mardi 26 mai 2009

Dans les rues de Brudge.

23/05/2009

« Mon nez, mon nez ! » gémissait l’agresseur qui n’y semblait plus. Jetant un coup d’œil, Yuriko s’aperçut qu’en effet, son nez, il saignait beaucoup. Ce n’était pas joli à voir. Elle l’aida à se relever et déclara en substance, s’adressant à la doc’ : « heuuum t’as vu ? Il a le nez cassé, il a dû mal tomber. Tu peux pas le lui remettre à peu près droit ? » Elle pouvait, si. Cachant ses mains (luisantes) sous sa robe, elle commença à réparer le type avec ses capacités étonnantes. Qu’est-ce que c’était que ça ? Un usage inconnu de l’énergie interne ? De la magie ? Ou autre chose ? Le blessé allant mieux, Yuriko lui posa la main sur l’épaule et voulut savoir pourquoi, au grand pourquoi, il s’amusait à larder de coups de couteau les passants honnêtes. Chacun ses hobbies, mais bon, quand même ! Impossible de lui tirer les vers du nez. (oui bon bah ça vaut ce que ça vaut) Il marmonna vaguement que ce type leur devait de l’argent, mais ne voulut même pas préciser combien. C’était même pas un assassin, il cherchait juste à se débrouiller, comme tout le monde, aussi lui dit-elle de s’enfuir. Après tout… chacun ses méthodes, et chacun ses lois. Elle s’aperçut que Mannrig avait également relâché le sien, non sans l’avoir esquinté, et que lui-même avait une sale blessure à la main. De celles qui font mal, bien sanguinolente et bien ouverte comme il faut.
Skyla finit de soigner la victime de l'agression, et ils lui posèrent quelques questions. C’était un marin sans histoire et sans intérêt, qui disait n’avoir rien à voir avec ces gens, et ne pas savoir ce qu’ils voulaient. Il fila sans demander son reste. Le dernier assassin amateur fut interrogé avec plus d'insistance. Kendrick, il s’appelait. Léander finit, à force de tergiversations, par le convaincre de leur dire ce qu’il savait. Le marin qu’ils avaient laissé filer avait gagné gros à l’occasion de quelque loterie, c’était pour ça, en fait. Tout s’expliquait. Cependant, Léander avait l’air de penser qu’on doit nécessairement manquer d’argent pour en vouloir encore plus, et l’interrogea à nouveau dans ce sens. Ils étaient endettés auprès d’une organisation criminelle, et de fait obligés de trouver en vitesse une forte somme d’argent pour sauver leur propre vie.
Ce type n’avait strictement rien d’un tueur, ni l’état d’esprit ni le savoir-faire. À cause d’eux, il allait même probablement se faire dessouder par ses supérieurs. Yuriko lâcha un soupir. Partout, vraiment, la pègre était la même. Il était mort de peur, n’avait jamais pris contact avec eux : c’était toujours lui qui était contacté. Fort bien ! Ils allaient donc l’accompagner chez lui, et décider là-bas de ce qu’ils allaient faire. Visiblement, cela ne lui plaisait pas du tout, mais on lui fit comprendre que ce n’était pas vraiment une proposition.
Kendrick les conduisit donc à sa crèche. À mesure qu’ils avançaient, les ruelles se faisaient plus sombres, les façades plus misérables et les fenêtres plus condamnées. Il les mena jusqu’à une misérable masure, où il détailla un peu sa situation. Il avait environ quarante pièces d’argent de dettes. Quoi ? Seulement ? ne put s’empêcher de penser Yuriko en se rappelant les ardoises faramineuses qu’à l’occasion elle avait laissé impayées dans plusieurs établissements du Phaïon ou du Gabriel. Sans compter l'argent qui lui resterait, elle lui en donna cinquante, « et vous me refaites la déco et le mobilier. » Il aurait préféré fuir, et d’ailleurs, s’il partait maintenant, il pourrait peut-être leur échapper. Ok, ben bonne chance, alors. Tenez, si vous envisagez de vous installer à l’étranger, voici une adresse utile. Dites que vous venez de ma part.
Puis il s’en fut. Yuriko repensa à ce pourquoi elle était venue à Brudge. Acheter un bateau et partir vers le sud en longeant la côte. S’arrêter aux différentes îles, se poser, découvrir, repartir. Voyager, quoi. Elle leur fit part de ce projet. Léander sembla intéressé, Mannrig, pas opposé, mais Skyla… refusa net. Elle marmonna qu’elle avait une mission ici, etc. mais devant l’incompréhension flagrante à laquelle elle se confrontait, elle défit sa pelisse et s’en débarrassa. « Me reconnaissez-vous ? » demanda-t-elle.
- Non. Répondit Yuriko. Je devrais ? »
Elle avait l’air catholique, ou quelque chose comme ça, avec cette grosse croix sur sa poitrine. En fait, elle portait des vêtements du genre moine, mais pour femme. À côté, Mannrig semblait lui aussi empreint d’un certain scepticisme. Enfin, bon, ce que Yuriko avait d’abord pris pour un croisement (plutôt réussi, d’ailleurs) entre un prêtre et une top-model se présenta à nouveau, sous le jour plus étonnant, il faut l’avouer, d’une sainte reconnue et appréciée, comme l’huile de ricin, pour ses qualités curatives, (sauf que l’huile de ricin est une purge, mais c’est pareil) c’est-à-dire une sous-espèce d’ange, vraisemblablement. Les anges étant des hommes-oiseaux à fâcheuses tendances évangélistes, celle-ci avait probablement hérité de ces quelques vertus. Il faudrait vérifier à l’occasion si elle n’avait pas des plumes dans le dos. Sainte Jedidah, c’était son nom, avait à l’en croire été envoyée ici par quelque autorité épiscopale pour enquêter sur l’avènement prochain d’un agent de l’Apocalypse dans la région du Kanon, rien que ça. Et c’était quoi un agent de l’Apocalypse ? Un meuchant qui risquait de faire sombrer le pays dans le néant, pour ne pas dire la corruption. C’est sûr qu’avec un nom comme celui-là… Mentir, pensa Yuriko, cela ne lui ressemblait pas trop, mais elle pouvait parfaitement être folle à lier, ce qui aurait même expliqué pas mal de choses. Il n’y avait qu’à voir comment elle réagissait quand on lui proposait une simple partie de Poker, ou de prendre une décision à pile ou face. Incroyable ! Enfin… ce voyage pouvait bien attendre, elle n’était pas pressée. Quant à la sainte, si c’en était bien une, ben… il n’y avait qu’à rentrer un peu dans son délire, histoire qu’elle se sente soutenue et qu’elle ne nous fasse pas une tentative de suicide le jour où elle se rendrait compte qu’elle était juste dingue. Les fous, faut les aider, ça les rassure, et les gens en général considèrent qu’une erreur est moins grave si elle est faite à plusieurs. Yuriko ne lui demanda même pas d’où provenait l’info, tant il semblait évident qu’elle était le fruit d’une cave mentale malmenée, tout simplement.
Elle suggéra d’attendre ici même la venue des types qui s’amusaient à manipuler Kendrick et les autres, et de les interroger pour savoir s’ils n’avaient pas des indics, des « balises » susceptibles de fournir des renseignements sur tout et n’importe quoi, et surtout n’importe qui. Mannrig était d’accord pour attendre, mais la sainte et l’érudit pensaient faire quelques recherches à la bibliothèque. Bon, pas de problème, et tiens, Léander, profites-en pour me ramener un livre, s’il te plaît. Ils sortirent. Pfouu. Elle allait devoir attendre avec le sauvage tout l‘après-midi, aussi alla-t-elle chercher un cubi de bière et deux chopes à la beuverie du coin, avant de revenir. Mannrig s’ennuyait, et accepta de jouer au Poker avec elle. La vache ! Il était bon, maintenant ! Pensait-elle en allumant son dernier cigare.
Après quelques parties ; après que le cigare eut changé plusieurs fois de lèvres, Skyla et Léander reparurent. Sans l'ombre d'un bouquin avec eux, bien sûr, cela aurait été trop beau. La sanctifiée précoce avait galvaudé sa fin d'après-midi à chercher dans pleins de livres plus ou moins évangélistes (décidément, c'était une vraie obsédée !) des indices concernant le jugement dernier, l'apocalypse, la fin du monde, les sectes déclarées (...ouais.) du Kanon, et autres cultes satanistes connus dans la région. Autant dire qu'elle n'avait pas trouvé des masses d'info. Et maintenant, on faisait quoi ? Et maintenant, répéta Yuriko, on appliquait ce qu'elle avait déjà dit, à savoir qu'on allait attendre que le racketteur de Kendrick se pointe et lui faire cracher les noms de ses informateurs habituels, pour aller poser quelques questions à ces derniers. Quoi ? Il était hors de question que Skyla Abernithy se mêlât à la pègre, même pas en rêve. Yuriko n'en pouvait plus : quand elle l'aurait trouvé, son missionnaire satanico-antéchristianiste, elle allait lui demander, s'il te plaît, s'il pouvait repartir d'où il venait, et tout serait réglé ? Rêve pas, mater sancti, il faut savoir ce qu'on veut, dans la vie. Rien à faire. Elle ne voulait pas entendre raison, et Yuriko en était à se demander si ce n'était pas là ce qui distingue les Chrétiens des gens normaux. Il lui fallut battre Léander à pierre, papier, ciseaux pour qu'ils acceptent de rester, de mauvaise grâce.
Entre dix-neuf et vingt heures, elle dormit pour être opérationnelle la nuit, puis recommença à faire jouer Mannrig. Autour de vingt-et-une heures, leur patience fut récompensée quand, après un groupe d'ivrognes titubants, des pas assurés s'approchèrent de la porte, et que quelqu'un la frappa violemment. (la porte) Yuriko se plaça à côté, de manière à voir arriver l'intrus, pendant que Mannrig se glissait dans les ombres, que Léander se mettait en face, et que Skyla s'asseyait vers le fond de la pièce, pas bien grande à vrai dire. Le sauvage entrouvrit la porte d'un geste furtif, et un homme avec une petite barbe et un long manteau noir entra. "Vous cherchez quelque chose ? demanda Yuriko, dans la semi-pénombre que seules éclairaient quelques bougies mourantes.
- Où est Kendrick ? Vous l'avez tué ? demanda-t-il en dégainant une arme qu'il pointa vers ses interlocuteurs visibles.
- Non, mais laissez tomber, vous ne le reverrez pas." Il y eut un petit bruit, et le criminel tira de son fourreau une deuxième lame qu'il orienta vers Mannrig. "Pas de blagues, dit-il. Que voulez-vous ?
- Vous parler, dit Léander. Obtenir quelques infos." Enfin, bon, il était méfiant mais finit par leur donner rendez-vous dans une taverne proche, le lendemain soir. C'était une mauvaise idée ; il allait leur filer entre les doigts, et ça, il n'en était pas question. Yuriko essaya de l'attraper par l'épaule avant qu'il ne disparaisse, pour le forcer à discuter avec eux ici et maintenant, mais il se dégagea et partit. "À la taverne Bidule, c'est d’accord. Soyez-y." lança-t-elle en guise de capitulation, avant qu'il ne fût hors de portée de voix.
Puis elle rentra dans la maison. Bon. Tout n’était pas perdu, ils avaient rendez-vous. Mais où allaient-ils dormir ? Ici ? Oui, ici, c’était bien. Non, pas envie de retourner à l’autre auberge. Alors, ils acceptèrent de dormir dans la maison de Kendrick, qui avait tout laissé derrière lui. Bientôt, une tente fut montée au milieu de la pièce, et Yuriko s’assit sur une chaise. Elle avait déjà dormi. La nuit serait longue. Il aurait pas pu lui ramener un livre, l’autre, là ?

