Kurt nous rejoint par derrière et annonce, alors que personne n'avait remarqué qu'il était là, qu'à partir de maintenant, il va garder en permanence un seau d'eau à la main pour le cas où Virgil dépasse les bornes. Et ça ne rate pas, ce dernier fait une nouvelle crise. C'est moins spectaculaire : il est juste en train de baver, accroupi par terre en se tenant la tête. Alors que Kurt se fait engueuler, Néro se voit prier de porter Virgil sur son dos jusqu'au bateau, après qu'on lui a bandé les yeux pour lui éviter de voir la mer.
- Nous arrivons sur le bateau doucettement (On le reconnaît parce qu'il y a un type en noir avec une faux sur le dos qui pose pour un magazine à l'avant) et prenons possession de nos cabines après avoir donné nos noms à un certain Jaioubliésonnom. Cette embarcation est beaucoup plus grande que celle de Nikolaas, et nous ne sommes pas les seuls passagers.
- On établit alors le premier contact avec les spécimens présents.

"Qu'est-ce que vous regardez ? interrogea Pernilla avec une certaine curiosité, en se penchant au bastingage.
- L'eau, fit Zacharias sans bouger d'un poil. Je veux voir les vagues sur le bord du bateau quand celui-ci partira." Le regard rivé sur les flots vaseux du port de Deimos, elle mit quelques secondes à comprendre, du fait de l'incongruité de la réponse. Enfin, l'incongruité... Après tout, chacun ses lubies, hein ? En quoi pouvait-ce bien être plus étrange que n'importe quelle matière académicienne, honorable et utile, dans l'absolu ? Sans parvenir à détacher son regard de la ligne de flottaison, où l'eau salée avait déposé au fil des heures un fin liserai d'écume blanche, elle se fit la réflexion que c'était sans doute parce que l'intérêt que portait Zacharias à cette petite parcelle de réalité en particulier avait quelque chose d'enfantin que sa première pensée avait tenu du mépris amusé. Pour réparer cela, elle se fit un devoir de scruter attentivement les flots avec lui jusqu'à ce que l'ancre soit levée.
Au bout de quelques minutes, deux ou trois personnes les avaient rejoints pour regarder à leur tour, montrant par là l'incommensurable pesanteur de leur badauderie touristique. Deux gamins bruyants s'extasiaient en regardant la faux de Zacharias. Deux ryuan. En fait, il était impossible de déterminer leur âge, mais à en croire l'envie difficile à réprimer qu'avait Pernilla de les jeter par-dessus la rambarde dès qu'ils ouvraient et fermaient leurs cavités, surtout buccales, ils ne devaient pas avoir plus de dix ans. Elle les rabroua d'une voix qu'elle espérait autoritaire, mais ils ne l'écoutaient pas. En fait, ils n'avaient d'yeux que pour le jouet tranchant de l'Ankou. Elle s'éloigna de quelques mètres, un tant soit peu agacée, et se remit à observer, sans plus vraiment savoir pourquoi, le fil blanc qui délimitait la coque de la surface de l'eau. "Qu'est-ce que tu regardes ?" demanda Néro. Elle fit une grimace qu'il ne pouvait pas voir de là où il était. Voilà qu'elle allait passer pour une conne à cause de ce gosse en frusques noires qui regardait la mer. "J'ai vu, heu, une pièce d'or au fond, lâcha-t-elle, se rendant compte en même temps qu'elle le disait que ce n'était que très moyennement crédible, vu que l'eau était au moins aussi propre que l'esprit de Kurt.
- Une pièce d'or ? Tu déconnes ? fit-il d'un air assez étonné en se penchant sur le rebord, avant de froncer les sourcils. T'es sûre ? On n'y voit que dalle.
- Non mais en fait, on ne la voit plus, c'est un passager qui l'a perdue tout à l'heure." Elle fit une pause. "Maintenant, elle doit s'enfoncer dans la vase, voilà tout.
- Tu sais nager ?
- Mouais. Non. Trop mal.
- Moi non plus, mais si on avait une corde, je pourrais descendre." dit Néro en jetant de nouveau un coup d'œil vers les eaux grises. Par un hasard tout à fait étonnant, Pernilla avait justement une dizaine de mètres de corde dans son sac à dos, qu'un aimable employé de l'hôtel Goodrich lui avait fourni pour qu'elle attache solidement (et en faisant plusieurs fois le tour) la turbulente petite tête blonde qui les accompagnait. Après avoir insisté pour qu'elle noue la corde au bastingage, Néro commença à s'harnacher n'importe comment, de manière à être absolument sûr de se se bloquer les voix respiratoires. Elle râla un peu pour la forme et l'attacha au niveau des hanches en serrant beaucoup trop fort, mais bon, y fallait c'qu'y fallait. "Tu voulais t'étouffer, ou quoi ? Déjà, si tu arrives à te noyer, ça sera pas trop mal, si ?
- T'en fais pas, lança-t-il en lui adressant un sourire radieux, je pourrais retenir ma respiration pendant une demi-heure, au moins." Il leva le pouce comme dans un manga, histoire d'achever au canon scié toute tentative d'authenticité comportementale, et se jeta à l'eau. Cela fit un gros bruit humide pas discret du tout. Intérieurement, en regardant avec un sourire rêveur la corde s'enfoncer au milieu des vaguelettes circulaires qui s'élargissaient, Pernilla se dit qu'il faudrait lui demander pendant combien de temps il était capable de retenir sa circulation sanguine. Puis, tout de même, elle frissonna en essayant d'imaginer combien l'eau devait être froide, et se demanda si Zacharias avait vu la scène, et s'il s'en servirait à nouveau pour la rembarrer, elle et ses discours sur la camaraderie. Elle se tourna vers lui. Il était toujours courbé au-dessus de l'eau, mais rien ne permettait d'affirmer qu'il n'avait pas tout entendu. "Hé, vous ! fit une voix. Qu'est-ce que vous faites ?" C'était un marin. "Hé bien, répondit-elle en essayant d'avoir l'air de croire à ce qu'elle disait, j'hydrate mes poissons rouges. Si l'on n'immerge pas régulièrement l'aquarium dans l'eau de mer, ils dépérissent, vous savez ?
- J'ai pas trouvé la pièce ! cria soudain Néro depuis l'eau. T'es bien sûre que c'est là qu'elle est tombée ?
- Des poissons rouges..." murmura le marin en la regardant d'un air navré, à mi-chemin entre l'exaspération et l'incrédulité, avant d'aller tirer sur la corde pour remonter Néro. Elle jeta un coup d'œil vers la ville. Deimos était à quelques brasses encore, et dans une heure ou deux, elle disparaîtrait à l'horizon. Le voyage allait être long...
Soudain, comme pour lui donner raison, le bateau s'ébranla et le bruit métallique de l'ancre qu'on extirpait des flots résonna d'un bout à l'autre du pont. C'était le moment du départ.

