lundi 14 décembre 2009

Acte générateur : transmettre l'étincelle de Feu divin






Louisiane, Nouvelle-Orléans

Centrale électrique de la ville
1:12 AM

J'ai presque réussi. Jusque là tout s'est correctement déroulé à quelques imprévus près. J'ai réussi à convaincre les vampires de m'aider. Leur soutien m'a été précieux. Sans eux, je n'aurais jamais pu être prêt pour cette nuit.

Je me suis installé dans la salle des générateurs avec David et Mulder. George est resté dehors, sans doute occupé à un travail quelconque. Les vigiles de nuit ont été écartés de l'opération, enfermés dans une salle non-loin. Personne ne nous dérangera maintenant.

Devant, sur un sac de morgue ouvert, un cadavre repose à même le sol. Le corps de Linny... Non, ce n'est plus Linny. Plus exactement. Si elle se réveille comme je le prévois, elle ne sera plus la même. Comme moi, elle sera une prométhéenne. Une Créée. Ma progéniture. Une compagne de ma race. Bien des mois auparavant, je n'aurais jamais pu. Un tel blasphème... Donner la vie à un corps décédé, trépassé... J'ai toujours su que ce ne serait qu'une hérésie. Mais... Je pensais également pouvoir supporter cette solitude qui étreint mon cœur... À tort. Parfois, ces derniers jours, je me disais, dans quelques moments d'errances et de décrépitude mentale, que mon Pèlerinage n'est rien de plus qu'un sentier confus menant à une destination incertaine. Quels ont été mes espoirs ? Devenir humain ? Ma conceptrice m'en avait longuement parlé. D'après elle, franchir toutes les étapes de son Pèlerinage personnel menait à une transformation alchimique. La chair morte se transforme en organe vivants et en muscles nouveaux. Le Feu Divin se transmute en âme humaine... Le plomb que nous sommes se change en or qu'est l'humanité.

Je m'avise tout à coup que je pense à ma conceptrice. Mon cœur se resserre. Comment pourrais-je lui faire confiance ? Elle qui m'a créé par unique égoïsme ! Elle savait pertinemment qu'elle me condamnait en me donnant la vie. Je n'existais que pour qu'elle puisse devenir humaine. Elle n'est pas digne de confiance et ses théories farfelues sur l'alchimie de l'âme ne me disent rien qui vaille. Il est clairement impossible qu'un Créé puisse devenir humain. Nous sommes des monstres et mêmes les créatures que l'Homme qualifie de monstre se méfient de moi. Je me souviens toujours du regard que m'ont lancé mes amis vampires quand ils m'ont vu sous mon véritable aspect pour la première fois.

Sinon, il me restait bien un autre espoir : celui de devenir fort. Suffisamment fort pour que l'on puisse m'accepter. À la manière des héros d'antan : Héraclès, Samson, Béowulf... Mes aptitudes de prométhéen devaient me permettre de gagner l'admiration d'autrui. Mais ce chemin me semble au moins aussi brumeux que celui choisi par ma "mère". Je dois le reconnaitre, je divaguais. Je suis une créature monstrueuse qui n'aurait jamais dû exister. Les humains se méfient de moi. Leur instinct leur dit la vérité. Ils répriment leur sixième sens, habitué à combattre les pulsions qui sont contraire à l'éthique de l'homme civilisé. Mais plus le temps passent, plus leur instinct se fait de plus en plus présent dans leur esprit : je suis une aberration qu'il faut combattre à tout prix. Je ne suis que source de malheurs et de tourments. Certains m'ont fui en poussant des cris de terreur. D'autres m'ont menacé.

Les vampires ont beau tolérer ma présence, ils n'en sont pas moins comme des étrangers pour moi. Et ce sentiment doit être réciproque. Ils vivent uniquement la nuit quand je marche aussi bien sous la lune que sous les rayons du soleil. Leurs forces décroissent s'ils ne se nourrissent pas de sang humain. L'énergie du Feu Divin devient de plus en plus puissante en moi à chaque nouvelle aube. Les vampires se mêlent aux humains et certains ont même acquis des capacités leur permettant de les dominer et de gagner leur confiance. Moi, les humains me fuient et cherche à échapper à ma présence.
Mais surtout, les vampires possèdent des compagnons congénères. Le fait m'a frappé quand j'ai rencontré les maîtres de David, George et Clark. Mon raisonnement s'est étayé quand j'ai conversé avec un puissant vampire haut-placé, bras droit de l'énigmatique prince vampire de la Nouvelle-Orléans. Les marcheurs de la nuit, buveurs de sang, possèdent toute une société. Ils ont de nombreux compagnons. Ils vivent groupés ensemble, soudés par des traits raciaux communs. Mais moi ? Moi ? Moi, je suis seul ! Personne à qui transmettre mon expérience de Créé. Personne qui puisse comprendre ce dont je parle quand je décris les flux qui parcourent mon corps, le Feu Divin qui se raffine, l'humeur qui circule dans mes veines... Personne pour partager les secrets des transmutations alchimiques dont je suis capable. Je suis le seul parmi mes compagnons de route qui sache exactement ce que ça fait que d'être... un prométhéen.