Fourbue. Elle était fourbue. Peut-être était-ce pour cette raison qu’elle n’arrêtait pas de perdre depuis ce matin. À sept heures, elle avait réveillé Mannrig pour lui coller des cartes entre les mains, et elle était encore en train de se faire plumer quand, vers onze heures, les autres émergèrent. Il l’avait délestée de cinquante pièces d’argent, et elle s’était même endettée auprès de lui. Cool ! Bon, qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Déjà, ils allaient localiser la taverne où ils avaient rendez-vous, ce serait toujours ça de gagné. D’accord, dit Yuriko. Retrouvez-moi à la bibliothèque, je vous y attendrai. Elle partit donc d’un pas allègre trouver l’établissement sus-nommé, arrêtant des gosses dans la rue pour leur demander son chemin. Eux, au moins, ils n’étaient pas flippés comme leurs parents.
Une fois à la bibliothèque, elle s’arrangea avec le type de l’accueil pour avoir un délai pour payer la cotisation nécessaire à la fréquentation de l’établissement, et entra. Se dirigeant vers l’étagère des fictions et romans, elle en prit trois dont les titres lui plaisaient, et les glissa aussi discrètement que possible (càd pas très discrètement) dans son sac. Puis elle en tira un quatrième et commença à le lire. Pas très longtemps, moins d’une heure, car elle fut bientôt dérangée par les autres qui revenaient. Ils avaient trouvé. Que faire, maintenant ? « eh bien, proposa Yuriko, il n’y a plus qu’à tuer le temps, jusqu’à ce soir. »
Elle alla traîner avec Mannrig près des docks, où ils virent pas mal de bateaux différents. Il y en avait un qui était super beau. Tout blanc, tout propre. Et dur, avec ça ! La coque semblait inaltérable. Un marin assez sympa leur en fit la promotion. Rapides et puissants, fierté de l’empire, ces bateaux étaient construits dans le plus grand secret, et seuls quelques maîtres anonymes savaient les fabriquer. Ah, vous en voulez un ? Dur, dur ! D’une part, c’était certainement plus cher que ce qu’ils pourraient gagner en toute une vie, et d’autre part, il faudrait sans aucun doute une autorisation spéciale de l’impératrice. Le seul cas connu à ce jour, c’était un gagnant du Tao Zan qui avait demandé ceci en récompense. Vous ne connaissez pas le Tao Zan ? Un tournoi se déroulant à Archange toutes les x années, rassemblant les meilleurs combattants du monde. Il paraît même qu’il y en a qui volent !
Enfin, bon, il était bavard et le soleil se couchait quand ils le quittèrent pour aller au lieu de rendez-vous. C’était un quartier chaud, il y avait des individus louches, des vieux et des prostituées à chaque coin de rue. Il semblait même à Yuriko qu’on l’observait depuis les fenêtres. La sainte et Léander arrivaient du bout de la rue alors qu’ils s’apprêtaient à rentrer dans la taverne. Au moins, ils ne s’étaient pas perdus, même s’ils faisaient une drôle de tête. [Petite parenthèse : dans l’après-midi, ils se sont fait enlever par l’inquisition qui voulait quelques nouvelles de la mission de Skyla. En partant, l’un des inquisiteurs a déclaré à l’autre : « nous partons, frère Damien. » Eh ouais ! Bon, on va pas les ennuyer, eux.]
À l’intérieur, la salle était bondée, mais lorsqu’ils demandèrent une table pour quatre au patron, il la leur désigna immédiatement. Quelle chance ! Une table de libre au milieu de cette cohue ! Comme le hasard faisait bien les choses. « Vous voulez boire quelque chose ? » Oui, ils voulaient bien, mais il n’y avait que des bières. Ici, c’était la bière ou la porte. « Je prendrais une porte » dit Mannrig, très sérieusement, mais apparemment, il n’y en avait plus en stock. Ce furent donc quatre bières.
Un bon quart d'heure plus tard, et contre toute attente, le type qui leur avait donné rendez-vous se pointa en compagnie de deux malabars décérébrés du genre garde du corps, mais sans doute plus doués pour torturer que pour protéger. Ils vinrent tous trois s'asseoir à la table réservée, sans même que le barman ne prît la peine de leur proposer sa bière infâme. D'ailleurs, Yuriko n'avait pas touché à la sienne, observant avec curiosité les insectes qui y barbotaient et s'y reproduisaient. Elle leva la tête et jaugea leur homme. Il avait l'air très sûr de lui sous sa petite barbe négligée. Encore un de ces blaireaux à crête tellement fats qu'ils sont capables de se masturber devant un miroir. En guise de salutation, il leur annonça la -regrettable, vraiment- mort accidentelle de Kendrick, avant de demander pourquoi, au grand pourquoi, ils voulaient lui parler. Et merde. Il aurait fallu lui dire que oui, Kendrick était mort. Pfff... ça arrive à tout le monde, après tout, mais bon, quand même. Yuriko lui dit qu'ils cherchaient un "homme-balise", ou au pire une liste des bonshommes susceptibles de les renseigner sur tout ce qui se tramait dans la région, niveau pègre, mouvement politiques, meetings et autres sectes satanistes. Il fallait rester très vague, pour ne pas froisser Skyla, d'une part, et ne pas passer pour des illuminés, d'autre part. Les illuminés, comme leur nom l'indique, étant des cibles trop évidentes pour certains dingues du crucifix, on allait éviter de se faire ficher dès maintenant. Elle n'espérait pas vraiment de résultats concluants, non, mais au moins, ça occupait, et pendant qu'il discutait avec eux, il n'était pas en train d'égorger d'autres Kendricks, cet imbécile.
C'est alors que la très sainte Duconne D'Aubigné, avec sa prudence caractéristique, joua la carte de la franchise et entreprit d'expliquer au barbu, qui cherchait d'un regard inquiet le secours des autres face à cette folle, que dans la région allait débarquer, si ce n'était déjà fait, un agent pas très catholique et moyennement débonnaire, dit "de l'Apocalypse", au service du mal, etc. D'ailleurs, il y aurait la guerre, et les gens s'entretueraient comme des bêtes, et ils en oublieraient même d'aller à la messe, et voilà, quoi. Sans même réellement l'écouter, Yuriko s'interrogeait. Est-ce que des claques avaient réellement une chance de l'arranger ? Ou fallait-il un traitement plus dur ? Elle se souvenait d'un poison, qu'elle avait eu l'occasion de voir entre les mains de vieux maffieux qui prenaient les êtres humains pour de la marchandise, étant plus jeune, et qui dilué permettait de réduire à une sorte de légume incapable d'aligner dix mots cohérents tout consommateur normalement intelligent. Peut-être que ça, ça pourrait la calmer, pensait-elle en souriant toute seule au milieu de la discussion.
Puis elle prit le parti d'excuser la barge auprès du barbu. Elle avait eu un enfance difficile, vous savez... Et parfois, elle ne savait pas ce qu'elle disait. Au fait, n'avait-il pas ouï dire, ces temps-ci, d'un jeune premier qui monterait comme personne les marches de la criminalité, avec un sourire de playboy, comme qui dirait un agent de -vous allez rire !- l'apocalypse ? Non ? Eh bien, dans ce cas, aurait-il l'amabilité de bien vouloir nous refiler une liste de ses indics habituels ? Après, promis, on lui foutrait la paix. De prime abord, il refusa, mais sembla changer d'avis, et dit qu'il leur ferait parvenir "tout ce qu'il savait" par courrier, avec quelques contacts à la clé. (contre rémunération, cela va sans dire) Ok, c'était parfait, dans la maison de Kendrick, ça lui conviendrait ? Cela irait. Très bien, dit Yuriko en se levant, presque en même temps que ses... on va dire, compagnons de route. Ils sortirent de ce bouge puant et sale sans regrets et sans un regard en arrière. Bon, après s'être fait connaître de la sorte, une chose au moins était sûre : ils ne resteraient pas ici bien longtemps.
Quelques rues plus loin, dans la pénombre de la nuit qu'une pléthore d'étoiles habituelle faisait reluire, alors que tous les quatre retournaient chez Kendrick et que Yuriko savourait par avance un sommeil réparateur dans la maison d'un mort, quelqu'un s'écria, derrière, "Ce sont eux" d'un ton sans équivoque. Elle se retourna à temps pour voir trois hommes en noir, armés, se précipiter dans leur direction, bientôt suivis de deux autres. Yuriko décolla légèrement du sol, alors que Skyla reculait, avec un certain bon sens qui parfois, on savait pas pourquoi, survenait chez elle spontanément entre 22h et 22h30. Léander et Mannrig s'étaient avancés en dégainant leurs armes, et contenaient avec peine les assassins. Le sauvage avait pris quelques coups, quand soudain Yuriko aperçut une ouverture. Elle fusa, de manière à se trouver au milieu de leurs adversaires, et dans le dos de la plupart d'entre eux. Là, elle attaqua en tournoyant sur elle-même, sans trop regarder où. Le contact lui indiqua qu'elle en avait touché quelques uns, mais pas le temps de réfléchir, elle évita une lame, puis une deuxième, en veillant cette fois à se mettre hors de portée des coups suivants. Ces types connaissaient leur travail. Elle était presque sûre que c'était le barbu qui les leur avait envoyés. Mais ce pouvait aussi être autre chose... Yuriko regarda son bras droit. Une fine coupure rougissait sa manche. Rien de grave, mais bon. Skyla avait posé un certain nombre de question sur les sectes, peut-être cela déplaisait-il à certaines ? En bas, trois des tueurs étaient efficacement contenus par Mannrig et Léander, qui doucement reprenaient l'avantage. Elle serra les poings. Le seul moyen sûr de savoir par qui ils avaient été envoyés, c'était de leur poser la question directement, et pour ça, il allait falloir...

