vendredi 5 février 2010

Need for speed

19/12/2009

Un fou ! Un malade mental, c'était la seule explication. Yuriko essayait de contenir sa panique, mais ne voyait aucune issue possible. Louis... Ou Vince Louis, avait un grand sourire aux lèvres, et se moquait éperdument de ses tentatives de conciliation. "Tu ne veux pas danser ? demanda-t-il d'une voix démente, en rangeant l'une de ses armes, avant de se mettre à jongler avec l'autre.
- Rengainez ce machin, et je marche. Un tango, ça vous dit ?" Des flammes incolores léchaient toujours le métal de son épée. Yuriko ne la lâchait pas des yeux, et pourtant, elle avait le sentiment qu'elle pouvait se dérober à son regard à chaque instant. Elle tâta sa blessure du bout des doigts. Le coup avait brûlé à la fois sa chair et son aura, et ça, c'était alarmant, même si l'entaille n'était pas très profonde. C'était bien pire que si seul son corps avait souffert, en cela que c'était incompréhensible : il ne lui était tout simplement jamais arrivé de ressentir une véritable douleur d'origine non physique.
Soudain, Vince, comme s'il comprenait, cessa de jouer avec son épée et la rangea dans son fourreau. Il ne semblait nullement déçu, au contraire, on aurait dit qu'il prenait tout cela pour un jeu. À présent désarmé, il se mit à danser sur un sol imaginaire sans cesser de regarder Yuriko, qui cherchait toujours un moyen de s'enfuir sans avoir à lui tourner le dos. Timidement, elle fit mine de lui tendre la main, pour le cas où il aurait vraiment voulu danser avec elle, mais se ravisa bien vite : sa "danse" n'était en fait qu'un assortiment de postures de combat très clairement belliqueuses. Le problème, avec les fous, c'est qu'ils sont complètement imprévisibles. "Allons, viens danser !" lança-t-il avec une légère irritation dans la voix. Que faire ? Il était complètement dingue, et même s'il avait envie de jouer, il ne lui laisserait pas la vie sauve. La différence avec un individu normal, c'est qu'elle n'avait pas le recours de la négociation et, dans la mesure où le rapport de force lui était défavorable, il n'y avait pas beaucoup de chances que, seule, elle survive à cette confrontation. Pour tout dire, Yuriko se sentait vulnérable. Ce type était comme un chat ayant l'intention de s'amuser avec sa proie : quelle que soit la durée du jeu, tous deux savaient comment il finirait.
Sans plus attendre, elle fonça dans sa direction. En une fraction de seconde, elle fut sur lui et porta plusieurs coups mortels qu'il évita souplement. Au quatrième, qui aurait au moins dû lui déboîter l'épaule, il disparut subitement. Le temps sembla s'allonger un instant. Soudain, Yuriko sentit derrière elle un trouble, comme un mouvement d'air ou une onde venant perturber son aura, et fit un mouvement brusque vers le haut.
Vince lui fit un grand sourire. Ses mains étaient entourées d'un halo tremblotant de chaleur. L'image était déformée tout autour, à cause de la température. Cette fois, c'était pas passé loin. Yuriko tapota le tissu de ses vêtements pour en éteindre les scories incandescentes, tout en cherchant à comprendre comment Vince avait pu lui échapper aussi facilement. Pourtant, elle y était allée à fond ! Sans lui laisser le temps de souffler, il fit une brusque accélération. Elle eut à peine le temps de le voir qu'il avait déjà franchi la quinzaine de mètres qu'elle avait mis entre eux deux, et à nouveau disparu de son champ de vision. Sentant venir le coup, elle plongea vers la gauche, évitant ce qui n'était probablement rien de moins qu'une mort certaine. Le crépitement des flammes qui léchaient à présent les avant-bras de Vince passa tout près de son oreille. Profitant de l'occasion, Yuriko s'éloigna de lui et redescendit le plus vite possible en direction de là où elle avait laissé les autres. Du coin de l'oeil, elle remarqua que de nombreux soldats se livraient bataille les uns contre les autres dans le jardin ceinturant la propriété Adamsky. Sans s'attarder, elle pénétra dans la maison par la fenêtre béante.