Suite immédiatement disponible.

Deimos Dc.

11/12/2009

- Sur le bateau, nous ne redémarrons pas avant deux heures, le temps que Nikolaas se remette de ses émotions. Cela laisse le temps à Délano d'examiner un peu les plaies de ceux d'entre nous qui sont blessés, Néro et Kurt en tête, à Nalya de réintégrer son corps et à Pernilla de s'excuser brièvement auprès de Laurens pour la baignade forcée.
- Au bout d'une bonne demi-heure, le piaf refait surface, mort noyé. (comme on s'en serait douté)
- La fin du voyage se fait tranquillement, même si le capitaine se montre légèrement plus distant, et qu'il a hâte de nous quitter.
- Nalya exprime à un moment donné son désir de se pencher sur les sciences occultes. Elle se voit objecter que ce sera à la fois chiant et difficile, car elle ne possède pas le don mystique, mais si elle veut vraiment, alors il n'y a pas de souci particulier.
- Nous causons pouvoirs surnaturels divers et variés pendant un moment.
- Nikolaas nous propose de débarquer à Deimos, cité libre située sur la côte, à la frontière du Gabriel et du Phaïon, ce que nous acceptons majoritairement, parce qu'il devient de plus en plus clair que décidément, les voyages en bateau, cela ne nous réussit pas.
- Tout le groupe (volumineux !) met pied à terre, et nous disons au revoir à Nikolaas, la larme à l'oeil pour les plus émotifs, la main serrée sur la poignée d'une arme pour les plus méfiants et la tête ailleurs pour la plupart d'entre nous.
- Le port est assez large, et un vaste marché s'est avancé dessus. Les bateaux à quai sont raccordés les uns aux autres par des passerelles qui permettent de passer devant les différents étalages.
- Pernilla demande à Délano dans combien de temps nous allons repartir de Deimos. Il hésite et ne répond pas avant un moment. "Hou hou ? Toi comprendre moi quoi dire ?" Puis il finit par réagir et annonce qu'on reste pour la nuit.
- Notre employeur envoie Nalya et Virgil chercher "le meilleur hotel" où passer la nuit, et... décide soudain d'aller visiter le marché local. (pas celui qui est sur les bateaux, mais le marché terrestre) Pernilla, Laurens et Kurt le suivent pour éviter de le perdre de vue, tout en peinant à porter leur matériel. Myllenia et Néro sont chargés de nous trouver un bateau pour le lendemain.
- Laurens se permet de préciser à son employeuse que Deimos, il faut faire attention, parce que c'est une cité libre similaire à Americh où il ne fait pas bon traîner dans les rues après une certaine heure. Il importe donc de garder l'oeil ouvert.
- Nalya et Virgil décident de demander l'adresse d'un bon hotel dans une boutique d'accessoires de luxe. Ils arrêtent leur choix sur une maroquinerie, où Virgil essaie des gants.

Suite incoming.