Suite bientôt.

vendredi 22 mai 2009

Petits meurtres & faits divers.

22/05/2009

Le lendemain, ils étaient à la capitale, qui faisait figure de petit bled paumé après avoir vécu à Archange. Enfin, c'était pas pour le temps qu'ils y avaient passé, de toutes façons. Ils entrèrent dans une auberge relativement spacieuse, profitant sans honte et sans abus de la légendaire hospitalité des gens de l'Hélenia. Nalya était cernée, et fatiguée par le voyage. Qu'est-ce qui pouvait bien la retenir avec eux ? Avec ce pyromane sans aucune personnalité, maudit et dangereux ? Avec cette épéiste ultraviolente ? Avec cet ex-mendiant à peine postpubère ? Avec cette voleuse pourchassée comme un musulman au Vatican ? Avec cet assassin crapuleux ? Où était-il, d'ailleurs, celui-là ? Qu'est-ce qu'il pouvait encore faire ? Comme elle commençait à se poser sérieusement la question, Néro (était-ce vraiment ça ? Elle ne s'était jamais habituée à ce nom) l'avertit par mail télépathique qu'il avait étudié avec attention les différents chemins, et qu'ils passeraient par le sud, coupant au travers du Gabriel. À ce propos... il y avait là une jeune femme dont l'itinéraire était similaire au leur, et qui semblait fort disposée à faire la route avec eux. Juste une chose, tu vois le type en noir au fond de la salle ? Celui avec la choucroute ? C'est une femme. Non, plus à droite. Ah, oui, je crois que je vois. Eh bien, c'est son garde du corps. 'fectivement, il a pas l'air commode... J'aimerais savoir s'il est vraiment pas commode, ou si c'est simplement une apparence. C'est déjà en cours, t'inquiètes. Nalya était en train d'étudier en profondeur l'individu en question. Pseudonyme : Zacharias. Impossible de savoir son vrai nom. Apparemment, il n'a pas d'autres souvenirs des jours précédents que de la marche, de la marche et de la marche. No future : pas d'avenir, pas de projets, pas de traits de caractère définissables... Attends ! Ah, oui, quand même. Bon. Qu'est-ce qu'il y a, demanda Néro, tu as appris quelque chose d'intéressant ? Il n'était pas hostile, mais tout de même, on allait le garder à l'oeil, finit par répondre Nalya, avant de se lever et de monter dans sa chambre, laissant Néro en plan.
Virgil et Pernilla s'étaient déjà couchés. Elle entra dans ses quartiers, et s'allongea sur son lit : il y avait quelque chose qu'elle se devait d'essayer. La mentaliste commença à se concentrer intensément, en faisant léviter devant elle une dague qu'elle avait récupérée, elle savait plus trop où.

En bas, Néro avait tenté de discuter avec le garde du corps. Ce type était laconique au point de sembler binaire. Oui. Non. Et puis, soudain, peut-être. Et ensuite, parce que. Pas moyen de lui tirer les vers du nez. Il avait la certitude que cet homme était un combattant, mais celui-ci affirmait le contraire. Pourtant, il était bien le garde du corps de l'autre, là, ce qui impliquait qu'il savait se servir d'une arme. Et puis, ce grand truc embandeletté qu'il avait à côté de lui, il aurait bien aimé savoir ce que c'était. Néro lui proposa même de s'entraîner avec lui, ce à quoi il répondit un truc étrange, d'une profondeur métaphysique incertaine, mais assurément au-dessous du niveau de la mer. C'était quelque chose comme "On ne progresse pas en s'entraînant. Il n'y a que lorsque l'on risque sa vie qu'on apprend."
Et puis, où était Kurt ?

À deux cent mètres de là dans une ruelle sombre, un drame allait se jouer. Kurt était assez nerveux. Sa maladie le rongeait, et il savait intimement quel traitement il lui fallait. Un truc de cheval. Un bon vieux meurtre bien gratuit comme il n'en avait pas commis depuis longtemps. Soudain, il trouva sa victime. Un homme, seul. Pris du désir de s'amuser, il s'approcha subrepticement de lui par-derrière, comme à l'accoutumée, mais ne l'égorgea pas. Il avait plutôt envie de se faire plaisir, aussi lui mit-il sa main devant la bouche, et tira-t-il un gilet de son sac, c'est-à-dire la première chose qui lui tombait sous la main. Kurt voulut bâillonner sa victime pour pouvoir la torturer ensuite, mais celle-ci fit preuve d'une vivacité inhabituelle, et parvint à briser l'étreinte de l'assassin. Alors, de rage en le voyant s'enfuir, il dégaina son épée courte, et frappa. une fois, puis deux. La première fois, il le toucha au cou, sans pour autant le tuer ni trancher quoi que ce soit de vital, mais au second coup, la lame pénétra profondément dans la chair, cependant qu'un geyser de sang apparaissait dans un bruit de ballon de baudruche qui éclate. Cela, c'était une artère, ou il ne s'y connaissait pas, pensa-t-il avec satisfaction. Il regarda ses vêtements : même dans l'obscurité, leur couleur ne faisait aucun doute. Dégueulasse pour dégueulasse, autant aller jusqu'au bout. Alors, avec une certaine frustration de ce que sa victime n'était plus en vie, il entreprit de l'éventrer, d'en sortir les viscères jusqu'au dernier morceau de pancréas, avant de répandre les organes en cercle autour du corps, et de faire quelques dessins géométriques approximatifs avec l'intestin grêle. Que voilà un métier qui permettait d'exprimer sa créativité ! Cependant, en contemplant son oeuvre d'art, il lui semblait qu'il manquait quelque chose. Alors, pour compléter le tableau, il déplia son rasoir et se mit à faire au mort un rasage de près. De très près. À vrai dire, tout ce qui ressemblait peu ou prou à un relief fut soigneusement raboté, puis déposé dans la cavité ventrale évidée. Comme ultime insulte, il s'arrangea pour déloger les yeux, qui glissaient comme des savons, et les laissa au même endroit que le nez, les oreilles et autres lèvres.
C'est alors que, satisfait de son boulot, il s'étira et s'en fut. Il fallait se coucher tôt, pour être frais le lendemain. Il avait un peu faim, faudrait voir avec le patron si il n'y avait pas du rab' de choucroute. Arrivant près de l'auberge, il se demanda sérieusement si ses vêtements dégoulinants, mais pas d'eau, n'allaient pas rendre les gens légèrement soupçonneux à son égard. Alors qu'il se posait la question, son regard se posa sur l'abreuvoir des chevaux, et il sourit. Dans son sac, il avait d'autres vêtements. Il se changea, puis nettoya les vieux dans l'eau. Moyennement bien, mais c'était déjà ça. Après quoi il enfila sa capuche pour cacher les taches rouges dans ses cheveux blonds, et frappa à la porte de l'auberge. Bonsoir, entrez donc, vous désirez quelque chose ? Un peu, mon neveu ! Faites-moi monter une baignoire, je vous prie. Kurt monta donc dans sa chambre, et après une petite demi-heure d'attente, se glissa voluptueusement dans l'eau. Excellent, vraiment ! Il avait passé une excellente soirée, on aurait même dit que ses douleurs s'étaient apaisées. Après son bain, il jeta l'eau rosie de sang par la fenêtre, et se glissa sous les draps, avant de s'endormir paisiblement, du sommeil du juste.
Le lendemain, il lui sembla que quelques uns de ses compagnons le regardaient de travers. Il avait souvent cette impression, après un meurtre, mais c'était sans doute son imagination. Il bâilla, car il était très tôt, et prit son petit déjeuner avec un appétit des grands jours.
Ils repartaient en compagnie, s'il avait bien compris, d'une femme et de son garde du corps. Elle, pourquoi pas, mais le type ne lui inspirait pas trop confiance. En fait, depuis qu'ils étaient partis, il traînait derrière lui ce qui semblait être une grande faux. Génial. Avec une dégaine comme celle-ci, il fallait pas s'étonner si l'on vous prenait pour un assassin. Comme s'il cherchait à attirer les ennuis, lui...