En vérité, je dois me contenter de la présence d'êtres qui me sont à la fois proches et étrangers. Cette ambiguïté me dérange profondément. Mes amis vampires et les humains qui vivent près de moi sont comme des proches que je connais mal ou bien des étrangers qui me sont familiers. C'est si déroutant et aliénant... Parfois, je crains d'être à deux doigts de la Tourmente qui guettent tous les Créés. Je pourrais très bien déchirer les fils de suture qui séparent en deux ma poitrine pour ouvrir mon corps et laisser s'échapper le feu volé que je transporte en lieu et guise d'âme. Mais ma vie m'est trop précieuse. C'est le seul bien que je possède réellement.

Si je voulais vaincre cette solitude oppressante, le plus simple était bien évidemment de trouver d'autres enfants de Prométhée. Mais nous sommes si peu nombreux ! De toute ma vie, je n'ai jamais connu que deux semblables. Deux seulement. Ma créatrice. Si seulement je savais son nom. J'ai beau la maudire de toutes mes forces, elle n'en est pas moins ma "mère" et une congénère. Je ne puis lui faire confiance. Quelque part, au fond de moi, je trouve toutes les raisons de la haïr. Si elle m'avait créé pour être aimé, j'aurais été heureux. Mais elle m'a conçu uniquement pour me délaisser et m'abandonner. Je la détesterais toujours de toutes mes forces tant que cela me sera possible. J'espère secrètement la revoir un jour pour lui faire comprendre toute la rancœur que je ressens.
Puis il y a eu Phébus. Ô Phébus ! Pourquoi m'avoir abandonné ? Toi qui semblait si seul également. Tu m'avais tout de suite identifié, à New-York, quand nous avons chacun perçu l'Azote de l'autre. Phébus le beau, tu m'avais approché sans crainte. Tu connaissais bien mes problèmes et les doutes qui m'assaillaient. Tu étais toi aussi en Pèlerinage. Nous avions chacun échangé nos expériences et raconté notre Errance. Là, sous les étoiles, tu m'avais informé des périls que risquaient ceux de notre race. Comme les pandoréens, monstres affamés de Pyros, parodies grotesques des Créés. Tu m'avais écouté sans rien dire, sans jamais te lasser, sous la nuit de New-York. Tu m'avais informé des Raffinements. Les méthodes employées pour purifier notre Feu Divin. C'est toi qui m'avait appris que j'étais un Titan ou encore un Ferrum. Un de ceux qui suivent la philosophie du fer. Mais toi, tu désirais ardemment te fondre parmi les humains, suivant ainsi la philosophie de l'or ou encore de l'Aurum. Puis nous étions endormis sur le toit d'un des innombrables grattes-ciel de la mégalopole. Le soleil s'était levé, teintant l'horizon d'un rouge orangé. Mais je m'étais réveillé seul. Tu étais parti. Ô Phébus, étais-tu proche de l'accomplissement ? Ton Pèlerinage s'achevait-il ? Pour toi, j'aurais bien voulu croire. Croire à ce rêve, absurde mais si beau, où les Créés se voient offrir la chance de devenir humains. Pour toi, j'aurais eu la foi. Pour toi, j'aurais pardonné à quiconque m'a fait du mal. Mais tu m'as abandonné. Mon cœur, mon esprit, mon Feu Divin et mon être tout entier sont incapables de ressentir la moindre rancœur envers toi. Mais mon espoir s'est corrompu.

