dimanche 20 septembre 2009

Jour 1 :

Pendant cette journée de plus dans sa vie, Abel ne foutait pas grand chose. D'accord, cela faisait quelques jours qu'il était venu en Nouvelle-Orléans, Louisiane, mais il n'avait pas grand chose à foutre... Peut-être éprouvait-il un peu d'ennui. Il avait pris ses repères dans la ville, puis il s'était aménagé une planque dans les égouts. Ces derniers jours, ses relations avec les humains étaient plus infructeuses que jamais. Ces derniers le rejettaient invariablement. C'était le Malaise. Cette aura, dégagée par les prométhéens comme lui, l'empêchait de mener une vie sociale normale. Mais ça ne signifiait pas qu'il ne fallait pas continuer ou perséverer. Après tout, il avait l'espoir qu'un jour on l'accepterait. Il fallait juste continuer à faire ses preuves et attendre un signe. Un signe que le changement venait.
Mais parfois, le temps était vraiment long et les humains franchements désespérant. Abel pensait qu'il avait le droit de déprimer un peu. Il faut dire que le simple fait d'acheter un hot-dog le forçait à se confronter à la grimace de dégoût du vendeur. Pas capable de tenir plus de 3 minutes. Dans ces moments là, Abel se réfugait bien douilletement dans son abri et se mettait à lire. Manque de pot, le seul livre qui avait été épargné par les voyages incessants et les fuites imprévues, c'était la Bible. Ça ou rien. Abel ne voulait pas aller à la bibliothèque. De toute façon, on ne lui laisserait pas le droit d'emprunter des livres à cette heure-ci. Et il n'avait pas d'argent. Conclusion : il se mit à lire la Bible qu'il connaissait déjà.

Il lisait en diagonale des chapitre déjà connus. Il se mit à réfléchir en lisant. Il s'était installé depuis peu et ne désirait pas partir de la ville tout de suite. Il voyageait sans arrêt et il voulait s'arrêter un peu plus de trois quatre jours dans le coin. Mais un détail le gênait : il n'était pas humain. Seulement une caricature, constituée de plusieurs morceaux de cadavres, véritable puzzle ambulant, suturé et couvert d'agraffes partout. Heureusement, les humains ne pouvaient pas voir sa véritable apparence mais ça ne changeait en rien sa nature. Les morts ne devraient pas vivre. Il était un monstre que les humains et la nature rejettaient. Comme tous ceux de sa race, la nature le fuyait. Plus il restait longtemps à un endroit, plus les lieux étaient marqués par sa présence. Déjà, au terme de quelques jours, l'électricité statique ambiante allait s'accroitre de manière considérable, gênant les appareils électroniques, mais les plantes vertes allaient mourir également. Et les nuages vireraient à l'orage pour ne rien arranger. C'était le phénomène de la Terre Gâchée qui le suivait de près, comme pour tous les Créés.
En comptant approximativement, Abel se dit qu'il lui restait environ trois mois avant que ça ne dégénère trop et que cela devienne dangereux pour lui.

Alors qu'il réfléchissait, penché sur la Bible, Abel entendit quelqu'un marcher. Ou patauger plutôt puisque sa planque se trouvait dans les égouts. Plash plash plash... Ah, ça se rapproche. PLASH ! PLASH ! PLASH !! Ah, c'est quelqu'un qui est un peu pressé. Puis la porte de la salle où il était s'ouvrit. Il y avait un homme. Il avait l'air un peu préoccupé. Sinon, pourquoi randonnerait-il dans les égouts odorants ? À part ça, il était blessé à l'oeil et à la poitrine. Il demandait de l'aide. Tiens, c'est nouveau un humain qui demande à un prométhéen de l'aider. Et en plus, il ne brandissait pas d'arme en vociférant. Encourageant donc.

"Qui êtes-vous ?
-Je m'appelle Clark Jackson. Et je vais avoir besoin d'aide s'il vous plait !"