Juste au moment de partir, il y avait eu un meurtre dans la ville. L'aubergiste avait paru assez ému, et leur avait révélé quelques détails de l'histoire : crime à arrière-goût sataniste, avec mise en scène morbide à la clé. Scabreux. L'inquisition allait être prévenue, d'après lui, ils étaient très forts pour retrouver leurs proies et leur faire regretter leurs actes... C'était, pour Pernilla, un souci supplémentaire. Pourquoi ? Eh bien, elle ne voyait que trois possibilités.
1) C'étaient ceux qui la pourchassaient. S'ils avaient déjà retrouvé sa trace, il y avait lieu de s'inquiéter. Leur motivation n'était plus à démontrer, mais... jusqu'ici, leurs agents pouvaient mettre deux ou trois jours à la localiser lorsqu'elle ne bougeait pas. S'ils avaient trouvé le moyen de la pister de suffisamment près pour retrouver sa trace en moins de vingt-quatre heures, elle allait encore plus mal dormir. Cela finirait-il un jour ?
2) C'était le type en noir, le garde du corps. Elle ne lui avait pas parlé, mais il ne lui inspirait aucune confiance. Elle n'avait jamais vu son visage, mais ce n'était pas le pire. Depuis qu'ils étaient partis, il se baladait avec une faux géante sur le dos. Dans sa tête, elle l'avait surnommé l'Ankou, bien que son nom fût Zacharias.
3) Le pirate du Dwanhölf, le blond qui semblait quasiment insensible à sa magie. Il lui avait suffi d'un coup d'œil pour comprendre que cet individu avait déjà fait l'expérience du meurtre. Combien de fois, elle ne pouvait le dire, mais elle en avait l'intime conviction. Cela se lisait sur son visage, dessus était gravé quelque chose qui ne pouvait lui inspirer qu'une viscérale antipathie.
Le pire, c'était la première solution, cependant, les deux autres était fort préoccupantes puisque l'inquisition allait tenter de retrouver le coupable et que les deux coupables potentiels, comme de par hasard, l'accompagnaient. En fait, ces assassins, quels qu'ils soient, auraient tout à fait pu massacrer des villages entiers si ça leur chantait. Femmes et enfants d'abord, elle ne voulait pas le savoir. Le truc, c'est que c'était elle, Pernilla, qui allait encore récolter un maximum d'emmerdes avec tout ça. Sûr. C'était toujours pareil.
Le voyage se passait, cependant, sans histoires. Ils allaient un peu se rallonger pour aller voir une jolie cascade, que la femme qui les accompagnait tenait absolument à voir. C'était pas malin, compte tenu du fait que Virgil recommençait à ne ressembler à rien. Les marques noires étaient... quelque chose comme en phase terminale quand, un jour, il tomba en criant de douleur. Pernilla s'approcha un peu, apparemment, c'était pas une transformation, juste une insupportable souffrance. Pas de quoi s'alarmer. Un deuxième cri la fit se retourner. Cette fois, c'était le blond du Dwanhölf qui faisait son intéressant. Il se tordait en se tenant le ventre et en gémissant. L'homme à la faux les regardait tour à tour, et elle se rendit soudain compte qu'elle n'avait encore jamais vu la moindre parcelle de sa peau.
Pernilla se rapprocha de Kurt, en s'enveloppant d'une puissante magie illusoire, qui fonctionnait plus ou moins de manière suggestive. Elle entreprit de lui masser le ventre, en lui affirmant qu'il allait se sentir mieux. Que dalle. Il restait complètement hermétique à l'illusion. Sans se décourager, elle lui posa la main sur le front, et commença "Écoute le son de ma voix, à cinq, tu vas dormir. Un, tes paupières sont lourdes, tes yeux te picotent, tu as sommeil. Deux, les sensations s'estompent, comme au moment où l'on succombe à un endormissement, la douleur quitte ton corps...
- Mais putain, arrête tes conneries", hurla Kurt au désespoir, visiblement persuadé d'avoir affaire à une folle.
En désespoir de cause devant sa magie inopérante, elle voulut tout de même réessayer, une dernière fois. De la persévérance, toujours. Alors elle le regarda droit dans les yeux et lui dit, en substance : "Le monde que tu perçois n'est qu'une matrice, un écran que l'on a superposé à tes yeux. Ce que tu appelles la réalité n'est qu'une illusion naturelle, qui affecte tes sens ; ta douleur est illusoire : tu dois dominer tes sensations pour faire éclater la vérité..." Pernilla s'arrêta là. Il essayait de s'enfuir, complètement insensible à sa magie. Étonnant, vraiment. (je signale tout de même qu'il à réussi à résister trois fois à l'illusion alors qu'il avait 70% de chances de rater à chaque fois, ce qui fait statistiquement environ 3% de chances de résister aux trois tentatives ! Murphy wins !) Et puis, bon, les catarrheux finirent par se calmer, et purent reprendre la route. Ils atteignirent la cascade le lendemain. Jolie, la cascade. Six cent mètres de haut, à en croire la bourgeoise qui les avait accompagnés, et qui devait avoir avalé le guide michelin. Cette dernière les laissa bien vite : elle avait des trucs à faire. Virgil s'approcha à distance respectueuse de la cascade, et dit à Pernilla, qui était à côté de lui, qu'il se sentait mieux ici. Effectivement, les traces noires de la malédiction s'estompaient légèrement au niveau du visage. Peut-être cette cascade, située à proximité d'un temple, et si majestueuse, avait-elle quelque vertu curatrice ? Autant essayer. Elle lui affirma donc qu'elle avait entendu dire, entre autres, que cette cascade avait quelque chose de sacré, qui pouvait parfois soigner les souffrants, et peut-être le débarrasser de sa malédiction. Ne voulait-il pas essayer ? Non, il voulait pas. Au moment où il allait lui expliquer pourquoi, Myllenia, qui avait tout entendu, lui mit la main sur l'épaule et lui ordonna d'aller se baigner immédiatement. Elle avait quelque chose dans la voix et dans l'attitude qui persuada instantanément Pernilla qu'à la place de Virgil, elle n'aurait pas eu l'idée de désobéir non plus. Comme une menace implicite, et pourtant si indubitable qu'on n'osait même pas imaginer ce qui pouvait arriver quand on répond "non" à un ordre comme celui-là.
Oubliant de penser, le combattant au katana courut vers la cascade, et s'y jeta tout habillé. Un instant plus tard, ses cris retentirent. L'eau était-elle bouillante ? Y avait-il des alligators dedans ? Non, mais apparemment, il avait subi quelques traumatismes plus jeune, quelque chose comme ça, et il avait une peur phobique de l'eau, en plus de ne pas savoir nager. Intéressant... Pernilla, souriant pour elle-même, imaginait déjà des méthodes pour le calmer en cas de besoin, basées sur des lacs dont on atteint jamais la rive, des bulles d'eau coercitives et des inondations dans une pièce fermée. Néro atterrit à côté d'eux. Elle leva la tête, mais ne voyait pas d'où il avait pu tomber, à moins que...
Avant de partir, elle discuta un peu avec l'Ankou, car elle en avait marre de son silence. Elle souhaitait être fixée à son propos. "...voyez-vous, Zacharias, quand on voyage avec des gens, on a ce que j'appellerais devoir d'urbanité. Un voyage, quel qu'il soit, étant une gageure pour tout le monde ; quelque chose de foncièrement emmerdant, nous avons le devoir d'être agréable les uns avec les autres afin d'éviter de le rendre encore plus pénible. Appelez cela de la camaraderie si vous voulez.
- Pousser les autres à l'eau alors qu'ils en ont peur, les intimider de manière abjecte, mentir à un malade, est-ce là ce que vous appelez de la camaraderie ?
- Pas vraiment, en fait, c'est plutôt se dire bonjour le matin d'un air avenant, discuter avec les autres pour leur être agréable. Si vous vous intéressiez quelque peu aux gens, je suis sûre que vous trouveriez en eux une certaine distraction."
Bref, c'était pas gagné, mais elle ne désespérait pas pouvoir s'entendre avec ce type au bout de quelque temps. Il lui proposa même de l'aider à monter sur son cheval avant de partir. C'était sympa de sa part, même si pas trop utile. Bientôt, il retirerait cette capuche qui lui cachait le visage, et cesserait de prendre ses airs de victime.

Une nuit, alors que Nalya s'était un peu éloignée en compagnie de Néro pour tenter, après la dague, de changer un rocher en or, ils entendirent d'étranges bruits venant de la forêt.

Suite la semaine prochaine.

samedi 16 mai 2009

Dans la nuit du treizième jour.

15/05/2009

L'ombre était énorme. Myllenia descendit de la roulotte, écarquillant les yeux d'horreur. Et puis, soudain, la chose changea de comportement, elle s'agita un instant, et un tentacule finissant par une main approximative (MJ : "Tu mets trois extrémités de pelle à la place de trois doigts pour avoir la forme") jaillit de la forme noire pour mieux fondre sur Nalya. Néro se tourna vers elle : la main sombre avait pénétré sa poitrine, comme pour lui arracher le coeur. Il fallait réagir, son expression de stupeur douloureuse n'augurait de rien de bon. Il frappa directement dans la chose, qui se déforma pour éviter son coup de lance. La pointe vibrante d'énergie transperça le bois de la roulotte. Rageant, il la retira, puis porta deux coups sur sa cible. Le premier fut esquivé avec souplesse par l'ombre, qui changeait sans cesse de forme et se fondait avec celles de la roulotte et de la nuit. Le second coup, en revanche, atteignit sa cible qui se recroquevilla brusquement à la manière d'une méduse, et lâcha Nalya. Cette dernière respira un grand coup au moment de sa libération. Néro s'aperçut que ses vêtements étaient gelés à l'endroit où elle avait été touchée. C'était donc ça ! L'ombre devenait de plus en plus petite, et finit par se cacher dans un coin de la roulotte. Aussitôt, un cube d'énergie bleutée, semi transparent, apparut à l'endroit où la chose s'était réfugiée.
La lampe tempête de Nalya était tombée par terre. Néro regarda dans le cube, pour vérifier que la chose y était, et il ne vit rien. Mais peut-être était-ce à cause de l'obscurité ambiante. Il entendit un bruit sourd, derrière lui, et se retourna. C'était Nalya qui jetait leurs affaires hors de la roulotte de manière précipitée. Il lui demanda ce qu'elle faisait. Tu verras. Ah bon. Il descendit et, à tout hasard, regarda sous le véhicule, mais tout était noir. Myllenia s'était un peu éloignée, comme si elle avait un mauvais pressentiment. Le fait est que, une fraction de seconde plus tard, des flammes apparurent à l'intérieur de la roulotte. C'était un phare dans la nuit, un vrai soleil. En tout cas, cela permit de confirmer que non, l'ombre n'était pas dans le cube. Ni dans la roulotte, d'ailleurs. Elle s'était enfuie et les flammes, privées d'essence, (je sais, on fait mieux comme jeu de mots) s'éteignirent.
Nalya redescendit. Une voix demanda, quelques mètres derrière eux "Mais qu'est-ce que vous faites ? Où est passé le truc ?" Néro tourna la tête, c'était la fuyarde. Il la mit au courant. La chose avait disparu, il l'avait blessée, ils la cherchaient. Nalya regardait, elle aussi, sous leur roulotte. Un autre brasier apparut dans les airs, près d'elle, et Néro put voir que l'ombre n'y était pas non plus. Un cri retentit, tout près. Néro regarda derrière lui, scruta l'obscurité, mais il ne voyait rien, c'est à peine s'il avait reconnu la voix de Kurt. À côté de lui, Pernilla pointa du doigt un endroit dans l'obscurité, et hurla "il est là". Kurt continuait à crier, et Néro commença à accumuler son énergie en s'avançant prudemment.
Et puis, tout devint clair. C'était comme si on lui avait placé un filtre devant les yeux, ou qu'une lumière grise eût recouvert la scène. Près de l'endroit où Nalya avait jeté leurs affaires, une grande forme sombre s'acharnait sur Kurt. Néro, estimant l'énergie accumulée suffisante, déchaîna un rayon de puissance pure qui fusa en direction de sa victime. La masse obscure fut pulvérisée par le choc, et s'évapora pour former des volutes noires. Le nuage se condensa à proximité du sol, et prit la forme de Virgil étendu, puis sa couleur.
Les autres coururent vers le corps, et Néro s'approcha de Kurt. Ce dernier était visiblement éprouvé, mais pas en danger immédiat . Par contre, il était bleui, gercé et des particules de glace étaient fixées dans ses cheveux et sur ses vêtements. Étranges capacités, pensa le combattant à la lance en voyant le blond inspecter sa poitrine pour tenter en vain d'y déceler des traces de la malédiction. Myllenia passa à côté de lui. "il dort, lui dit-elle, avant de rentrer dans sa tente, mais il a toujours les marques noires au niveau de la poitrine".
Néro ramassa ses affaires, celles de Virgil, qu'il trouva étonnamment légères, et les remit dans la roulotte. Ils allaient devoir accélérer le rythme, ou bien ils n'arriveraient pas à temps pour le sauver.