« Ô Phébus ! pensé-je tout bas en ravalant un sanglot. Que penserais-tu si tu me voyais ? »
Me voilà réduit à essayer de tromper la solitude en créant une autre prométhéenne. Mon esprit a-t-il craqué ? Quand j'ai eu le triste privilège de voir le corps démembré de Linny suite à une explosion, j'ai senti que si j'avais eu une âme à ce moment précis, elle se serait fissurée. Elle qui était si vivante quelques heures plus tôt ! Elle avait été pris dans une histoire qui ne la concernaient même pas. David, George, Clark et Mulder ; tout le monde avait essayé de la protéger tout en lui cachant l'horrible vérité. Ils étaient devenus des vampires. Et voilà, qu'elle avait dû payer de sa vie un secret qu'elle ne connaissait même pas. La vampiresse qui était responsable avait fini par payer pour cet acte odieux et aveugle. Mais ce châtiment ne saurait ramener Linny à la vie. Moi, je pouvais faire quelque chose. J'ai donc fait un choix. Ce n'est pas vraiment Linny que je m'apprête à éveiller. Sa mémoire sera effacée, mais elle vivra. Ce sera juste comme si elle était devenue amnésique. Je le souhaite vraiment. J'ai donc récupéré la dépouille mortelle de la jeune fille. Puis pour préparer la création d'une prométhéenne, j'ai été cherché d'autres corps d'enfants de son âge. Des enfants morts tragiquement. La somme de leurs membres et organes va former un être nouveau à qui j'insufflerais la vie. J'en suis sûr dorénavant : les enfants décédés continueront à vivre à travers cette nouvelle personne. Je leur offrirais l'Espoir. Et je ne serais plus seul. C'est la situation idéale. Ma progéniture se tiendra à mes cotés tandis que je regarderais l'horizon avec une flamme nouvelle dans l'œil. J'ai déjà pensé à son nom : Cathy. Je l'appellerais Cathy. Elle sera la fille idéale qui me tiendra compagnie. Ensemble, nous ne serons plus seuls.

Ma main tremble alors que je vérifie les derniers préparatifs. Soudain Mulder me tire de ma rêverie.
« Tiens, dit-il en me tendant une substance visqueuse à deux mains. »

C'est le cerveau. Mulder m'a rendu un grand service en me trouvant l'organe manquant à ma création. Le seul que je n'avais pas pu me procurer moi-même en état correct. Je saisis délicatement la matière grise, siège de l'intelligence. Je commence tout de suite à disposer l'organe encéphalique en place tout en connectant les nerfs optiques et auditifs à l'aide d'agrafes. Il coïncide tout juste avec la boîte crânienne. C'est l'idéal. Ensuite, je fixe le sommet du crâne pour sceller le tout, toujours avec des agrafes. Puis, la tête est enfin complétée quand je rajoute le cuir chevelu provenant de Linny afin de dissimuler l'os. Je profite de quelques secondes pour contempler l'ensemble de mon ouvrage. À première vue, ce n'est qu'une poupée macabre grotesquement maintenue en l'état à l'aide de fil de suture et d'agrafes. Tout le monde se serait offusqué à la vue de cette aberration. Pas moi. Je suis allé jusque là et je n'ai pas l'intention de défaillir maintenant. Je sais que, lorsqu'elle recevra le Feu Divin, elle aura l'air d'une humaine aux yeux de tous, excepté moi et les autres prométhéens.

David pousse un petit soupir. Il a beau avoir vu bien des choses étranges ou gênantes, même en tant que vampire, il doute du bien-fondé de l'opération. Ou peut-être doute-il de la réalité de ce qu'il voit. Il est devenu un buveur de sang depuis peu et il reste sans doute encore beaucoup d'humanité en lui. Il regarde la scène d'un œil critique.
En revanche, Mulder reste impassible et contemple le spectacle avec un regard impénétrable.

« Le corpus est prêt, dis-je en chuchotant. Il me faut ensuite lui attribuer de l'humeur... »

Le fluide vital des Misérables qui partagent ma lignée, descendante de Frankenstein, est l'humeur colérique, soit la bile jaune. Avec un scalpel précis, je m'ouvre péniblement l'abdomen et cherche le foie. Une fois l'organe localisé, je l'incise délicatement pour récupérer de la bile que je déverse par poignées dans la gorge ouverte de ce qui sera Cathy. Une fois que j'ai donné suffisamment de liquide, je referme la gorge et je me dirige vers les générateurs. La suite du protocole requiert une exposition à un élément bien précis. Une quantité énorme d'électricité. C'est pourquoi nous nous sommes installés dans une centrale électrique. Dans la salle des générateurs se trouvent les câbles haute-tension. L'électricité est un conducteur puissant du Feu Divin, l'énergie qui fourmille dans le corps de tout prométhéen. Après avoir découpé la gaine en caoutchouc du câble, j'en profite pour me soigner. Le contact de ma paume avec le câble nu me revigore et restaure ma santé qui avait été mise à l'épreuve ces derniers jours. Mes plaies se referment toutes, y compris celle que je m'étais faite sur l'abdomen pour extraire la bile.