Clark (car vous l'avez deviné : c'était son nom) expliqua qu'il était poursuivi par une nympho furieuse qui ne pouvait pas passer de sa personne au point qu'elle lui tirait des balles dans le corps histoire de l'empêcher de partir. Une manière comme une autre d'exprimer sa passion. Mais par contre, les balles ça reste relativement douloureux. En plus, il y en avait une qui commençait à sortir de son oeil gauche amoché pendant qu'il parlait.
Clark voulait savoir s'il y avait une autre issue permettant d'entrer ou de sortir à volonté des égouts, et si possible pas la même que celle qu'il avait emprunté cinq minutes plus tôt, parce que la folle devait déjà être en train de le suivre de ce coté là. Abel opina derechef. Les histoires d'amour qui se passent mal, il s'y connaissait un peu. Il avait lu deux-trois trucs en plus de la Bible, genre Roméo et Juliette ou Don Juan.
"Ok, je vais vous aider à sortir d'ici. Suivez-moi.
-Merci ! Comment tu t'appelles au fait ?
-Abel."

Pendant un quart d'heures qu'il progressaient dans les eaux usées de la villes, ils causèrent un peu. Clark avait remarqué que Abel n'était pas un SDF ordinaire tandis que ce dernier remarqua que l'invité surprise était bien surprenant : les balles sortaient toutes seules de son corps tandis que son oeil touché se reconstituait lentement.

Une fois sortis des égouts, Clark et Abel étaient dehors. Il faisait nuit. Le blessé regardait fréquemment un peu partout de peur de croiser une femme fatale armé d'un pistolet. Puis il proposa à Abel de venir avec lui chez un ami.
"Il te proposera sans doute l'hospitalité en remerciement de m'avoir aidé !"

Clark mena le Créé à une maison, assez éloignée du centre-ville. Un garage était attenant à la maison. Le type blessé frappa à la porte. Une voix hostile et méfiante lui répondit, genre :
"C'est qui le type derrière toi ?"
Ou bien :
"T'avais besoin de le ramener chez moi ? T'es con ou quoi ?"

Merci l'hospitalité.

Apparemment, ce n'était pas à Abel qu'était destiné la colère du propriétaire des lieux, mais bien envers Clark qui encaissait pathétiquement les différents griefs exposés contre lui. On le braquait même avec un fusil à pompe histoire de bien faire valoir les propos et les arguments exposés. C'est bien connu : celui qui se trouve du bon côté de la gachette a forcément raison.

Pour résumer simplement les propos qui furent prononcés ce soir-là, le proprio, un dénommé David, était furieux contre Clark tout en lui disant qu'il leur faisait prendre des risques à se balader n'importe où, à se prendre des balles dans le corps et surtout à ramener des inconnus en pleine nuit. Il faut rappeler que la Nouvelle Orléans est, dans Monde de Ténèbres, la capitale du meurtre libre et gratuit. D'autant plus que Clark aurait apparemment conclu un rendez-vous dans le garage pour le lendemain, avec un ou plusieurs inconnus, sans le consentement de David. Le pire reproche était probablement : "Pourquoi tu reviens chez moi, à quelques minutes de l'aube, en puant les égouts ?"

En plus du David en question, un autre type siègeait sans rien dire. Il s'appelait George ; il avait l'air costaud mais pas très bavard ou intelligent. Il écoutait la conversation sans rien dire, comme Abel.

Ensuite, David fit mine de s'intéresser à celui qu'il ne connaissait pas encore : le prométhéen.
"Comment vous appelez-vous ?
-Abel.
-Abel comment ?
-Abel tout court.
-Tu es humain ?
-Non.
-Tu es un vampire ?
-Non..."