Suite un jour ou l'autre, vraisemblablement vendredi prochain.
Précision : le psy et la magie, c'est bien, mais comme on voit rien, parfois, on comprend rien.
C'est la mentaliste qui fait des cubes d'énergie, des flammes volantes et qui fait léviter les lanternes. C'est l'illusionniste (qui a un peu de magie d'obscurité) qui lance un sort au virtuose martial pour qu'il voie dans le noir.
Voilà.

lundi 11 mai 2009

Jäger - Brume de souvenance (2)

Le Rêveur en deuil - MJ à ses heures perdues- raconte Anima Beyond Fantasy...

Brume de souvenance (2) - Année 985

Jonathan marche d'un pas laborieux. La ville est inondée par la lumière et la chaleur du soleil d'été. L'avenue semble s'allonger à l'infini.
Tap. Tap. Tap. Seul le bruit de ses pas résonne sur le trottoire. Il n'y aucun habitant en vue. Ils se sont tous retirés à cause de la chaleur étouffante. "Ou peut-être sont-ils tous déjà morts de chaud..."
La ville est silencieuse, hormis le bruit des cigales qui stridulent de temps à autre.
Tap. Tap. Tap. Le vagabond avance sans savoir jusqu'où. Jamais il n'avait connu une telle canicule. Au loin, l'avenue semble se dissiper à cause de la chaleur. Il est quatorze heures, le moment le plus chaud de la journée.
"Les gens sont moins stupides : ils se sont retirés à l'ombre..."
Tap. Tap. Tap. Jonathan avance en cherchant des yeux plissés une échoppe ou une taverne où il pourrait échapper à la cruauté du soleil. Toutes les maisons ont des murs de couleur jaune sable, ce qui ne fait que renforcer la sensation de chaleur étouffante. Néanmoins, alors qu'il avance, l'homme distingue une bâtisse différente des autres, sur le coté. D'abord, les murs sont sombres et semble faire disparaitre la lumière. De plus, l'architecture des lieux la distingue particulièrement : on pourrait croire à une maison du Lannet ou du Shivat. Sans hésiter, Jonathan s'approche et entre dans l'étrange demeure.

À l'intérieur, tout est en bois, si ce n'est qu'à deux mètres de l'entrée, le sol est couvert de tatamis. Dans la vaste salle règne une pénombre apaisante et rafraichissante. Des stores de bambous masquent les fenêtres, laissants des stries de lumière sur le sol. Il flotte une odeur d'encens et d'essence de bois exotique. D'un rapide coup d'oeil, Jonathan évalue la salle où il se trouve : il s'agit d'un capharnäum. Des meubles sont disposés ça et là, des objets sont rangés partout sans aucun ordre logique. On peut y voir entre autres des cendriers, des bibelots exotiques, des pipes à opium, des poignards en acier blanc du Shivath, des cornes en ivoires remplies de poudres colorées, des tapisseries du style Kushistanien, des centaines de livres, un authentique katana de samouraï du Lannet, et même quelques ossements d'origine inconnue. Certains objets d'apparat sont même suspendus au plafond par des ficelles.
Une voix de femme s'élève :
-"Ha. Voilà un visiteur. C'est plutôt rare..."
-"Excusez-moi, répond Jonathan, je suis entré par hasard. Je cherchais à m'abriter de la chaleur."

Une silhouette sort de l'arrière-salle et s'approche. Il s'agit d'une très belle femme, âgée environ d'une trentaine d'années, et manifestement d'origine orientale. En plus de son expression indéchiffrable, un sourire énigmatique flotte sur son visage.
-"Je vous en prie, il n'y a pas de mal. Vous êtes ici dans mon magasin. Bienvenue à la Lanterne Obscure, vous pouvez m'appeler Nozomi."
Jonathan hésite une seconde puis il lui répond :
-"Jäger."
Le sourire de l'hôtesse s'élargit un peu plus.
-"Si vous êtes ici, c'est qu'il doit y avoir une raison. Vous devez désirer quelque chose, non ?"
-"Je suis navré, mais je ne souhaite rien acheter en particulier."
Nozomi s'approche lentement à pas feutrés et lui mets tranquillement son index sur les lèvres.
-"Allons, allons. Je ne parle pas des objets que tu peux voir ici. Ils ne sont pas à vendre de toute façon. Ce que tu dois savoir, c'est que je suis une femme qui exauce les souhaits. En échange d'une contrepartie, bien sûr... Si tu as pu voir mon magasin et y entrer, c'est que tu n'es pas une personne ordinaire. Seuls ceux dont le destin est de venir me rencontrer peuvent voir cette échope."
-"Vous connaissez mon destin ?" hasarde Jonathan.
-"Tout dépend. Tu crois à la fatalité ?"
-"Oui et non. Quand ça m'arrange en fait."
L'étrange femme pousse un petit rire amusé, puis elle passe ses bras autour des épaules de son interlocuteur, à la manière d'une amante, afin de lui chuchotter à l'oreille.
-"Alors, disons que je ne connais pas ton avenir, mais j'ai ma petite idée là-dessus..."
Jonathan se dégage lentement de l'étreinte sensuelle.
-"Vous disiez exaucer les voeux..."
-"Quel est le tien ?"

L'homme affiche alors à son tour un étrange sourire.
-"Vous devez bien le savoir. Quelqu'un capable de discerner les fils du destin doit bien savoir de quoi il en retourne là dedans", dit-il en pointant un doigt sur sa tempe.
Ne perdant rien de sa superbe, Nozomi s'étire, faisant mine de s'intéresser à autre chose.
-"Tu dois savoir que je suis une commerçante avant tout. Je ne ferais rien si toi, le client, ne me dit rien. À toi d'énoncer ton voeu."

Jonathan croise les bras et lance :
-"Je voudrais ne plus être dérangé par la lumière du soleil et sa chaleur. C'est possible ?"
-"Bien sûr."
-"Que voulez-vous en retour ?"

En guise de réponse, la femme orientale pointe son index sur le sac de son invité.
-"Il y a là-dedans un livre qui fera l'affaire."

Sans attendre, elle plonge la main dans les affaires de son client. Jonathan la laisse agir à sa guise. Elle finit par en sortir un grand livre, dont la couverture est décoré avec sceau sophistiqué portant la lettre "N".
-"Je veux ça." dit-elle.

Son interlocuteur regarde pensivement le livre, comme pour se remémorer la façon dont il l'a obtenu.
-"J'ai tué quelqu'un et j'ai pris ce livre sur son cadavre encore chaud." finit-il par déclarer.
-"Je sais."
-"C'était un gamin de quinze ans."
-"Je le sais également."
-"Alors vous pouvez le prendre."

Nozomi serre le grimoire contre sa poitrine et sourit :
-"Très bien. Je vais exaucer ton souhait : dès que tu franchiras le seuil de ma porte, le soleil et la chaleur ne t'opportuneront plus, et ce même après ta mort. Toutefois, pour arrondir la valeur de ton voeu et assurer que l'échange soit bien équitable, je vais t'offrir un cadeau en plus."
-"Voilà qui est étrange venant d'une commerçante comme vous..."
-"Dans trois nuits, quand tu dormiras, tu feras un rêve. Une fois éveillé, tu te souviendras toujours de ce rêve. Il ne se dissipera jamais dans les brumes de la mémoire. Voilà mon cadeau. À présent, nous ne nous reverrons plus."

Jonathan s'incline profondément en marque de respect. Nozomi en fait de même. Puis la porte d'entrée s'ouvre, la silhouette de l'individu franchit le seuil, et elle se referme. Quelques secondes plus tard, le magasin semble se dissiper puis disparait pour aller ailleurs simplement.

Arrivé dehors, il fait toujours chaud et lumineux. Mais cela ne gêne plus Jonathan qui ne ressent plus qu'une simple tièdeur sur son visage. Il lève la tête et fait directement face au soleil. Il peut dorénavant le regarder sans se brûler la rétine. Il soupire immédiatement d'aise. Depuis combien de temps aurait-il souhaité que cela soit comme ça ? Enfin, il reprend sa route, parfaitement conscient d'avoir abandonné un des plus grand livres de pouvoir du Vieux Continent pour un peu de confort. 

Maintenant que voyager sous le soleil est devenu plus aisé, Jonathan commence à envisager des voyages dans les terres d'Al-Enneth. Peut-être ira-t-il au Kushistan ?

Le matin, du quatrième jour, il se réveille dans une auberge de route. Il vient de faire un rêve. Celui annoncé par la vendeuse de souhaits. Il avait rêvé qu'il était face à un miroir. Celui-ci reflétait l'image d'une jeune femme habillée de riches vêtements... Quand il se détournait du miroir, il voyait d'autres personnes qu'il ne connaissait pas. Parmis elles, une guerrière de grande beauté, un vagabond tenant une lance, un homme et son chien, une autre femme, et d'autres personnages qu'il ne pouvait identifier.

-"Qui... sont-ils ?"


Jäger - Brume de souvenance (1)

Le Rêveur en deuil - MJ à ses heures perdues- raconte Anima Beyond Fantasy...

Brume de souvenance (1) - Année 983


Le vieil homme écarta les bras en souriant. Il s'appelait Arinam. C'était un jeteur de sorts. Il recevait un invité dans sa demeure.
-"Voyez-vous monsieur Keppler, je suis content que vous soyez venu aujourd'hui. Comme je vous l'ai dit, j'ai de nombreux points à discuter avec vous concernant cette proposition que nous vous avons faites. Comprenez bien : c'est une offre plus que généreuse, et j'entends bien que vous saisissiez tous les enjeux qu'elle implique."