Je regarde à présent Mulder et David, témoins muets de la scène. Ce qui va se passer est primordial. Je ne suis pas sûr de vouloir qu'ils restent. Après tout, moi-même je ne suis pas certain de ce qui va se produire.
« Pourriez vous m'attendre dehors, s'il vous plait ? je demande.
-Pourquoi ? lâche David.
-J'aimerais être seul... Il s'agit de se concentrer...
-OK, moi je vais dehors, déclare Mulder.
-Qu'est-ce qui se passera si tu rates ton coup ? demande tout à coup David. »
Je préfère ne pas répondre à cette question qui, au fond de moi, blesse silencieusement.
Il enchaine quelques secondes plus tard :
« C'est dommage, j'aurais voulu voir comment ça se passe. Voir si tes promesses de ressusciter Linny n'étaient pas du vent. »
Je n'ai pas le cœur d'insister dans mon exigence. Après tout, il m'a fourni une grande aide et je lui dois beaucoup.
"D'accord, tu peux rester..."

Je respire profondément ; l'instant à la fois espéré et redouté est proche.
"Vient maintenant l'étape de l'électricité. Et que je transfère le Feu Divin."

Je pose une main sur le cou de Cathy. Mes doigts entrent en contact avec les éléments métalliques que j'ai implanté à la base du cou. Le métal est censé faciliter le passage de l'électricité. Puis je pose lentement ma main droite sur le câble récemment dénudé. Instantanément, l'électricité afflue en quantité incroyable. Le flux parcourt mon corps et le traverse pour aller visiter celui de Cathy. J'utilise alors le courant électrique pour diffuser une petite quantité d'Azote. Un peu comme si je lançais une bûche dans une rivière pour qu'elle descende le courant, l'étincelle de Feu Divin suit le chemin de l'électricité pour pénétrer le corps sans vie de ma création. Quand l'opération est terminée, je lâche le câble et le cou de Cathy, puis je recule. L'instant de vérité est là, invisible mais fatidique.

Nous restons immobiles pendant un temps infiniment long. David fixe le cadavre assemblé avec un mélange de curiosité et de scepticisme tandis que je prie nerveusement pour le succès de cette dernière étape.
"Nous voilà rendus au Jugement, dis-je en murmurant tout bas."

Sous le corps, invisible et imperceptible pour les humains et les vampires, les résidus d'électricité chatouillent le corps, animés par l'Azote. L'énergie du Feu Divin a été introduite de force dans le corps. Comment tout cela va-t-il se finir ? Impossible de prévoir les conséquences de mon acte. Ô Phébus, ai-je commis une erreur en plus d'un péché et d'un blasphème ?
Je devine le crépitement des énergies sous la peau de Cathy, toujours endormie. Les éléments doivent entrer en réaction les uns les autres. C'est tout un procédé alchimique complexe qui se joue, silencieusement, de manière imprévisible. Le corps cousu et assemblé est comme un récipient dans lequel on aurait versé tous les ingrédients d'une potion magique. Mais réagiront-ils comme il le faut ? La "potion" sera-t-elle un succès ?

Les secondes passent, toutes aussi graves que les jurés d'une cour de justice. Finalement, au terme d'un long moment, la poitrine de Cathy commence à se soulever. David, toujours assis sur une table avec les bras croisés, écarquille les yeux tandis que je soupire de soulagement. Je commence à m'approcher de Cathy. Je frémis d'avance à tout ce qui m'attend. Commencer par la rassurer. La prendre en charge. Tout lui expliquer calmement quand elle sera stable. Soudain, le corps se déforme et se disloque de manière quasi-instantané. Sous mes yeux horrifiés et choqués se constitue ce que j'avais redouté : la silhouette de ce qui devait être Cathy se recroqueville et adopte une forme monstrueuse qui n'a plus rien à voir avec les vampires, les prométhéens ou même les humains. "Cathy" est devenue une caricature, un monstre hideux. Le cauchemar est devenu réalité : j'ai créé un pandoréen.