La pièce qu'elle avait laissée quelques secondes plus tôt était dans un état lamentable. Cependant, elle n'eut pas vraiment le temps de s'attarder sur les cadavres qui traînaient ici et là, pas plus que sur le type au regard vide qui était assis dans le canapé : elle avait la mort aux trousses. Elle fit volte-face juste à temps pour apercevoir du coin de l'oeil Vince passer par la fenêtre à sa suite, avec moins d'une seconde de retard. Il fit un plongeon dans sa direction et, affectant de prendre appui sur le sol alors qu'ils flottaient tous les deux un mètre au-dessus, effectua un saut périlleux pour passer derrière Yuriko. Elle s'écarta brusquement, s'arrachant à l'étreinte brûlante des mains enflammées. Des traces noires zébraient à présent sa chemise orange. Si la situation s'y était prêtée, elle aurait peut-être souri en reconnaissant là un motif tigresque du plus bel effet. Au lieu de quoi elle continua d'essayer de se dérober aux coups tout en cherchant une solution. Hé, il n'y avait pas moyen d'arrêter ça ? demanda-t-elle sans grand espoir. Parce que là, c'était lourd, hein, comme petit jeu... Vince ne répondit pas. Il riait silencieusement, sans cesser d'accélérer et d'essayer d'attraper sa proie. Sur son visage se lisait l'extase la plus pure. La porte s'ouvrit soudain, et Mannrig fit son apparition. Il leva son arc, flèche encochée, mais sembla hésiter. Yuriko jeta un coup d'oeil dans sa direction. Il était peut-être sa seule chance de s'en sortir. Il fallait que... Mais où était l'autre ?
Une seconde plus tard à peine, il l'avait agrippée. Elle se tortilla violemment, dopée par la douleur, et se dégagea. Le bras de sa chemise avait presque entièrement brûlé. La trace des doigts de Vince s'était imprimée sur sa peau, comme une griffure noire. "Regarde comme elle est agile !" s'exclama-t-il avec joie en la poursuivant dans toute la pièce, essayant de l'attraper et de la frapper alternativement. À qui parlait-il, ce taré ? Ils se déplaçaient à toute vitesse entre les quatre murs, jouant au chat et à la souris sans se soucier de rien d'autre que de leur proie ou prédateur respectif. S'il avait simplement voulu la tuer, sans prendre le temps de s'amuser, il aurait déjà eu dix fois l'occasion de le faire. Elle n'osait pas regarder ailleurs. Pour le perdre de vue à nouveau ? Non merci.
Malgré le stress et l'odeur de brûlé qui lui collait aux basques, Yuriko finit par remarquer qu'un autre individu était entré dans la pièce, et comprit qu'elle ne devrait pas compter sur l'aide du sauvage dans sa situation : des dards métalliques et des flèches volaient un peu partout, alors que Mannrig et le shivatien échangeaient des dizaines de projectiles flous. Il aurait fallu qu'elle s'en sorte seule. Ce que, précisément, elle ne pouvait pas faire. Peut-être Léander pourrait-il l'aider ? Ou bien était-il déjà mort ? Après tout, si ces deux tueurs étaient là, rien ne permettait d'affirmer qu'ils étaient seuls.
Au moment où Yuriko pensait cela, Vince fit un brusque mouvement dans sa direction et, s'appuyant sur le genou de son adversaire pour faire une étrange cabriole, passa au-dessus de son épaule avant de se faufiler derrière elle. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'une odeur de barbecue se fit sentir en même temps qu'une vive douleur quelque part au milieu de son dos. Elle fit un écart en se retournant et évita les quelques coups suivants du mieux qu'elle pouvait. Rester calme. Ne pas faire d'erreurs. La perspective de mourir ici, et surtout maintenant, ne l'enchantait vraiment pas. D'un autre côté, elle ne pourrait peut-être pas l'éviter. Il lui fallait attendre le moment opportun pour s'échapper. Elle sentait que son aura blessée lui réclamait de faire cesser tout ceci immédiatement. C'était assez étrange : pour la première fois, elle semblait s'agiter d'elle-même, comme si l'impact l'avait légèrement détachée. Bien sûr, la douleur physique et celle de son aura coïncidaient, mais on aurait dit qu'elles venaient de deux endroits différents.
Curieusement, elle ne s'attarda pas à étudier ce phénomène, par ailleurs passionnant, et continua à se concentrer sur son adversaire pour éviter de laisser à celui-ci trop d'opportunités de lui faire la peau. En y réfléchissant, non, il n'y avait pas vraiment de solution. Elle n'avait donc qu'à essayer de survivre le plus longtemps possible en évitant les coups les plus violents, dans l'attente d'un miracle.
À peu de choses près, c'est exactement ce qui arriva. Alors qu'elle bougeait dans tous les sens pour éviter de se faire attraper par le dingue aux doigts ardents, un drôle de pépiement la déconcentra. Aussitôt, il fonça dans sa direction, mais elle réussit à l'éviter au dernier moment. Des dizaines d'oiseaux de toutes sortes entraient par la fenêtre en continu. La plupart d'entre eux venaient encercler Vince qui, incompréhensif, cherchait à s'en dégager. C'était le moment. Profitant de ce qu'il n'était pas libre de ses mouvements, elle fondit sur lui et le frappa à plusieurs reprises, de toutes ses forces, cherchant à l'handicaper au niveau des membres supérieurs. Avec une certaine satisfaction, elle sentit plusieurs de ses coups porter, puis le nombre de volatiles devint trop imposant, et Vince disparut sous les plumes. Il y avait à présent plus d'une centaine d'oiseaux dans la pièce, et ceux-ci faisaient un bruit infernal. C'était une vraie volière.