David semblait pressé et voulait aller droit au but. Comment pouvait-il douter de la nature d'Abel. Habituellement, les humains ne remarquent pas. Il semblait différent. D'ailleurs, c'est quoi un vampire ? Genre, j'ai dit non, mais je ne sais même pas ce que c'est. Autant mettre les choses au clair, d'autant plus que ces gens là ont l'air de ne pas êtres des humains normaux. Peut-être ces "vampire" ? Et puis, voyons comment ils réagiront en voyant ma véritable apparence.
Abel fit appel au Feu Divin qui brûle à l'intérieur de lui pour dévoiler sa véritable apparence, l'espace de trois secondes.

Les autres types réagirent bizarrement en voyant ses traits de suture et ces cicatrices partout. Pas vraiment une réaction de dégoût comme on aurait pu s'y attendre. Quelque chose de plus subtil... Mais Abel n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, puisque rien n'était immédiatement visible.

David reprit la parole :
"T'es quoi ?
-...
-Ça a un nom ce que tu es ?
-Les Créés...
-... OK..."

George intervint :
"Tu peux manger des pâtes ?
-Je peux.
-Ne bouge pas, je reviens..."

Il revint quelques minutes plus tard, portant une assiette pleine de pâtes réchauffées au micro-ondes. Abel n'en revenait au fond de lui : Dingue ! Il montre sa vraie apparence et, au lieu de le chasser, on lui offre à manger ! C'est une première ! Il ne sait pas qui sont ces types, humains ou vampires, mais il ne veut pas les lâcher tout de suite. Ils représentent un espoir pour lui : ils sont peut-être la première étape pour accomplir son rêve et s'intégrer à la société.
Abel avala le plat de pâtes jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucune. Il ne prit même pas le temps de mastiquer. Il ne voulait pas parler tout de suite, de crainte que le Malaise produit par les prométhéens ne se manifeste soudain et ne fiche tout par terre.
En revanche, George semblait exulter en voyant l'invité manger le repas. Tiens ! Il est bizarre lui ! Ou alors il a empoisonné les pâtes. Ou alors, c'est la première fois qu'il cuisine, ce qui expliquerait ce sourire de triomphe au milieu du visage.

David et Clark continuait à discuter. Ils essayaient de s'arranger pour savoir ce qu'ils allaient faire dans les prochains jours. En tendant l'oreille, Abel put entendre quelques petits trucs. D'abord, c'étaient des vampires. Comme nous l'avons, Abel ne savait pas vraiment ce qu'est un vampire. Pas grave, Y a pas grand chose à dire là-dessus. Ensuite, Les "vampires" allaient se coucher à l'aube. Généralement, les humains vont se coucher le soir. Mais les vampires aiment bien prouver leur marginalité et font tout à contrepied. Que des chieurs ceux-là. Enfin, les mots échangés à ce moment là laissaient entendre que ses hôtes craignaient pour leurs vies. Quelques soucis en plus de devoir payer la facture d'électricité ou bien faire les courses.

David : "Abel ?"
Abel : "Oui ?"
David : "T'as un endroit où dormir ?"
Abel : "Oui, dans les égouts."
David : "C'est loin ?"
Abel : "Dix minutes d'ici en trottant."
David : "Ok, tu peux y retourner ? On reviendra te chercher demain soir."

Rendez vous bien compte des bonnes intentions de David : "Excuse-moi, veux bien retourner poireauter dans ta poubelle ? Attend nous là bas pour douze heures !" C'est presque ça. Mais bon, excusons-le : il était à cran.

Donc Abel, Créé de son état, retourna tranquillement dans les égouts. En visitant son territoire, il constata une chose : quelque était passé par là quelques minutes auparavant. La femme blonde armée qui poursuivait Clark ? Un employé de la ville affecté aux égouts ? Un autre vampire blessé ? Le FBI ? Le colocataire (s'il y en avait un...) ? Bah, pas de quoi s'alarmer.

Content ! Il était heureux et réjoui ! Il avait enfin trouvé des personnes qui ne réagissaient pas de manière hostile en le voyant. Il avait raison d'avoir suivi l'injonction des anges. Comme il avait hâte que la journée se termine...

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