Jonathan eut un geste de dédain comme pour signifier son mépris pour d'éventuels salamalecs.
-"Je ne suis pas stupide, sorcier Arinam. Nous sommes semblables : nous sommes doués de magie et nous nous cachons des agents de l'Inquisition. Ce sont à peu près nos deux points communs. C'est tout."

Son interlocuteur eut un petit rire bref, amusé.
-"Haha ! Vous vous trompez sur un point : l'Ordre de Yehudah entends bien inverser un jour la balance entre les nobles dignitaires de la magie et les mécréants, pleutres et autres lâches. Ne sommes-nous pas héritier d'un ordre millénaire ? Nous disposons de la vraie puissance ! Celle de contrôler les âmes. l'Église et l'Empire d'Abel ne vivront pas éternellement. Nous les renverserons. Et ce jour approche à grand pas. Nous avons besoin d'élus comme vous pour édifier ce glorieux empire que nous fonderons."

Jonathan le fixa d'un air impassible. Son regard semblait percer l'enveloppe charnelle du vieillard, comme pour mettre son âme à nu.
-"Arinam. J'ai refusé la proposition de l'archimage de Magus en personne. Ils n'avaient rien à m'apporter. Je ne vois franchement pas ce que vous avez de plus que eux. Vos deux organisations peuvent s'entre-déchirer à loisirs, je n'ai pas vraiment besoin de vous."

Le vieux sorcier bouillait devant l'insolence de son interlocuteur. Manifestement, personne ne lui avait parlé ainsi auparavant.
-"Il suffit de vos insolences ! Vous êtes peut-être très doué dans la manipulations des fibres de magie, mais l'Ordre possède d'immenses connaissances sur l'ésotérisme et l'Occulte. Plus que vous ne pourriez en apprendre en deux siècles ! De plus, nous disposons d'avantages matériels non-négligeables ! Ne vous avisez pas de blasphémer !"

Jonathan écoutait plutôt distrait. Son attention se focalisait sur des objectifs que ce vieillard décrépit ne pourrait jamais comprendre.
-"Alors cessez de tourner autour du pot et montrez-moi donc ce que vous avez à me proposer. C'est tout ce qui m'intéresse."

Arinam sourit alors de toutes ses dents :
-"Ah, on se comprend maintenant ? Vous aussi, vous recherchez la puissance avant tout ? Hein ? Voilà l'esprit de l'Ordre. Vous feriez un bon agent. Bien, je vais vous montrez un aperçu de ce que j'ai en ma possession."

Le vieil homme claqua la langue. Aussitôt, une petite créature fit son apparition en dévalant péniblement les marches de la maison. C'était un humanoïde haut d'un peu plus d'un pied environ. Cette créature ressemblait à un horrible lutin, digne des cauchemars d'un détraqué mental.
-"Je vous présente un de mes serviteurs, dit fièrement Arinam, il s'agit d'un élémentaire de magie. Un mage peut en créer plusieurs grâce à un sort complexe et inaccessible aux néophytes. Nous pouvons vous offrir une copie de ce sort en guise de bienvenue et vous apprendre à le mettre en pratique."

Jonathan eut un rictus méprisant.
-"Je ne suis pas venu pour ce genre de broutille. C'est ce que vous affirmez être le "vrai pouvoir" ? Créer des gnomes dégénérés ?

Le vieux sorcier s'empourpra, offusqué, son visage virant au cramoisi. Il tenta de formuler une diatribe virulente bien acerbe, mais la colère l'empêchait d'articuler correctement. Son invité se contenta de hocher la tête, pensivement, puis il braqua brusquement son regard vers l'homoncule qui se consuma sur place, comme s'il n'avait jamais existé. Il avait pu dissiper le sort maintenant l'élémentaire dans ce monde sans avoir eu besoin d'incanter ou d'effectuer le moindre geste. Son hôte fut frappé de stupeur. Comment un jeannot comme lui pouvait défaire les âmes ? Et ce sans aucune parole ! Incompréhensible !

-"À l'évidence, les préjugés que j'avais sur vous sont fondés, poursuivit Jonathan, vous êtes simplement incompétent."
Puis il leva la main en direction de l'ancêtre et modula dans l'instant les vrilles de magie environnantes dans la forme qu'il avait souhaité, et les lança à la rencontre d'Arinam. Le vieillard, dépassé par les évènements, toussa puis commença à suffoquer. La seconde d'après, son coeur s'arrêta ainsi que son cerveau.

Jonathan enjamba le maccabé pour fouiller dans la bibliothèque du défunt. Il allait se servir tout seul, bien plus à l'aise sans cette goule pour lui souffler dessus. Il jetta au sol les livres clairements inutiles. Sur les deux centaines, il en restait trois. Il feuilleta le premier. Un ouvrage traitant de la manière de se prémunir des contre-coups de la magie. Inutile. Le deuxième relatait des expériences pour prolonger la vie et se rapprocher de l'immortalité. Il atterrit au sol. Le troisième était clairement différent. Il racontait simplement des histoires et des légendes. Rien qui ne concerna la sorcellerie ou les différentes méthodologies mystiques. Jonathan le rangea à l'intérieur de son manteau. 
-"La magie n'est pas éternelle. Quiconque tente de bâtir quoi que ce soit avec doit s'attendre à voir ses travaux s'écrouler. Le vrai pouvoir est définitif et imparable."

Une heure plus tard, un incendie se déclarait dans la maison d'un propriétaire bourgeois répondant au nom d'Archibald Tharn. Son corps fut retrouvé dans les décombres. Dans les jours qui suivirent, des meurtres et des accidents étranges se produisirent un peu partout au sein de Kaine, la capitale togarienne. Selon l'enquête de l'Inquisition, les victimes étaient toutes des hérétiques ou des démonistes. Au bout d'un mois, aucun nouveau sataniste ne venait s'ajouter à la liste macabre. L'affaire fut classée. Néanmoins, les organisations connues sous les noms de Yehudah et Magus perdirent un nombre effrayant de partisans dans la même période. Le hasard fit que le nombre des victimes officielles et celui des disparus coincidaient exactement...

Quelques semaines plus tard, l'Etat du Phaïon déclarait publiquement la guerre au Dwänholf, en raison de l'appui que celui-ci fournissait au rois-pirates qui ravagaient les ports de la Côte du Commerce.
Au même moment, Jonathan se trouvait à des milliers de kilomètres de là, à bord d'un bateau en partance d'un port de l'Arlan. Il allait découvrir un peu les pays du Nouveau Continent. Pour briser la monotonie du voyage, il sortit le livre qu'il avait dérobé quelques semaines auparavant. Il l'ouvrit au hasard. Le chapitre s'intitulait : "Le Rituel des Cordes".

samedi 9 mai 2009

Malchances et malédictions.