Au bout de quelques secondes, un corps inerte tomba de la masse des piafs et s'écrasa tristement au sol. Yuriko ne prit pas le temps d'aller voir et se dirigea vers le shivatien. Elle avait encore un peu de ressource, même blessée et épuisée comme elle l'était. De plus, à présent que Vince ne la menaçait plus directement, elle n'avait plus besoin d'y aller à l'économie.
Cependant, alors qu'elle tentait de l'attraper par la peau du cou pour lui intimer l'ordre de calmer le jeu, il se déroba et lança une autre de ses aiguilles, traçant un fin trait rouge à la surface du bras de Yuriko. Il était vif, le bonhomme, et sans aucun doute salement dangereux lui aussi. Une flèche passa entre eux deux, et se planta jusqu'à la hampe dans le plâtre du mur. En colère, elle tenta à plusieurs reprises de neutraliser le shivatien sans y parvenir. Il bougeait vite, même s'il lui semblait presque statique comparé aux acrobaties de Vince, et le contact de ses pointes de métal était horripilant. Soudain, alors que le sauvage approchait en dégainant son épée, elle se jeta sur leur adversaire dans une brusque accélération et le força à relever la tête en tirant sur les cheveux, avant d'étreindre sa nuque de l'autre bras. "Et maintenant ? demanda le shivatien, sans laisser tomber son imperturbable sourire.
- Maintenant, tu vas pas bouger... fit-elle à toute vitesse, et moi, je vais réfléchir !" Bien, alors, qué pasa hoy ? Elle remarqua que son shivatien avait changé de tenue, et qu'il était assez gravement blessé. Sur le blanc de ses vêtements, des auréoles sanglantes s'agrandissaient. Une colonne d'oiseaux se tenait au milieu de la pièce, cachant le cadavre de Vince aux regards indiscrets, Wirostek, encore vivant quelques secondes plus tôt, était à présent hérissé de flèches comme tous les autres éléments de décor, et la pièce dans sa globalité ressemblait à Constantinople après le passage des croisés. "Lâche tous les objets piquants que tu as sur toi." ordonna-t-elle à son prisonnier, qui n'en fit rien. L'arme à la main, Mannrig s'approcha du rideau d'oiseaux, qui s'ouvrit brusquement sur ce qu'on peut appeler une très mauvaise surprise. Le sauvage fit un bond en arrière pour éviter l'épée chauffée à blanc de Vince et, essayant de contenir sa panique, Yuriko gueula que non mais ho tout le monde se calme sinon le chinois, elle allait lui broyer les cervicales. Comme s'il venait de la remarquer, Vince Louis se tourna vers son collègue et, sans se démonter, annonça "Désolé Wihong, mais tu sais comment ça marche. Bardley passe en premier." avant de reporter son attention sur Mannrig. "Tu as d'excellents amis, chuchota-t-elle à l'oreille de Wihong.
- Vous allez donc devoir me tuer, dit-il, tout sourire. De toutes façons, si vous me relâchez, je me verrai contraint d'agir selon les intérêts de Bardley.
- C'est sympa de me prévenir, mais pourquoi une telle fidélité ?" Il ne répondit pas. "Tant pis pour mes études de médecine" fit-il, résolu. Ah, mais non alors. D'abord, elle n'avait pas personnellement de raison de le tuer, et ensuite, elle doutait d'en être capable, physiquement parlant. Pour ainsi dire, Yuriko était au bout du rouleau. La situation n'aurait pas pu plus mal tourner. Le fou était toujours vivant, l'otage ne lui était d'aucune utilité, et elle n'avait même plus la force d'essayer de s'enfuir.
Histoire d'enfoncer le clou, elle avait maintenant droit au coup de l'étudiant dépressif qui lui demandait l'euthanasie. Un vague sourire se dessina sur ses lèvres. Elle ne lui ferait pas ce plaisir. D'un geste efficace, elle fit pression d'une main sur l'épaule de Wihong et tira brutalement de l'autre main, dans l'espoir de lui déboîter le bras. Ceci fait, elle recula légèrement en lévitant, et il s'écroula face contre terre. Perplexe, elle fronça les sourcils : tout ça pour un bras cassé ? Il devait y avoir autre chose. Le sauvage tenait bon. Vince était toujours vivant, mais à deux, ils auraient peut-être pu le neutraliser, si elle n'avait pas été dans un tel état de faiblesse. En l'occurrence, ce n'était pas la peine d'y penser : il leur faudrait impérativement de l'aide et, si cela s'avérait inutile, trouver un moyen de s'échapper en urgence.

Suite un de ces 4.

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