David décroise les bras et contemple sans rien dire la créature vaguement humanoïde qui se redresse d'elle-même. Est-il choqué ? Surpris ? Je ne saurais dire. Mais il n'est certainement pas aussi affecté que moi. Je sais maintenant que j'ai échoué. J'ai créé un monstre affamé, incapable d'aimer ou d'exprimer des émotions. C'est une aberration. J'en suis le seul responsable. Toute l'opération a été un désastre. Et je dois maintenant assumer seul les conséquences. L'être difforme s'approche de moi et tente de me griffer. Je ne saurais détailler son apparence tant je la fuis du regard. Mes doigts se resserrent sur sa nuque et je commence à la broyer lentement. La chose se débat frénétiquement. Est-elle capable d'avoir peur ? J'en doute. Mes doigts s'enfoncent davantage alors que mes bras soulèvent au dessus du sol l'atrocité dont je suis le père. Qui pourrait nommer une monstruosité pareille ? Une horreur qui n'est régie que par des instincts bestiaux et destructeurs ? Mes ongles marquent des sillons sur la peau de son cou.
« J'en déduis que c'est un échec, lâche David d'un ton neutre. »
Pourquoi sa voix me parait-elle alors si glaciale et accusatrice ? Je m'en veux tant d'avoir échoué ! Tous mes rêves se sont brisés avec la naissance de ce monstre ! Une larme roule sur ma joue alors que le pandoréen essaie en vain d'échapper à l'étreinte de mes mains.
Finalement, un craquement sinistre se fait entendre, indiquant que ses cervicales viennent de rompre. Je lâche ce qui fut l'objet de mes espoirs avant de me faire goûter la désillusion. La carcasse tombe sur le sol avec un bruit à la fois mat et répugnant. J'essuie discrètement la larme sur mon visage avant que David ne la remarque.
« Et maintenant ? demande mon compagnon »
Je ne prend pas la peine de répondre. Nous nous sommes par trop attardés dans cet endroit. Je ramasse sur le sol le corps du pandoréen ainsi que tout ce que nous avions laissé trainer : le crâne vide d'une fille morte, des outils, et les dernières bricoles qui trainent. Je fourre tout dans le sac de morgue qui sert à transporter les cadavres. Quand tout a été pris, je sors. Je ne m'attarde même pas pour répondre aux interrogations de George et Mulder restés dehors. David prépare sa moto et me demande où nous devons aller.
« Au point d'eau le plus proche.
-Alors ce sera la rivière. Elle est à 50 mètres d'ici. »

Je jette le sac contenant la preuve de mon échec dans le lit de la rivière. Finalement, je détourne le regard et je m'éloigne avec les vampires. Il est temps de rentrer à la maison.

Trois jours passent où je suis incapable de dévisager les gens en face. Au fond de moi, je rumine. Finalement, j'étais plein d'espoirs et de rêves moi aussi. Tout était censé se produire de façon magique. J'aurais eu une compagne, une partenaire, une petite fille à qui transmettre mes pensées et avec qui partager des souvenirs et des émotions. Nous aurions accompli notre Pèlerinage ensemble... Quelle injustice...
Mais... Quelque part, Cathy est morte avant d'être née. Était-ce pour le mieux ? Ou peut-être pas ? Et les anges ? Ceux-là qui m'avaient envoyés en Nouvelle-Orléans, savaient-ils ce qui allait se produire quand ils m'ont ordonné de me rendre en Louisiane ? Est-ce que cela faisait partie de leur plan ? De leur fameux "Principe" ?
Était-ce la volonté du Destin que j'échoue ? Par pitié... Que quelqu'un me le dise !

Au terme des trois jours, je suis sorti prendre l'air. Au fond de moi, cette expérience m'a changé. Je ne sais toujours pas si ce que j'ai tenté de faire était correct. J'ignore encore si mon échec est une bonne ou mauvaise chose. Mais ce qui est fait est fait. Rien ne peut effacer le passé. J'avais de bonnes intentions. C'est ce qui compte. Si l'avenir est écrit, alors il était prévu que j'échoue à créer une compagne. En ce cas, mon destin doit forcément m'orienter vers une autre voie. J'ai bien réfléchi et, bien que je ne croie pas à l'existence d'un futur déjà tracé, il me semble évident que mon chemin doit m'amener à accomplir d'autre chose notamment endurer un peu plus longtemps cette part de solitude qui demeure en moi. Après tout, je suis un Ferrum ; je saurais encaisser bien des blessures, bien des coups. Et si la solitude en fait partie, qu'il en soit ainsi. Je prouverais ainsi ma force jusqu'au jour où mes vœux seront exaucés.



Abel, descendant de la lignée des Misérables
Abel

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