08/05/2009

Et soudain, il fit nuit.
Pernilla huma l'obscurité, puis s'emplit d'une magie analogue pour mieux la percer du regard et y voir comme en plein jour. Elle descendit l'escalier et sortit de l'auberge aussi discrètement que possible. Peut-être était-il minuit ou une heure du matin ; peut-être que cela n'avait aucune importance ; peut-être que le plus beau cadeau que puisse lui faire la nuit était le sommeil des autres, avant même le cheminement de l'astre lunaire et l'heure qu'il indiquait. Une fois dans la rue sombre, elle s'habilla d'un masque de magie pour que ses pairs ne puissent la voir que sous une apparence trompeuse. Elle vola l'image de celui qui l'avait regardée fixement dans le restaurant, puis, satisfaite de son déguisement, s'approcha de la porte. Elle se pencha sur la serrure : peut-être pourrait-elle ?.. Prenant sa barrette à cheveux, Pernilla tenta, sans succès, de crocheter cette porte entêtée. C'est égal, se dit-elle, un problème n'est pas un problème s'il n'a pas de solution. Elle recula pour mieux observer la façade et voir le bâtiment sous un angle plus large, jusqu'à ce qu'elle repère une mince lueur derrière une fenêtre, au premier étage. D'une main experte, elle lança un caillou contre la vitre. Pas de réaction. Dans l'attente, elle ramassa un second caillou, mais la fenêtre s'ouvrit alors qu'elle pensait insister. "C'est qui ? fit une voix, bientôt suivie du visage de la femme qui l'observait à la dérobée dans le restaurant.
- C'est moi, j'ai oublié mes clés, répondit Pernilla sans trop prendre de risques, je suis enfermé dehors."
Pas de réponse. La fenêtre se referma et, après un temps assez long pour témoigner de la méfiance de la proprio si c'était bien elle, la porte s'entrouvrit. La première chose qu'elle demanda à Pernilla, c'est ce qu'elle avait fait du chien. Cette dernière répondit prudemment qu'elle l'avait laissé dans la chambre, et cela sembla momentanément suffire à son interlocutrice. Arrivée en haut, elle lui souhaita une bonne nuit, puis hésita. Maladroitement elle fit mine de demander où était sa chambre, déjà. L'autre lui jeta un regard plus soupçonneux que jamais,il était temps d'accélérer les choses. Pernilla fit quelques gestes pour s'introduire magiquement dans les sens de sa victime, et manipuler son champ de vision. Elle lui fit voir l'illusion du charmant dealer qui avait essayé de vendre sa came quelques heures plus tôt à celle qui était encore leur cliente, surgissant de l'obscurité, la face couverte de sang , avec des yeux de dingue, et lui mettant sous la gorge une lame affûtée, de celles avec lesquelles le commun des mortels se rase le matin. "Ne crie pas, ne résiste pas, dit l'illusion, ou bien je ne réponds plus de mes actes."
Étrangement, la femme ne laissa transparaître aucune frayeur, tout juste de la surprise. Elle avait soit une grande maîtrise d'elle-même, soit une inconscience équivalente, mais tout de même, c'était étrange. Pernilla fit à nouveau parler son illusion : "Je veux autant d'or que possible, après quoi je repartirai et te laisserai la vie sauve si tu ne me fais pas de faux bond." Et puis là... quelque chose de bizarre arriva. La porte qui se trouvait juste derrière l'endroit où s'était matérialisée l'image du mafioso blond vola en éclats comme si un taureau venait de l'enfoncer. (ça s'appelle un double jet ouvert) Passé un premier instant de stupeur, Pernilla prit conscience de ce que ce bruit allait réveiller tous les dormeurs du coin, y compris ceux de qui elle exploitait l'apparence. C'était pas bon du tout, voire carrément mauvais.
Quelques instants plus tard, une femme, encore une, sortit de la chambre à la porte démolie. Le détail qui frappa immédiatement l'attention de Pernilla, outre la taille de l'ingénue et la puissante assurance de ses mouvements, c'était la longue et large lame d'acier, à tous les coups inoxydable, qui était nichée entre ses doigts. Elle était fort belle, mais une incroyable atmosphère d'autorité et d'agressivité enveloppait chacun de ses gestes, à tel point qu'elle en faisait presque peur. L'illusion, s'adressant aux deux, cria que si qui que ce soit faisait quoi que ce soit de suspect ou simplement un mouvement trop brusque, la propriétaire en robe de chambre ci-présente serait égorgée sans sommation. Pigé ? Des bruits inquiétants dans les chambres avoisinantes décidèrent Pernilla à se rapprocher prudemment de l'escalier. Une porte s'ouvrit à la volée et l'homme à qui elle avait emprunté son aspect fit son entrée, bientôt suivi par le dealer blond. Ce dernier eut un comportement étrange : au lieu de fixer comme tout le monde l'être illusoire qui menaçait celle qui avait ouvert la porte, il sembla ne pas le remarquer, désigna Pernilla et s'écria "Qu'est-ce qu'elle fout là, elle ? Depuis quand on est ouverts la nuit ?" La femme à l'épée cligna des yeux, et darda du regard sans comprendre pendant une fraction de seconde avant de reporter, elle aussi, son attention vers l'illusionniste, qui avait déjà commencé à descendre l'escalier à toute vitesse. Elle était repérée ! Comment avaient-ils pu percer à jour son déguisement aussi facilement ? Et qu'était-il arrivé à la porte ? Qui étaient ces gens ? Arrivée dans la salle principale du restaurant, elle regarda derrière elle. Ils descendaient eux aussi, mais tâtonnaient dans l'obscurité. L'obscurité ! Dans sa panique soudaine, elle avait oublié son atout le plus élémentaire. Le problème, quand on voit dans le noir, c'est qu'on en oublie que les autres, non. Un sourire fugitif passa sur ses lèvres. Elle fit quelques gestes assurés, et bientôt, une épaisse chape de noir absolu vint recouvrir la salle de restauration. Pernilla se plaqua contre un mur, et respira profondément mais silencieusement, retrouvant une part de son calme. La grande femme, lestée de son énorme épée bâtarde, traversa la pièce sans rien voir, et se posta juste en face de la porte bientôt suivie par celle qui l'avait ouverte. Celle-ci s'arrêta à mi-chemin et fit apparaître des flammes au creux de sa main, qui ne pouvaient heureusement dissiper l'obscurité magique. Qui était-elle ? Une sorcière ? C'est alors que Pernilla remarqua que le blond descendait l'escalier, et pire, il ne la quittait pas des yeux. Quoi ? Il pouvait la voir ? Se pouvait-il qu'il fût l'un d'entre eux ? Il hésita, leva un instant une arbalète, puis sembla changer d'avis et dégaina un objet brillant, avant de se mettre à courir, toujours en pointant son regard dans la bonne direction. C'était un fiasco complet, se dit-elle avec rage, il ne lui restait plus beaucoup d'options : elle allait devoir fuir ; sortir d'ici le plus vite possible.
Elle courut vers la porte en faisant quelques gestes incantatoires, pour lancer sur tous ceux qui se trouvaient dans la pièce une illusion sonore qui se voulait un sifflement insupportablement aigu. (Un effet Larsen, à peu près) Arrivée à moins d'un mètre de la porte, elle s'aperçut avec un certain découragement que la gardienne ne semblait nullement affectée. Avait-elle à nouveau résisté à l'illusion ? Prise de panique, Pernilla tourna les talons et regarda dans toutes les directions, à la recherche d'un échappatoire. L'autre fou arrivait en courant, toujours insensible à ses sorts. Seule la femme qui avait fait apparaître la flammèche semblait touchée : elle se tenait la tête de la main gauche, (non enflammée) comme si un son suraigu, strident, lui vrillait le cerveau. (et pour cause) Le blond, enragé, tenta de frapper de son épée courte, mais la semi-obscurité naturelle ne lui permit que d'effleurer sa cible. La cible, elle, cherchait toujours une solution de tout son être, et devant la flagrante inexistence de celle-ci, leva les mains en signe de trêve et dit à l'épéiste que c'est bon, du calme, reste zen, on fait le pow-pow. Qui était ce type ? Il lui mit une lame sous la gorge, l'air de dire "toi, si tu bouges je te plante !". (mais je crois que n'importe qui a l'air de dire ça en mettant une lame sous la gorge de quelqu'un... c'est ça, le langage universel.)
"C'est bon , Tu l'as ? dit la femme à l'épée. Et l'autre, là, fais cesser cette obscurité." À la façon dont il répondit, Pernilla comprit qu'il n'avait même pas eu conscience des sorts qu'elle avait lancés. Ni le noir, ni les illusions. La couche sombre qui englobait la pièce se dissipa, et la flamme dans la main put enfin projeter sa lumière sur la scène. "Tu me veux quoi ? Tu es des leurs, c'est ça ? Tu es un de ces démons !", hurla Pernilla à l'adresse du dealer, en proie à une panique rarement ressentie jusqu'alors. Le visage de la femme à l'épée se fendit d'un large sourire carnassier, proprement effrayant, s'approcha, et saisit la captive par le col de sa chemise. "C'est moi qui pose les questions ! Qu'est-ce que tu fous là ? RÉPONDS !" interrogea-t-elle avec une intonation métallique tellement meurtrière dans la voix que Pernilla en fut incapable de prime abord. Tout dans cette personne suintait une violence inouïe. "Tout ce que vous voulez mais ne me frappez pas." finit-elle par balbutier à toute vitesse.
Elle aurait voulu être ailleurs.
M'enfin bon, au moins, si ils avaient réellement voulu la tuer, ils l'auraient déjà fait, non ? se dit-elle plus pour se rassurer elle-même que par conviction profonde. À défaut de calme, elle récupérait un tant soit peut de rationalité. L'autre femme s'approcha, et porta sa flamme à hauteur de la tête, pour mieux voir. Pernilla ressentit comme un ordre impérieux de se souvenir. Des images ou des sons qu'elle avait vues ou entendus remontèrent à la surface de sa mémoire disséquée. Elle sentait tous ses verrous sauter, une ouverture, l'écartèlement de son crâne, comme une intrusion brutale, ainsi qu'une indéfinissable sensation d'être elle aussi, à ce moment-là, un livre ouvert.
Ceux qui l'immobilisaient la firent asseoir, manu militari, et la... sorcière, quelque chose comme ça, lui posa quelques questions avant de se présenter de nom. Était-ce la lassitude, l'effet du stress, un envoûtement ou une sorte de peur ? Elle n'essaya même pas de mentir. Cela importait peu, de toutes façons, cette femme, Nalya, obtiendrait ces informations d'une manière ou d'une autre, alors... cela n'aurait pas rimé à grand-chose que d'essayer de l'induire en erreur, d'autant plus qu'ils n'avaient vraisemblablement pas l'intention de lui faire la peau. Ils parlèrent un peu. Selon toute logique, ils n'étaient pas de ces tueurs qui poursuivaient Pernilla, pas même le blond. Ils allaient partir vers le nord le lendemain à cause d'une malédiction, ou quelque chose comme ça, dans un lieu isolé et abandonné où jamais les assassins ne penseraient à aller la chercher. Enfin, peut-être que si mais là n'était pas l'essentiel : ces gens constituaient en soi une protection et un agrément. Ils semblaient absolument infréquentables pour la majorité d'entre eux, ce qui était déjà un point positif. Au moins, ils ne seraient pas une source d'ennui, même si ils étaient déjà une source d'ennuis.
De toutes façons, tout ce qui lui importait était de rester le moins longtemps possible dans le coin. Alors, bon, autant joindre l'utile à l'agréable, et ils lui paieraient la bouffe, c'était toujours ça.
Un type descendit les escaliers. Étonné, il demanda pourquoi tout le monde était réveillé, et ce que la cliente faisait là. Ah, bon. Bah, elle avait qu'à prendre sa chambre pour cette nuit, de toutes façons, il n'était pas fatigué. Pernilla se demanda si elle avait le choix, et posa la question. Non, elle n'avait pas le choix. Cela aurait été étonnant.

Le lendemain, ce fut le départ. Après une semaine de voyage, le groupe est arrivé à la ville de Tibérias pour s'approvisionner, et est reparti le jour suivant. La prochaine étape était à deux semaines de route, et l'état de Virgil... vous m'avez compris, il était pour le moins préoccupant. Il dormait mal. Son teint frais de jeune fille s'était comme évaporé. Déjà, à Tibérias, il se baladait avec un foulard pour cacher les stries noires et nettes au bas de son visage.
Et puis, voyage.

Suite...

C'était le treizième jour. Néro ne dormait pas, il ne dormait jamais bien longtemps. Et puis, il fallait surveiller le pyromane. D'après le marabout qui l'avait examiné, le jour où il perdrait le contrôle, ça risquait de très mal se terminer. Cette puissance de feu, incontrôlée ? Ouh ! S'il n'y avait eu que lui, ils l'auraient attaché depuis longtemps. Mais Virgil ne le voulait pas. Ce soir seulement, il avait fini par accepter, car son état était tout simplement alarmant. Il gémissait dans un demi-sommeil douloureux, le visage totalement recouvert par ces énormes marques noires. Néro s'étira, et s'appuya sur le bord de leur triste moyen de locomotion, les yeux levés vers les étoiles.
Un gémissement plus fort que les autres, une odeur, peut-être, ou bien une intuition. Il se retourna brusquement. Virgil était en train de se tenir la tête, et il était saisi de tremblements. Tiens, tiens... c'était donc pour cette nuit-là. Ils étaient à une journée de leur prochaine étape. C'était au moins ça de gagné qu'il ne ferait pas sa crise dans la ville. Néro réveilla Nalya et Kurt, puis fit s'asseoir Virgil, qui paniquait incroyablement. Ensuite, il courut vers les deux tentes proches, pour réveiller celles qui ne dormaient pas dans l'habitacle. Quand il revint, les deux autres essayaient de calmer Virgil et ce dernier luttait avec désespoir contre sa malédiction. Le noir l'envahissait de bas en haut, et soudain, il le submergea totalement.
Une sorte de nuage d'obscurité absolue, qui contrastait même avec celle de la nuit, avait recouvert le sorcier. Les liens tombèrent : il n'y avait plus de matière à attacher. Alors, cela commença à grossir. Néro se saisit de son arme, se battre contre ce qui n'a pas de corps ne lui posait pas de problème, ses coups pouvaient blesser directement l'essence profonde des êtres, mais se battre au risque de tuer un ami ? Voilà qui était une autre paire de manches. Il se rendit compte que Kurt et la voleuse avaient disparu, s'étaient-ils enfuis ? Et la chose grossissait encore. Elle faisait plus de trois mètres de haut, sur autant de large. Néro pointa sa lance devant lui, et sentit son énergie venir l'envelopper : nul doute, il le ferait, s'il le fallait.

Suite un peu plus tard.
Oui, je sais, normalement, l'analyse mentale est indécelable, mais je trouvais ça plus fun, et il n'y a qu'à dire qu'elle ne se cache que quand elle veut.

vendredi 8 mai 2009

Préméditation.

01/04/2009

Pernilla regardait autour d’elle. C’était ça, Archange ? Cette grande cité pleine d’orgueil et truffée de chrétiens ? Ce bastion imprenable d’un empire millénaire qui s’effondrerait de l’intérieur, de toutes façons ? Oui, c’était ça. Même ici, je ne suis pas en sécurité, pensa-t-elle sans joie. Elle était fatiguée par un long voyage, et il lui faudrait reprendre la route dans deux ou trois jours seulement, faute de quoi ils la retrouveraient. Si seulement elle avait un simple bouquin. Ou quelqu’un pour discuter, c’était égal car après tout, car les gens sont des livres à ceci près qu’ils ne s’ouvrent pas sur demande.
Bah ! C’était tant mieux que cette ville n’ait rien d’attachant, si elle devait la quitter si vite, se dit-elle en entrant dans le premier restaurant venu, une enseigne rutilante : le Zeppelin.
Elle commanda à manger et s’assit, lasse, repérant le guichet et les entrées, ainsi que les personnes présentes, d’un coup d’œil expérimenté. Un type la regardait d’un air insistant et soupçonneux. L’observant à la dérobée, elle s’aperçut qu’il avait vraiment l’air malade. Il était pâle comme la mort, et par endroits, on pouvait voir ses vaisseaux sanguins sous sa peau, mais le pire de tout était ses yeux injectés de sang. On voyait clairement les petites veines. Un junkie ? Un drogué ? Possible. Pas très loin de lui, une femme semblait la surveiller aussi, du coin de l’œil. Pernilla reporta son attention sur son assiette, essayant d’oublier le regard des autres dérangés, et s’aperçut que quelqu’un s’était assis en face d’elle. Il était grand, blond, enveloppé dans un large manteau noir plein de poches. Ce genre de type ne pouvait être qu’une sorte de mafioso venant du nord –peut-être le Dwanhölf, ou le Moth ?- ou bien un type pas net, un criminel agissant pour son propre compte. Il avait de larges cernes sous les yeux. Mais qu’est-ce que c’était que ce gourbi ? L’inconnu écarta un pan de son ample chape de tissu, qui semblait tenir sur lui comme une seconde peau, et déclara tout de go : « Je vends de la drogue, si ça vous dit.
- Une autre fois », coupa Pernilla alors qu’il commençait à énumérer ses prix. Elle demanda l’addition puis s’en fut en conseillant aux gérants d’adopter une attitude plus commerciale, faute de quoi cette baraque ne tiendrait pas longtemps face à la concurrence. Mais où était-elle tombée ? Un squat ? Une maison de passe ? Dans tous les cas, un coin pas net.
Puis elle se dirigea vers l’établissement d’en face, qui se trouvait être une auberge, et demanda une chambre, avec si possible vue sur la rue. Cette nuit-là, elle se ferait la caisse, et repartirait au lever du jour. Simple et efficace, comme à son habitude.

Suite ce soir ou demain, ou plus tard, vu le retard que je me tape, je suis pas à ça près.

Interlude : passage à Archange en coup de vent.

24/04/2009 et 01/05/2009

Arrivé à Archange, le groupe est retourné au restaurant, histoire de se remplir la panse et de passer une bonne nuitée. Présenter Virgil à un médecin de l’ordre de Magus a eu l’utilité de les fixer sur son sort : il est maudit. En l’état, ce qui risque de lui arriver, c’est que ses veines vont devenir de plus en plus noires, à mesure que sa peau va devenir de plus en plus pâle. (faites densité +/densité- à 10% sur du beige, avec photoshop, pour avoir une idée.) Et puis, ensuite, c’est une sorte de créature d’obscurité qui va commencer à lui bouffer le cerveau, il aura des crises meurtrières de plus en plus fréquentes, jusqu’à ce que quelqu’un le soigne ou le pique. (entre nous, cette deuxième solution me semble plus simple, mais « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » © les Shadoks) Pour le soin, nous allons être dans l’obligation de partir rapidement vers le Moth (contrée bien sombre et glauque comme il faut, oui oui.) et de l’immerger dans un puits d’obscurité, ou quelque chose comme ça, si j’ai bien compris. L’idée, c’est de soigner le mal par le mal.
Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour faire des achats, mais Nalya se fait quand même kidnapper par une vioque toxicomane à moitié mystique qui lui refile un bouquin en échange de sa parole que personne d’autre qu’elle ne le lira. Hébin.
Edit : étant donné que ce livre semble avoir pas mal d'importance, je détaille un peu : la vioque n'est pas si vieille, en fait, elle fume une pipe à Opium, personne d'autre que Nalya n'a vu son magasin, et l'ouvrage en question est sculpté d'un "N" sur la couverture. La mentaliste se prend la tête (ha ha ha...) pour essayer de le lire alors que toutes les pages sont blanches et qu'il semble impossible d'écrire quoi que ce soit dedans.
Ah, et puis, aussi, en plus de ne le montrer à personne, le paiement est de ne pas faire un certain rêve, trois jours plus tard.

Ils décident de partir le lendemain. Faut pas traîner.

Suite plus tard.

L'or fondu du pharaon.

24/04/2009

Ils arrivèrent, tous. Outre leur appartenance plus ou moins avérée à la famille des hominidés, ils avaient en commun une fatigue profonde, essentielle, qui se lisait sur leurs visages défaits et poussiéreux comme on lit sur la couverture d’un livre le résumé de son contenu et le récit des traitements qu’il a subi. Nalya jeta un œil du côté de la salle mortuaire. L’or s’était écoulé en flots jaunes et brillants pour aller se mêler à la roche en fusion qui finissait de durcir, formant ainsi des rochers colorés où s’alternaient des couches de métal doré et de basalte noir. Elle se concentra un instant et ses pieds décollèrent du sol jonché de débris et de corps inégalement vivants. Au milieu de la pièce, le cercueil de pierre seul était resté inaltéré. Nalya s’approcha en lévitant, et toucha brièvement du bout du doigt, puis posa la main : c’était tiède, mais pas brûlant. Des pierres précieuses étaient incrustées dans la surface grise de la pierre mortuaire. Les autres vinrent admirer la tombe une fois que le sol eut atteint une température tolérable, et Nalya redescendit. La paladine était en train d’examiner les blessures de Néro, alors que Kurt et bientôt Virgil ramassaient quelques broutilles dans le couloir. La mentaliste et les autres s’occupaient d’ouvrir la tombe, vite rejoints par nos agonisants retapés avec une habileté discutable mais effective.
Première couche : penser à récupérer les pierres précieuses incrustées. Y’a pas de petits profits.
Seconde couche : un sarcophage en or massif d’environ une demi-tonne. Intéressant. Nalya le souleva à l’aide de sa télékinésie pour arriver à la troisième couche. Malgré sa concentration, elle ne put s’empêcher de penser à un oignon qu’on pèle, alors qu’elle extirpait toutes ces strates sculptées avec soin de leur oubli millénaire.
Troisième couche : une momie qui puait atrocement était enveloppée là. Pas le courage d’enlever cette couche-là. (les bandelettes) Par contre, le masque d’or lui faisait de l’œil, et elle le retira précautionneusement. Tiens, en parlant d’œil ! La momie faisait rouler de grands yeux sans paupières dans ses orbites. Nalya tenta de s’introduire dans les pensées du macchabée, mais cessa bien vite, pour éviter de perdre la raison. Elle jeta un regard désolé au vieux pharaon, l’air de dire « désolée, c’est pas encore pour cette fois, mon grand ! » et reposa le masque à sa place. Elle regarda ses compagnons. Sans se poser de questions, ils faisaient tourner, admiratifs, les trucs brillants qu’ils avaient trouvé dans le sarcophage. Nalya vit alors un coffret sous le coude de l’embandeletté, et lui le retira par télékinésie, avec le souci visible de ne pas froisser son propriétaire. L’objet volant imparfaitement identifié alla se poser aux pieds de Jacques Clairac, et ce dernier, de peur qu’il se dissipe dans les airs sitôt qu’on le toucherait, demanda à Nalya de l’ouvrir avec son « étrange don », ce qu’elle fit. Dedans, il y avait une drôle de sphère noire, qu’ils n’osaient pas toucher. Néro, boiteux, s’approcha et s’en saisit avec courage. Tout le monde le regardait, mais rien ne se passa. Le combattant blessé haussa les épaules, et fit mine de vouloir le passer à quelqu’un. Personne ne voulait y toucher, sauf Virgil, qui tendit a main et s’en saisit. Il soupesa, sourit, et la sphère se volatilisa soudain, pour devenir une fumée noire qui s’introduisit immédiatement dans les narines du sorcier. Et meeerde. À tous les coups, il était clamsé, lui aussi. Ah, non ? Si ? Tiens, non. Il, avait juste le nez blanc craie et ses veines autour des narines étaient noires. Il ne manque plus que les yeux révulsés pour qu’il ressemble à ceux qui abusent des opiacés, se dit Nalya sans se laisser gagner par un quelconque allocentrisme déplacé.
Ils repartirent le lendemain. Nalya avait extrait une grande quantité d’or à grands coups de matrice psychique, ainsi que les pierres précieuses de la première couche, mais ça, elle préférait le garder pour elle.

Le voyage du retour fut long et sans histoires. Il est à noter, tout de même, que Virgil Anderson était bizarre : il semblait beaucoup plus pâle, malgré le soleil qui aurait dû l’aider à bronzer. Ah, et puis, le pillard sans respect ni considération pour les morts ; l’assassin, fut pris au début du voyage de quintes de toux qui lui enflammèrent les poumons et lui dévorèrent les tripes jusqu’à ce qu’il crache des glaviots noirs et rouges. Un rhume des foins, à tous les coups.

Suite la semaine actuelle, puisque je découpe dans les séances.